Vivre la vie d'un Senior

mardi 28 avril 2020

La gestion du risque : pour les aînés aussi

Article de ISABELLE MATHIEU, Le Soleil, 25 avril 2020

Sécurité des aînés - Ministère de la Sécurité publique


Pendant la crise de la COVID-19 et également après, il faudra apprendre à laisser les aînés gérer leurs risques eux aussi, plaide le gériatre social Dr Stéphane Lemire, qui pointe les impacts d’un confinement prolongé des personnes âgées.

«On ne veut pas se ramasser dans un mois avec la moitié des aînés qui ne marche plus!», fait remarquer l’interniste-gériatre en entrevue au Soleil.

Le Dr Lemire juge lui aussi que le confinement était nécessaire. Mais il est heureux d’entendre le premier ministre et le directeur national de la santé publique parler maintenant de gestion de risque, avec une réouverture graduelle des écoles et des entreprises.

Cette gestion de risque devra valoir aussi pour les aînés, dit-il. «Ce ne sont pas tous du monde impotent! s’emporte le Dr Lemire. Il faut se rappeler que ce sont des adultes, qui ont pris des décisions toute leur vie. Il faudra qu’à eux aussi, on puisse leur dire de recommencer à vivre, en prenant des mesures comme porter un masque, garder les distances, se laver les mains.»

Le cauchemar vécu en CHSLD par les personnes âgées et leurs familles ne fait que ressortir l’importance de donner des ressources aux organismes communautaires qui font du soutien à domicile, insiste le Dr Lemire. «Ce qu’on vit n’est qu’une petite répétition générale de ce qui nous attend en 2031, avec le vieillissement de la population, estime-t-il. Il faut des investissements importants pour que la personne âgée puisse avoir le vrai choix de rester à la maison, avec des services.»

Des vidéos pour prévenir la dégradation de la santé des aînés

Le médecin spécialiste en gériatrie est fondateur et président du conseil d’administration de la Fondation AGES, un organisme qui fournit des services de proximité et de l’information à des milliers d’aînés.

Au bout de 40 jours de confinement, les préposés qui agissent comme sentinelles pour la Fondation AGES constatent plusieurs problèmes chez les aînés : anxiété, isolement, mais aussi des lacunes dans les services de base liés à l’alimentation, à l’entretien.

Une situation aussi stressante que le confinement peut accélérer le vieillissement d’un aîné, ajoute le Dr Lemire.

Pour donner des outils aux aînés et à leurs proches, la Fondation AGES a développé plusieurs vidéos. Ils sont tous disponibles au https://fondationages.org/ressources/

RD

La peur de finir au CHSLD

Article de BRIGITTE BRETON, Le Soleil, 25 avril 2020

Brigitte Breton (@b_breton) | Twitter


CHRONIQUE / Nous vieillissons tous et ce n’est sûrement pas seul, sale, déshydraté, affamé et infecté par un virus que nous voulons finir nos jours. Nous avons donc tous intérêt à ce que le traitement réservé aux personnes âgées en perte d’autonomie soit revu et amélioré. Un jour, ce sera notre tour.  

Je reprends une vieille formule publicitaire de Loto-Québec, mais personne ne rêve de gagner à cette loterie de la vie et de passer ses dernières années dans un CHSLD ou une résidence pour personnes âgées en perte d’autonomie.

C’était vrai avant que la ­COVID-19 frappe. Encore plus depuis que les décès s’additionnent et que le premier ministre multiplie les appels à l’aide pour ces supposés milieux de vie.

Ce n’est pas «un peu gênant», comme le disait cette semaine François Legault, mais bien «très gênant» et inacceptable ce qui se passe dans les centres d’hébergement et les résidences de personnes âgées durant cette crise sanitaire.

Est-ce que la démonstration est assez claire pour que nous cessions de fermer les yeux et de «patcher», alors que de gros travaux s’imposent depuis longtemps?

«La démographie, c’est comme la marée : très prévisible», indiquait cette semaine dans une lettre Michel Clair, ancien ministre péquiste, ex-président de la Commission sur l’avenir du réseau de la santé et des services sociaux et présidant du conseil d’administration de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec.

