Vivre la vie d'un Senior

lundi 22 novembre 2021

Quand le futur est conditionnel

 Article de la Dre Christine Grou, psychologue, Journal de Montréal, 20 novembre  2021 (aussi présidente de l'Ordre des psychologues du Québec)

Quand le futur est conditionnel | Le Journal de Québec

À nous entendre parfois, tout sera (enfin !) merveilleux après un déménagement, après avoir perdu ce fameux 10 livres, après la pandémie... ou à la retraite. Ce bonheur tant attendu et souvent idéalisé, qu’il soit imminent ou lointain, risque fort de nous empêcher de profiter de l’essentiel et de tout ce que la vie pourrait nous offrir.

Un mirage 

L’anticipation constante, ce fameux « Ça ira mieux quand... » n’est pas sans risques, ni conséquences. Cet état d’attente permanente peut en effet rapidement devenir un frein à tout ce que l’on pourrait découvrir ou vivre aujourd’hui, ici, maintenant. 

Prendre toutes les décisions du présent en fonction d’un futur imprévisible s’avère un pari pour le moins incertain... et que l’on risque bien de perdre. Avoir l’ambition de planifier ce futur dans les moindres détails risque aussi de favoriser les déceptions : notre mieux-être repose alors sur des événements extérieurs, que nous ne pouvons pas prévoir, et sur lesquels nous avons bien souvent peu de contrôle. 

L’illusion d’un avenir radieux risque également de ne pas arriver à la cheville de nos rêves, que nous attendions tant. Sans oublier que pour certains, une fois qu’ils seront arrivés à destination, l’état de bonheur permanent qu’ils espéraient tant ne saurait durer éternellement. Le bonheur attendra alors un nouvel événement – qui pourrait ou non se produire – avant de se repointer le bout du nez. Ce leurre peut aussi contribuer à miner le sentiment de contrôle qu’a une personne sur le bonheur actuel qui, pourtant, pourrait être à portée de main.

Le quotidien, pour sa part, risque davantage de ressembler à une accumulation de contraintes qui nous empêchent d’accéder à cet horizon qui nous paraît si lumineux. Des aléas, des obstacles, des malentendus, la vie en est remplie ! Depuis mars 2020, nous le savons encore plus, plongés dans l’incertitude face à la pandémie et à son évolution. S’il est possible de rêver au « retour à une certaine normalité », nous ne pouvons malheureusement pas décider du moment où tout cela va se terminer. 

Un pas à la fois...

Malgré l’incertitude, pourquoi ne pas se demander comment nous pourrions rendre notre vie actuelle plus agréable ? Il est en effet primordial de tâcher de rendre le présent plus heureux pour une vie plus enrichissante et florissante. Autrement, une fois rendu au fil d’arrivée, on risque d’éprouver davantage de regrets en raison des moments de bonheur que l’on aurait pu vivre concrètement, au jour le jour, mais qui auront constamment été remis à plus tard. 

La vie, c’est maintenant !

Rien ne nous empêche de planifier le futur et de bien nous y préparer, car l’anticipation et la planification peuvent elles aussi être des sources de bonheur actuel et futur. Mais évitons autant que possible de constamment reporter notre bonheur à demain, car la vie risque davantage de ressembler à l’attente sans fin d’un bonheur qui pourrait ne jamais se concrétiser, qui pourrait nous décevoir, ou encore se volatiliser le temps de le dire... rendant par le fait même la vie moins vivante. 

Plutôt que de se demander pourquoi on devrait faire aujourd’hui ce que l’on pourrait remettre à demain, peut-être pourrait-on plus souvent se dire : « Pourquoi remettre à demain le bonheur que l’on pourrait vivre aujourd’hui ? »

RD

lundi 8 novembre 2021

Un âgisme systémique révélé par la pandémie

 ARTICLE de Réjean Hébert et Yves Couturier, Le Devoir, 19 novembre 2020

 Les vieux allaient mourir de toute façon», un âgisme systémique révélé par  la pandémie | Points de vue | Opinions | Le Soleil - Québec

 La pandémie de COVID-19 a provoqué un véritable âgicide, notamment chez les personnes aînées vivant en milieu collectif.

