On n'a pas l'âge de ses artères, mais l'âge de ses désirs[1] (Dr Marc Ganem)
Il y a quelques années, la notion de plaisir chez les seniors passait souvent au deuxième plan derrière les préoccupations de santé et le maintien du niveau de vie. La sexualité des seniors, comment celle-ci va dériver progressivement de l'effusion pulsionnelle vers une tendre complicité.
De plus, le plaisir étant habituellement considéré comme la récompense d'un travail accompli, les aspirations hédonistes des retraités étaient souvent teintées d'une forte culpabilité.
Hors, les seniors d'aujourd'hui sont devenus des consommateurs de loisirs et ont enrichi leur vie intime. La levée de certains tabous, accompagnant les progrès médicaux et sociaux, leur permet de vivre plus librement leur sexualité.
Toutefois, malgré des progrès certains, il faudra probablement encore quelques générations pour que les préjugés s'évanouissent et que l'image d'une vieillesse asexuée disparaisse. Quels que soient l'âge ou les motivations, les comportements sexuels dépendent d'une multitude de paramètres qui associent, au psychologique et au social, une nécessaire dimension organique.
Le désir sexuel n'a pas d'âge
Ainsi, une étude américaine portant sur plusieurs milliers de personnes a montré que 55 % des femmes et 75 % des hommes de plus de 70 ans présentent un intérêt de modéré à fort pour le sexe.
L'enquête ACSF effectuée en France, confirme cette tendance. On a pu ainsi estimer que 86 % des hommes et 64 % des femmes de 50 à 69 ans, dans cette tranche d'âge, ont eu au moins un rapport sexuel au cours du dernier mois et que respectivement 23 % et 11 % en ont eu au moins dix. Pour les personnes vivant en couple, 78 % des femmes et 90 % des hommes ont déclaré avoir eu un rapport ou plus dans le dernier mois.
Certes, les seniors sont moins actifs dans leur vie amoureuse. Ils ont moins de rapports sexuels et sont dans l'ensemble moins satisfaits de leur sexualité. Ce sont les femmes qui, en fonction de l'âge, présentent l'infléchissement le plus marqué.
Ces différences ne doivent pas être attribuées aux seuls effets du vieillissement. Le poids des normes socioculturelles propres à chaque génération joue un rôle déterminant pour justifier ces singularités.
Il existe en effet, en matière de sexualité chez l'homme et la femme, un principe de continuité qui admet que l'activité sexuelle chez le sujet vieillissant, même minorée, soit proportionnelle à ce qu'elle fut dans sa jeunesse. En d'autres termes, si vous étiez « porté sur la chose » dans vos jeunes années, vous serez enclin à conserver un potentiel de séduction et de désir jusqu'à un âge avancé. À l'inverse, si le sexe vous ennuie ou vous fait peur à 30 ans, il serait surprenant que cela change en vieillissant.
Les menaces qui guettent la relation amoureuse
- Les carences hormonales qui entraînent des nuisances et créent des conditions physiologiques et psychologiques inappropriées.
- Des troubles physiques, douleurs, prise de poids, problèmes cardio-vasculaires, fatigue, qui émoussent le désir.
- Des difficultés d'érection qui font douter et qui déstabilisent l'équilibre du couple.
- Un mental négatif, nostalgie du passé, peur de vieillir, poids des idées reçues (« ça ne se fait pas ! »), pessimisme, anxiété, dépression qui démobilisent.
- Des problèmes de couple et une mésentente physique préexistants.
Plaidoyer pour un changement de comportement sexuel après 50 ans
Dans ses années de jeunesse, l'homme est habituellement l'initiateur des ébats amoureux. Progressivement avec l'âge, le feu pulsionnel perd de son intensité, et le caractère impérieux, quasi réflexe, de sa sexualité va s'amoindrir. Cette évolution est habituellement compensée par l'épouse ou la compagne, qui, si les conditions le permettent, va discrètement prendre des initiatives et entreprendre plus fréquemment son partenaire sexuel. Ces changements de pratiques se produisent le plus souvent spontanément : certaines femmes intuitives comprennent alors qu'il en va ainsi de l'équilibre sexuel de leur couple.
Avec la maturité, la dimension fantasmatique, pulsionnelle de la libido masculine est moins présente. En revanche, l'homme reste toujours aussi sensible aux stimulations tactiles. Lorsque les caresses proviennent de sa compagne, il éprouvera non seulement du plaisir, mais également la satisfaction de se sentir désiré, à un âge où la crainte des pannes sexuelles lui fait souvent perdre confiance en lui-même.