Il y aura l’an prochain plus de 200 000 personnes de 85 ans et plus au Québec, 400 000 en 2035 et 700 000 en 2050. «Où est le plan?» demande celui dont la commission a recommandé en 2000 la création d’une assurance contre la perte d’autonomie. Le gouvernement Marois et son ministre Réjean Hébert avaient poussé un projet similaire en 2013.

En entrevue téléphonique, M. Clair déplore que Québec achète des places d’hébergement comme s’il achetait de la «garnotte».

La crise passée, il sera tentant de faire preuve d’amnésie collective et d’attribuer uniquement à la COVID-19 la désorganisation et le manque de soins exposés durant cette période. De se dire aussi que d’autres provinces et d’autres pays n’ont pas fait mieux, et que des établissements ont réussi à contrôler la pandémie.

Le risque est grand que le sort des personnes âgées vulnérables passe une fois de plus en second. Comme s’il était impossible qu’un jour, ce vieil homme atteint d’Alzheimer ou cette vieille femme dépendante des autres pour tout, ce soit nous.

Et pourtant, 60 % des individus devront composer avec une perte d’autonomie.

Le premier ministre a affirmé mercredi qu’une fois la crise réglée, il va falloir «qu’on s’assure qu’on traite beaucoup mieux nos aînés. […] je veux qu’on soit fier de toute la société québécoise, incluant la façon dont on traite nos aînés dans les CHSLD».

Est-ce enfin l’expression d’une volonté politique qui fait cruellement défaut depuis des décennies au Québec?

La création de maisons des aînés était la principale proposition de la Coalition avenir Québec aux dernières élections. M. Legault est-il prêt à investir davantage, à se relever les manches, comme il le dit, pour s’occuper des personnes qui ont bâti le Québec? Souhaitons-le.

L’an dernier, 48 heures après la mort d’une fillette à Granby, M. Legault a annoncé la création d’une commission d’enquête en protection de la jeunesse. Il souhaite un avant et un après-Granby.

Un exercice similaire s’impose-t-il après la mort de centaines de personnes âgées dans les CHSLD et les résidences? Un avant et un après COVID-19?

Interrogé jeudi sur la possibilité d’une enquête publique sur la gestion des CHSLD, le premier ministre a répondu qu’il n’excluait rien. Il a également signalé que lorsqu’il manque 9500 personnes dans le réseau, la situation est très tendue.

Le désir est bien sûr grand d’identifier des coupables. Une commission d’enquête n’est cependant pas un procès. Personne ne se retrouvera derrière les barreaux.

Des poursuites devant les tribunaux alors? En 2013, Québec a dû verser 7 millions $ en dédommagements à des résidents maltraités du CHSLD Saint-Charles-­Borromée. Le problème persiste.

Les lacunes dans les services et les soins, tant à domicile, en centre d’hébergement, qu’en résidence privée pour aînés, sont très bien documentées. Les rapports de commissions, de consultations publiques, de vérificateur général, de protecteur du citoyen, de coroner s’empilent.
Faut-il vraiment un autre rapport d’enquête pour se doter d’un véritable plan pour faire face au vieillissement de la population et prévoir enfin un financement adéquat?

Malgré ses vertus, une commission d’enquête peut s’avérer un moyen pour un gouvernement de gagner du temps et de ne rien faire.

Pour Michel Clair, se mobiliser rapidement, établir un consensus social et se doter d’une stratégie à long terme pour prendre soin des aînés en perte d’autonomie est prioritaire.

RD

Confinement : une occasion de cultiver notre « zone de confort »

Article paru dans la Tribune, 25 avril 2020. 
 
 DIRECT. Coronavirus : santé, transports, vie quotidienne, travail ...

 Alors que l’injonction à sortir de notre « zone de confort » apparaît comme un crédo incontournable pour tant de coachs en développement personnel et de multiples cadres inféodés à l’idéologie managériale, le « Grand confinement » nous incite davantage, comme le proposait déjà le Candide de Voltaire, à « Cultiver notre jardin » au sens propre comme au sens figuré. 