 Les plus de 70 ans ne constituent que 19 % des cas de COVID-19  ; or, 92 % des décès ont été constatés dans ce groupe d’âge. Pourtant, une telle hécatombe n’a pas suscité la colère de la population, ni celle de nos dirigeants. Pas de mouvement « Old Lifes Matter », pas de flambée d’indignation sur les réseaux sociaux, pas de limogeage de dirigeants, ni même de manifestation symbolique comme on en voit un peu partout à travers le monde. N’y a-t-il pas là un âgisme systémique latent que la pandémie a soudainement mis au jour ? Une réflexion sociétale s’impose pour examiner cette situation de façon lucide, débusquer et dénoncer une telle ségrégation, et éliminer cet âgisme dans notre société vieillissante.

La pandémie a révélé au grand public les lacunes importantes et pourtant connues de nos soins et services aux personnes âgées. L’insuffisance du soutien à domicile et l’insécurité ont poussé les aînés à rejoindre des milieux de vie collectifs, et ce, plus que partout en Amérique du Nord. Même les aînés autonomes migrent vers les résidences pour aînés (RPA) en prévention d’un besoin éventuel de services. Ceux qui présentent une perte d’autonomie sont trop vite placés dans des établissements : ressources intermédiaires (RI) ou CHSLD.

Notre société a failli à procurer aux personnes aînées les services nécessaires pour qu’elles puissent vivre le plus longtemps possible chez elles. Elle a aussi failli à assurer des soins sécuritaires et de qualité dans les établissements de santé. Dans les premiers mois de la pandémie, on a oublié les personnes aînées dans la planification des actions à mettre en œuvre. Résultat : jusqu’à maintenant, près de 1000 morts en RPA, 300 en RI et 4000 en CHSLD. Près de 10 % des résidents en CHSLD sont morts. Imaginons 10 % des enfants en garderie ou des élèves dans les écoles qui meurent en de telles circonstances. Ce serait l’indignation générale, et avec raison. Mais ce sont des vieux ; qui s’en préoccupe vraiment ? Qui s’émeut devant cette hécatombe, devant la mort de résidents âgés privés de soins et de compassion dans leurs derniers moments ?

Certaines décisions prises pendant la pandémie étaient aussi teintées d’âgisme. Pourquoi interdire aux personnes proches aidantes de visiter les résidents des CHSLD ? Comment justifier la séquestration indue des aînés en RPA ? Comment expliquer l’interdiction absolue de sorties des aînés ?

Un article de La Presse titrait la semaine dernière  « Le tiers des défunts seraient morts dans les semaines suivantes ». Le rapport auquel l’article fait référence concluait plutôt que plus des deux tiers des morts dues à la COVID-19 étaient excédentaires et ne seraient pas survenues. Ce titre alimente l’opinion de certains groupes qui clament que les vieux seraient morts de toute façon. Un seul titre, logiquement un peu court, ne serait pas un problème si ce n’était qu’il exprime un foisonnement d’opinions infondées véhiculées sur les réseaux sociaux : « À quoi bon se préoccuper des vieux ? Ils ont fait leur temps. » La vie d’une personne âgée dans notre société utilitariste vaut-elle moins que celle d’un jeune ou d’un travailleur ?

La semaine dernière, les partisd’opposition à l’Assemblée nationale ont talonné le ministre de l’Éducation sur la ventilation des écoles et le risque de propagation du virus. La morbidité et la létalité de la COVID-19 chez les enfants sont pourtant extrêmement faibles. Qui s’est levé pour mentionner la ventilation inadéquate des CHSLD et réclamer des correctifs ?

Ce ne sont là que quelques exemples de discrimination envers les aînés. On refuse de voir l’âgisme dans nos rapports individuels aux aînés, mais surtout l’âgisme systémique de nos institutions, qui se soucient peu de leur bien-être, de leurs besoins ou de leur sécurité. Les récentes sorties de la protectrice du citoyen en font foi, déplorant des décennies d’incuries. La vie de ces personnes étant moins valorisée, leur mort n’émeut donc pas autant la population et ses dirigeants. Le Québec compte maintenant plus de 20 % de personnes de plus de 65 ans et, dans une décennie, nous dépasserons les 25 %. Nous serons l’une des sociétés les plus âgées au monde. Pouvons-nous tolérer un tel ostracisme envers le quart de la population ? Il y a là matière à réflexion. Comment assurerons-nous aux aînés une participation pleine et entière à la société ? Comment leur prodiguerons-nous les soins dont ils ont besoin ? Comment ferons-nous pour corriger les biais systémiques envers eux ? Comment reconnaîtrons-nous leur contribution remarquable à la société en les traitant avec la dignité et le respect qu’ils méritent ?

