Une quête millénaire : celle de la sagesse
« La vieillesse est une période inévitable et naturelle de la vie humaine caractérisée par une baisse des fonctions physiques, la perte du rôle social joué comme adulte, des changements dans l'apparence physique et un acheminement graduel vers une diminution des capacités. »[1]
Mais la soixantaine est loin d’être un âge où tout espoir de vie et de bonheur sont perdus. Avec l’extension de la longévité, l’homme et la femme sont en mesure de se maintenir proche de leur jeune âge, pourvu qu’ils reconnaissent leurs limites personnelles.
À tout âge de la vie, il y a des choses qui sont possibles et d’autres qui deviennent impossibles. On ne peut demander à un bébé naissant de marcher spontanément ou de parler comme un adulte. Si l’adulte peut faire à peu près tout ce qu’un humain normal est en mesure de faire, il ne peut redevenir bébé et faire gaga et caca dans ses culottes, sans inconvénients. On dira généralement que ce n’est plus de son âge.
Quand on arrive à l’âge des aînés, là on ne sait plus vraiment. La ligne de démarcation entre l’âge mûr et le début de l’âge des seniors n’est pas bien tranchée. Certaines personnes vont vieillir prématurément, voire avoir de graves maladies, tandis que d’autres, la plupart heureusement, vont se retrouver sains mais avec moins de résistance, par exemple, à la fatigue ou avec de légers inconvénients.
Par quête, on souligne le fait que l’on a encore des envies de vivre des choses qui sont à notre portée et qu’il faut reconnaître. Par exemple, la quête de la sérénité est vue comme une vertu que l’on peut espérer atteindre à l’âge des seniors, difficilement avant.
Sur le plan de la Tradition, il semble que le seul véritable enjeu de la vieillesse, c'est d'atteindre la sagesse, car celle-ci ne saurait être apprise ni par le jeune ni par l'adulte:
« Jeune, on n'est pas capable d'apprendre la sagesse. Ce qu'on apprend quand on est jeune, c'est à réciter et à lire, ce n'est pas la sagesse. Si l'on pouvait alors apprendre la sagesse, ce serait assurément la preuve d'une intelligence très précoce. Mais une pareille précocité est rarissime. Adulte, on n'est pas [non plus] capable d'apprendre la sagesse. Ce qu'on apprend alors, c'est ce qu'on voit et ce qu'on entend, ce n'est pas la sagesse. Si l'on pouvait alors apprendre la sagesse, ce serait assurément la preuve d'une maturité peu commune. Mais cette maturité est rarissime (...) À soixante ou soixante-dix ans, non seulement richesse et honneurs paraissent comme nuages flottants, mais naissance et mort semblent se suivre comme matin et soir. Tout ce que nous avons appris, vu, pensé, ce à quoi nous nous sommes efforcés jadis et dont nous n'avons pas su profiter, tout cela nous pouvons aujourd'hui en tirer parti. Les prétentions de nos cinq sens ayant été éliminées, tout notre coeur se révèle peu à peu [dans sa pureté]. C'est comme un tissu de soie écrue tombé dans la boue: si on le lave, il retrouve facilement son état naturel; comme une perle perdue dans une chambre: si on la cherche, on la retrouve aisément. Par conséquent, c'est dans la vieillesse qu'on peut véritablement apprendre à devenir sage. »[2]
Les hommes dépourvus de sagesse sont « des hommes d'âge, c'est-à-dire des bébés fossiles. Car la vraie vieillesse exige le même élan que l'enfance, seulement il n'est plus donné par les muscles. »[3]
Le troisième âge au XXIe siècle : de nouveaux enjeux
À ma connaissance, il existe peu de volumes sur le sujet des quêtes accessibles à partir de la soixantaine. C’est une période de la vie qui, jusqu’à tout récemment, n’était pas atteint par la majorité de la population. Dans son ouvrage intitulé « L'espérance de vivre. Âges - générations et sociétés. », publié par les éditions Le Seuil en octobre 2005, Jacques Véron faisait le résumé suivant de la situation en Europe au plan de la démographie :
« La très forte augmentation, depuis deux siècles, de l'espérance de vie dans les pays les plus développés nous permet d'être beaucoup plus nombreux à atteindre des âges élevés. La pyramide des âges s'en ressent : la population vieillit.
Non seulement les attitudes à l'égard de la vie et de la mort se transforment, mais une véritable "gestion des âges" devient nécessaire.
Les relations entre les générations se modifient en profondeur et affectent toute la dynamique des sociétés, des solidarités effectives ou possibles à la dépendance économique mais aussi aux questions éthiques : quel est le coût économique de l'allongement de la durée de vie et comment résoudre les problèmes qu'il pose, si la quantité de vie en plus se traduit par une dégradation de sa qualité ? C'est une réflexion sur les liens entre l'histoire de l'individu, celle de sa génération et celle de la société… »
Existe-t-il des jalons, des critères, des façons d’envisager ces quêtes? Pour l’instant, je recherche des réponses un peu partout dans la littérature. Le vieux, caractérisé par la pipe à la bouche, le regard lointain et perdu, les membres fatigués par les années de labeur, ne correspond plus vraiment à l’image que l’on se fait de la vieillesse.
Sans aucun doute, développer une réflexion sur la façon de comprendre et d’accepter les changements qui surviennent dans la vie humaine avec le vieillissement est un bon exercice pour mieux décoder cette période de la vie. Est-ce possible de faire oeuvre de nouveauté sur cette thématique? Sûrement! Parce que rien n’est figé dans les comportements humains. Tout est question d’adaptations et de remises en question.
Qui sont ceux qui sont principalement préoccupés par ces questions? Surtout ceux qui arrivent à cette période de l’existence ou qui les vivent. Les spécialistes de ces questions attendent patiemment que nous vivions tous cette nouveauté de l'accroissement de la longévité pour en tirer des conclusions. Malheureusement, les sources d’information actuelles font défaut ou ne sont plus vraiment adaptées à ce phénomène nouveau. Si, maintenant, on sait tout sur la façon d’élever un bébé et de lui donner les meilleurs soins, on ne sait plus vraiment quoi faire quand on est vieux et quel rythme adopter face aux aléas de la vie à cet âge.
Peut-on avoir une réflexion personnelle, valable et originale, pour ne pas dire innovante, à partir de ses propres impressions et sensations? Tout est là. La gérontologie nous donne de bons repères sur la physiologie de l’être humain vieillissant. Est-ce une approche suffisante pour combler une existence en péril ou en diminution de capacités vitales? Ce qui est certain, c'est qu'il y a un apprentissage à faire en atteignant l'âge des aînés.
RD
[1] B. R. Mishara, R.G. Riegel, « Le vieillissement », Presses Universitaires de France, Paris, 1984.
[2] Tang Zhen, Écrits d'un sage encore inconnu [Titre original: Quianshu], traduit du chinois par Jacques Gernet, Connaissance de l'Orient, Gallimard/Unesco, Paris, 1991.
[3] Bernard Charbonneau, extrait de « Je fus », ouvrage inédit.
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