La crise que nous vivons actuellement, qui a fait sortir de leur zone de confort habituelle des millions d’Occidentaux relativement favorisés à l’échelle de la planète, incite à s’interroger sur le sens que prend cette formule en temps de pandémie. En temps « normal », l’expression populaire « sortir de sa zone de confort » vise à valoriser et à encourager les individus à se dépasser afin d’améliorer leurs performances. Elle est largement utilisée dans la sphère à la mode du développement personnel, mais également dans le milieu de la gestion des ressources humaines. Dans le premier cas, c’est la sphère privée qui est visée, alors que dans le deuxième exemple c’est la sphère publique ou professionnelle qui l’est. En fin de compte, l’objectif du dépassement de soi est présent dans toutes sphères de nos vies. 

Le discours hégémonique du culte de la performance n’est pas sans effet sur nos sociétés. Certains auteurs ont même parlé de « violence sociale et managériale » pour décrire le phénomène. 

L’injonction du « toujours plus » génère un malaise, une impression de ne pas être à la hauteur, car lorsque l’on veut fabriquer des « champions », on créé automatiquement des « perdants ». C’est l’ensemble de ce vocabulaire qui se retrouve d’ailleurs au sein de la Nouvelle gestion publique mise en œuvre depuis de nombreuses années par les gouvernements ici comme ailleurs. Inspiré du secteur privé, ses maîtres mots sont : concurrence, innovation, efficacité, etc. C’est également ce type de gestion vide de sens pour les services publics qui était déjà dénoncé avant la tragédie qui se déroule actuellement dans les CHSLD. C’est également ce type de gestion qui amène à gérer le matériel comme le personnel en « flux tendu » et qui montre ses faiblesses depuis le début de la crise sanitaire.
La Nouvelle gestion publique apparaît donc aussi peu adaptée en temps normal qu’en temps de crise. Dans les deux cas, le culte de la performance tend à fragiliser les individus. S’il n’y a jamais eu autant de problèmes de santé mentale, c’est peut-être que trop de personnes ont suivi l’injonction de sortir de leur zone de confort! Ce paradigme n’est-il pas allé trop loin en nous amenant à nous sentir coupables de revendiquer simplement une amélioration de nos conditions de vie quotidienne comme les préposées aux bénéficiaires et les organisations qui les représentent le font depuis de trop nombreuses années. Il aura malheureusement fallu attendre cette pandémie pour valoriser ce type de revendications qui visent à réduire les inégalités subies par les employé. e. s de tous les secteurs qui s’évertuent à améliorer notre confort quotidien.

Plutôt que de se plier aux exigences du dépassement permanent de soi pour « sortir de sa zone de confort », redéfinissons nos espaces de quiétude, de sécurité et de confiance en soi et aux autres.

Profitons de ce moment de crise pour cultiver nos zones de confort collectivement et individuellement, voyons-les comme un aboutissement plutôt que comme un point de départ. Cette pause est un moment privilégié d’introspection pour savoir quel sens donner à notre quotidien au-delà des injonctions du marché… dont celle de sortir de notre zone de confort. 

AUTEURS :

Pierre Avignon, conseiller politique et syndical
Mélanie Bourque, professeure agrégée au Département de travail social, UQO
Gilles Bourque, professeur émérite de sociologie à l’UQAM
Margo Sicard, retraitée de l’enseignement collégial en histoire

RD

lundi 27 avril 2020

Faire le deuil d’un être cher sans l’avoir vu partir

Article de la Dre CHRISTINE GROU, Journal de Québec, 28 avril 2020

 Pour tous ceux qui ont perdu un etre cher - Accueil | Facebook

Dans le contexte actuel de pandémie, des centaines de familles ont récemment appris le décès d’un proche tout en n’ayant pu être auprès d’eux dans les derniers jours, les derniers moments. Ils n’ont souvent pas pu leur parler ni les toucher une dernière fois. En temps normal, la capacité de « faire son deuil », selon l’expression consacrée, est facilitée par notre présence auprès de la personne en fin de vie. 

Quand l’imagination est mauvaise conseillère

Accompagner un proche dans la mort, lui parler, lui tenir la main, rester à ses côtés, parfois même quelques heures après qu’il a rendu l’âme, tout cela nous apaise et permet d’amorcer le processus du deuil. C’est pourquoi les décès subits, tragiques, ajoutent à la douleur, comme si ce moment inestimable avait été volé aux proches. La mise à l’écart forcée en raison de la pandémie suscite chez certains des images terrifiantes des derniers moments, parfois éloignées de la réalité. Ce n’est donc plus la situation qui crée un traumatisme, mais la vision que l’on s’en fait. L’imagination n’est pas toujours bonne conseillère, elle peut avoir tendance à dramatiser à outrance. Il faut tenter, dans la mesure du possible, d’éviter d’imaginer les scénarios catastrophes, et imaginer les plus apaisants.