Il est temps de légiférer pour réaffirmer les droits des personnes âgées et les protéger contre un âgisme inacceptable dans une société civilisée. Il est urgent de lancer un chantier sur les soins et services aux aînés pour en améliorer l’accès, la qualité et la sécurité.

RD

 

Soyez à l'écoute des besoins de nos aînés

 Lettre aux futurs maires et mairesses

Rose-Mary Thonney, présidente de l'AQRP, Journal de Québec, 7 novembre 2021

Conseil d'administration - À propos - AQRP

Les personnes âgées de 65 ans et plus forment une part grandissante de la population québécoise. Aujourd’hui de 20 %, elle passera à 27 % en 2050. Le Québec est l’une des sociétés où le vieillissement de la population est le plus marqué dans le monde. Cette situation amène de nombreux défis pour tous les gouvernements, notamment pour les municipalités.

Comme présidente de la plus grande association de retraités de la fonction publique et parapublique, je tiens à m’adresser à ceux qui auront l’immense honneur d’être élus maires ou mairesses de l’une des 1108 municipalités du Québec.

Même si le vieillissement de la population augmente plus fortement dans les petites municipalités, il s’accentue dans toutes les régions de la province. D’ailleurs, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), le nombre d’aînés au Québec dépassera celui des jeunes de moins de 20 ans à compter de 2023. C’est donc dire que peu importe l’endroit où vous serez élus, les personnes aînées seront une part importante, voire majoritaire, des citoyens que vous représenterez.

Ce vieillissement démographique n’est pas une catastrophe si on se base sur la réalité actuelle, car la majorité des personnes aînées sont autonomes, socialement actives, économiquement indépendantes et contributives.

N’empêche, cette réalité doit être prise en compte dès maintenant. Si nous n’effectuons aucun changement, les problèmes et les inégalités que nous connaissons actuellement seront exacerbés dans les prochaines années. En raison de la proximité avec vos citoyens et compte tenu de vos champs de compétences, vous aurez le pouvoir d’effectuer ces changements, en plus d’intervenir pour favoriser le maintien de l’autonomie des personnes aînées dans votre communauté.

La mobilité, un enjeu fondamental

Pour y parvenir, la mobilité est un enjeu fondamental. Le manque d’accès aux transports collectifs peut devenir non seulement un facteur aggravant au phénomène d’isolement, mais également un obstacle majeur à la participation citoyenne. Pour les personnes aînées, l’accès au transport et la capacité de se déplacer de manière autonome sont des facteurs incontournables du bien vieillir chez soi. Malheureusement, nous constatons que l’on conçoit rarement le transport en ayant leurs besoins en tête.

C’est bien de promettre la gratuité du transport en commun et d’adapter les parcours, mais vu la situation actuelle, ce n’est plus suffisant ! Les personnes aînées doivent, dès le départ, être partie prenante dans les projets de mobilité, de développement durable et d’aménagement du territoire. À cet égard, je souligne que les choix d’urbanisme des dernières décennies encouragent l’utilisation de la voiture et découragent la marche, qui joue pourtant un rôle clé dans le vieillissement actif.

Les promesses ne suffiront plus

De plus, les problèmes liés à l’accessibilité au logement devront être prioritaires pour vos administrations. La mobilité, la sécurité et l’aménagement sont des enjeux primordiaux pour les personnes aînées, mais encore faut-il qu’elles aient accès à un logement ou à une maison et qu’elles aient les moyens d’y demeurer !

Enfin, comme dirigeants, vous ne pourrez commettre l’erreur de considérer les personnes aînées en tant que groupe monolithique. Celles-ci forment un groupe diversifié et confronté à des réalités différentes. Ainsi, vous devrez être à l’écoute pour comprendre leurs besoins spécifiques. Afin d’y arriver, il faudra mettre en place des projets novateurs pour encourager les aînés à s’exprimer et à s’intégrer dans leur communauté en participant socialement. Vous aurez également à soutenir et promouvoir des actions et des organismes qui luttent activement pour briser l’isolement des personnes aînées.

Des solutions existent et vous aurez bientôt le privilège de pouvoir les mettre en application. Dorénavant, les promesses et les intentions ne suffiront plus. Après l’hécatombe vécue dans les CHSLD, aucun gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial ou municipal, ne peut se permettre de sous-estimer les conséquences d’un manque d’action et d’une gestion à courte vue ! 

RD