L'intérêt sexuel est habituellement largement conservé jusqu'à un âge avancé. Si le désir reste intact, la réponse n'est pas toujours celle souhaitée. La baisse de l'activité sexuelle masculine observée dans toutes les enquêtes est liée en grande partie à la qualité des érections. Il semble que la transmission du message érotique du cerveau vers le pénis s'effectue avec davantage de difficulté.
Pour maintenir l'entente sexuelle dans le couple, les hommes devront également accepter certaines remises en question. Si, dans leurs jeunes années, le désir les conduisait à l'amour, la maturité venue, c'est l'amour qui guidera leur désir. C'est pourquoi l'attitude des femmes est fondamentale à cette époque de la vie.
Enfin, de nouvelles molécules ont révolutionné le traitement des troubles de l'érection masculine. Leur efficacité et la rareté des effets secondaires indésirables doivent permettent une nouvelle approche de la sexualité des seniors.
Comment réagissent les femmes face à l'impuissance de leur conjoint ?
Faire face aux troubles de l'érection de leur conjoint est pour beaucoup de femmes une épreuve difficile. Elles réagiront en fonction de leur personnalité et de qualité des relations dans le couple. En étant schématique, on retiendra six typologies distinctes.
- Les fautives. : Ayant perdu confiance en elles à la suite de la ménopause, elles se sentent coupables des pannes de leur compagnon, qu'elles attribuent à une baisse de leur pouvoir attractif et de leur capacité à lui donner du plaisir.
- Les encourageantes. : Elles le rassureront en justifiant ses troubles sexuels par la fatigue, le stress, banaliseront l'événement, voire encourageront la prise de médicaments.
- Les inquiètes. : Elles s'imaginent que leur conjoint n'a plus d'érection parce qu'il les trompe ou qu'il va les tromper pour tenter de se refaire une virilité.
- Les blessées. : Elles pensent que les pannes sexuelles sont une agression destinée à les frustrer et à les humilier.
- Les résignées. : Il y a les résignées volontaires qui acceptent avec un certain soulagement une impuissance qui leur offre l'occasion de se désengager en douceur du « devoir conjugal ».
Il existe aussi de nombreuses femmes qui, de peur de blesser leur compagnon, et par difficulté à communiquer sur un sujet aussi sensible, se résignent en silence à mettre un terme définitif à leur vie sexuelle.
C'est pourquoi il faut anticiper sur les troubles de la sexualité avant que d'arriver à l'âge des seniors, afin qu'une information puisse réussir à faire passer un message concernant éventuellement les fausses croyances et la réalité positive d'entretenir une sexualité.
En effet, les seniors ayant une activité physique soutenue et une sexualité, préservent leurs fonctions intellectuelles dans de meilleures conditions que les sujets sédentaires du même âge. Outre l'amélioration de l'état de santé et notamment du système cardio-respiratoire qui assure l'oxygénation du cerveau, l'exercice pourrait stimuler la synthèse de substances favorables au développement et au maintien des cellules cérébrales, en particulier le NGF (nerve growth factor).
Conclusion
Notre Occident contemporain, à la différence de nombreuses autres cultures, n'est pas encore bienveillant à l'égard de la vieillesse. La vie humaine y est conçue comme une progression vers un apogée puis un déclin précédant la fin. Pour retarder la chute, il est donc suggéré de rester éternellement jeune. Ce désir d'une société homogène et sans âge aboutit nécessairement à la négation de la vieillesse conçue comme forcément pathologique. « Les vieux doivent rester jeunes ».
La sexualité des seniors doit s'affirmer comme une entité à part entière dont l'étude scientifique qui commence, révèlera une des clés d'un vieillissement réussi.
Depuis l'adolescence jusqu'à la cinquantaine, les individus expriment un important conformisme par rapport aux stéréotypes sociaux liés au sexe. Les femmes deviennent de plus en plus féminines et les hommes de plus en plus virils. En revanche, passé cet âge, ils seraient plus introvertis et moins orientés au niveau de leurs représentations sexuelles.
RD
[1] À partir d'un texte du Président de la World Association of Sexology, le Dr Marc Ganem, présenté à Rome - Congrès de l'ESSIR (European Society for Sexual and Impotance Research) - Octobre 2001.
Association pour le Développement de l'Information et de la Recherche sur la Sexualité
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