Une épreuve à traverser... en plusieurs étapes

Chacun d’entre nous craint la mort, les souffrances physique et psychologique précédant le dernier souffle, et une solitude totale. Le départ d’un être cher peut infliger un choc, suscitant des réactions douloureuses comme la colère, le déni, le désespoir, ainsi qu’un relâchement de nos habitudes quotidiennes. Il ne faut jamais perdre de vue qu’après cette « descente aux enfers » viendra une lente remontée vers une certaine sérénité. Et chaque personne traversera ces différentes étapes à son propre rythme.

Se donner la permission d’être triste

Le confinement n’est facile pour personne, mais constitue une occasion pour les endeuillés de prendre un temps d’arrêt – ce que le tourbillon de la vie d’avant la COVID-19 ne permettait pas toujours. Cette pandémie prive les proches de se rassembler, mais elle nous invite à trouver refuge en nous-mêmes pour nous rapprocher de l’être cher qui nous a quittés.

La mort est ainsi apprivoisée lentement, en se réfugiant dans une bulle, en laissant son esprit vagabonder, en fixant l’horizon, tout simplement. Se replonger dans les souvenirs, les lettres, les photos peut faire du bien, pour faire de ces objets le symbole de notre lien avec la personne décédée.

Parfois, un objet significatif appartenant à la personne peut aussi contribuer au processus de deuil. Malgré le fait que les familles ne puissent se voir en personne, parler au téléphone ou en vidéoconférence avec les proches endeuillés, partager des souvenirs de bons moments, apporte aussi du réconfort.

Souligner le départ, peu importe la manière

Les célébrations funéraires ne sont pas encore permises, mais rien n’interdit les modestes cérémonies, tout en suivant les consignes de sécurité. Prendre un moment avec les personnes vivant sous un même toit pour évoquer le souvenir du défunt, se souvenir de son affection, c’est autant d’occasions de soulager sa peine. Autour d’un repas ou lors d’un échange virtuel, toutes les formules sont possibles. Mais elles ne devraient jamais remplacer les rites funéraires : reportez-les, mais ne les annulez--- pas, car ils jouent un rôle essentiel--- dans le processus de deuil. 

Comme dans toutes les circonstances de décès d’un être cher, il faut donner du temps au temps pour apprivoiser le deuil, donner un sens et traverser cette difficile épreuve. J’offre mes plus sincères sympathies aux familles qui traversent actuellement un deuil, mes pensées sont avec eux.

RD

samedi 11 avril 2020

Le Québec va changer: les relations sociales transformées

Article de JÉRÉMY BERNIER et ROXANE TRUDEL, Journal de Montréal, 11 avril 2020

La crise aura des impacts sur nos amitiés, nos familles et nos façons de traiter nos aînés, estiment des experts

 PressReader - Le Journal de Montreal: 2020-04-10 - De la bonne ...

La crise sanitaire pourrait avoir des répercussions à long terme sur les habitudes de vie et les relations interpersonnelles de la société québécoise. Selon Dominique Morin et Simon Langlois, professeur agrégé et professeur retraité de sociologie à l’Université Laval, le bouleversement du rythme de vie effrénée de la population marquera les esprits sous plusieurs aspects. Si bien que de nouvelles habitudes, prises de conscience ou tendances pourraient voir le jour après la pandémie.  

La distanciation aura des effets permanents  

Après la crise, un «respect sanitaire» pourrait s’installer à plus long terme, selon M. Langlois.   
«La poignée de main sera moins populaire, mais c’est tellement ancré dans notre culture que ça reviendra relativement rapidement. Je crois plutôt que les gens seront marqués par l’importance des mesures d’hygiène dans les moments propices à la propagation de virus», précise-t-il.
   
Par exemple le lavage des mains, tousser dans son coude, éviter d’approcher les autres quand on est malade, toutes ces mesures resteront dans la mémoire collective comme un moyen efficace d’éviter d’infecter les autres. Des directives qui étaient connues, mais pas nécessairement respectées par le passé.
   
«L’enseignement sanitaire qu’aura apporté la pandémie ressortira assurément lors des prochains épisodes de grippes ordinaires. Les gens vont prendre l’habitude d’être plus prudents.»   

Retour du bon voisinage  

L’accumulation des directives de distanciation sociale pourrait influencer l’attitude des gens entre eux.    

Si l’on a tendance à croire le contraire, M. Morin, lui, assure que cette situation rapprochera les individus.   

«Tout le monde se tient, tout le monde est dans la même misère. Dans cette optique-là, se plier aux règles de distanciation sociale, c’est vu comme une marque de respect à travers laquelle s’échangent des signes de sympathie», précise-t-il.   

L’esprit de communauté qui se crée, alors que toute la population se retrouve «dans le même bateau», pourrait donc aider les gens à entretenir de meilleures relations avec leurs voisins.   

Contrer la solitude des aînés  

Depuis le début de l’instauration des mesures de distanciation sociale, le gouvernement Legault n’a pas cessé de marteler qu’il fallait prendre soin des aînés pour briser leur isolement.   

Comme la grande majorité des Québécois se sont retrouvés confinés chez eux, ils ont pu comprendre, en partie, la solitude que peuvent ressentir certaines personnes âgées. Une prise de conscience qui pourra faire bouger les choses, croit M. Langlois.
  
«Je pense qu’il va rester une trace importante [de cette prise de conscience] qui va nous amener à nous occuper davantage des aînés et à améliorer les relations entre les générations.»   

Des liens familiaux plus forts que jamais  

En temps de pandémie, la plupart des familles du Québec doivent passer des journées entières avec leurs enfants, à la maison. Si cette situation peut apporter plusieurs nouveaux défis au quotidien, de bonnes choses pourraient émerger de cette nouvelle proximité avec sa progéniture.   

«C’est un réapprentissage, mais ç’a un côté positif, ça resserre les liens d’être toujours ensemble à la maison», explique Patrick Leblanc, un enseignant au secondaire de Trois-Rivières qui profite du temps confiné à la maison pour se reconnecter avec sa conjointe et ses deux enfants.
   
Pour la famille Leblanc, se retrouver au même endroit 24 heures sur 24, c’est tout nouveau. Leur fils étudiait à Saguenay juste avant que la crise sanitaire soit déclarée, leur fille allait à l’école secondaire la majeure partie de la journée, tout comme le paternel, et la mère avait une garderie en milieu familial.
  
Cette situation devrait être généralisée et aura des impacts positifs sur les Québécois, croit M. Langlois. «On redécouvre l’importance des relations sociales au sein de la famille. Les liens familiaux devraient se resserrer», assure le professeur de sociologie à la retraite.   

Vieillir à domicile  

Beaucoup de personnes quittent leur maison unifamiliale à partir d’un certain âge pour faire la transition vers de plus petits logements avec services comme des condos, des résidences ou des CHSLD.
   
Or, dans la situation actuelle, ces établissements sont vus comme des «lieux d’inquiétudes liés aux éclosions», soutient M. Morin.   

Ainsi, il se pourrait bien que l’on voie une recrudescence du nombre de personnes âgées qui voudront terminer leurs jours dans leur demeure unifamiliale, avec des soins à domicile.   

Une décision qui serait directement engendrée par le souvenir de la propagation rapide de la COVID-19 dans les immeubles où il y a colocation de plusieurs individus. D’ailleurs, cette situation se fait déjà ressentir chez certains aînés du Québec.   

«J’habite dans ma maison depuis 1962 et je veux mourir ici. En plus, avec le coronavirus qui se propage dans les résidences, c’est inquiétant, c’est stressant. De toute façon, j’ai tout ce dont j’ai besoin ici. J’ai peur de me faire vieillir trop vite [si je vais en résidence]», soutient Charlotte Babin, une dame de 84 ans de Baie-Comeau.   

Pas de baby-boom  

Ce n’est pas un baby-boom, mais plutôt une augmentation du taux de divorce qui est attendue dans les prochains mois, croient des sexologues.   

«Le pire de notre personnalité ressort à l’heure actuelle. Il n’y a rien de favorable à un baby-boom, explique entre autres Sylvie Lavallée, sexologue et psychothérapeute. Les gens dorment beaucoup moins, il y a un stress lié à la perte d’emploi, au loyer, à la nourriture...»   

Celle qui qualifie la crise de « tue-désir » croit qu’elle engendrera un engorgement du système de justice et qu’elle aura un impact sur la recherche de logements. 
  
«Il va falloir que les gens se relogent, se remeublent, les avocats en droits familiaux vont être débordés, ajoute la sexologue. Les gens sont privés de leurs décharges de tensions individuelles. C’est important de se garder un espace personnel pour mieux se retrouver après.»
  
Néanmoins, pour un couple sain, la proximité physique pourrait engendrer des enfants, tempère la sexologue clinicienne Élise Bourque.   

«Je pense que c’est exagéré de parler d’une augmentation du taux de divorce. Il ne faut pas oublier que, nous, les couples qu’on voit, c’est ceux qui vivent des difficultés. Je suis sûre qu’il va y avoir un petit baby-boom», dit-elle en riant.    

 RD


Nos aînés plus à l'aise avec la technologie grâce à la crise

Article de DOMINIQUE SCALI, Journal de Québec, 11 avril 2020

PressReader - Le Journal de Quebec: 2020-04-11 - Nos aînés plus à ...


De nombreux aînés qui étaient peu habitués aux nouvelles technologies avant le confinement sont désormais plus à l’aise que jamais avec internet, une tendance qui devrait demeurer une fois la crise passée, estiment plusieurs intervenants. 

« J’ai vu à la télé une dame de 94 ans qui était capable d’aller sur FaceTime. Je me suis dit : “voyons donc, je suis capable moi aussi” », raconte Lise Gagné.  

Cette résidente de Québec avait déjà l’habitude d’utiliser sa tablette tous les jours, mais elle ne parvenait pas à faire d’appels vidéo avec sa fille. 

Puis, il y a une quinzaine de jours, elle a réussi. « Je me suis forcée, j’ai fait plus attention », raconte celle qui a plus de 70 ans, mais qui préfère taire son âge exact par « coquetterie ».  

Les aînés qui avaient déjà tendance à être « branchés » avant la crise partaient avec une longueur d’avance.  

« Nous, ça nous a aidés [d’être déjà à l’aise]. On est très chanceux », témoigne Monique Hubert, 80 ans, qui vit avec son époux au Manoir Brossard.  

Cette ex-enseignante a remplacé les visites de son fils par des conversations Messenger ou par Skype.  

Dans beaucoup de maisons de retraite, des initiatives ont d’ailleurs vu le jour pour s’assurer que les résidents moins « technos » puissent eux aussi garder le contact.  

« Avoir su... » 

Par exemple, les résidents des Résidences Soleil qui n’ont pas de tablette peuvent se choisir une plage horaire pour avoir accès à un appareil qu’un employé vient leur porter. « Il y en a pour qui ça aurait été impensable de communiquer par tablette avant », remarque le vice-président Maurice Vaillancourt.  

« Certains me disent : “avoir su, je l’aurais fait avant” », rapporte Karine Gignac, directrice générale pour le Groupe Maurice.  

À L’Image d’Outremont, les résidents avaient déjà accès à des ateliers pour se familiariser avec la tablette, mais l’activité tombait parfois en même temps que le bridge, illustre Mme Gignac. Le confinement a chamboulé l’ordre des priorités. 

Besoin d’aide 

Reste que l’accompagnement est souvent essentiel pour que la transition fonctionne. « On ne se rappelle pas toujours comment faire d’une fois à l’autre », avoue Ben Gosselin, 87 ans, qui utilise la tablette notamment pour assister à la messe en ligne.  

« Mon gars vient me montrer à travers la fenêtre sur quoi peser pour que ça fonctionne », dit l’homme de Saint-Denis-de-Brompton en Estrie.  

Chez les 75 ans et plus, plus d’une personne sur quatre n’a pas internet à la maison, selon les chiffres du Réseau FADOQ, qui représente quelque 535 000 aînés. 

Certains n’avaient même pas de carte bancaire lorsque les commerces se sont mis à refuser l’argent papier, rappelle Judith Gagnon, présidente de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées. 

« C’est comme un nouvel éveil », dit Mme Gagnon, qui soupçonne que de garder nos aînés connectés continuera d’être une priorité au-delà de la crise.

RD