« La résilience, c'est "le ressort intime face aux coups de l'existence" »[1]
Quand se repose la question du sens[2]
400 personnes professionnels de la gérontologie assistaient le 13 octobre 2005 à La Rochelle, au colloque « Résilience et personnes âgées, organisé par l’Association « Parlons’ ans » et parrainé par Geneviève Laroque.
Autour de Boris Cyrulnik , Marie-Laure Vignaud, docteur en psychologie expérimentale, Jean-François Coudreuse, Gérontologue hospitalier à La Rochelle et Jérome Pellissier[3].
Les vieux sont trop souvent réduits au seul paramètre d’être vieux. Pourtant, nous sommes notre histoire. Lorsqu’un vieux se plaint de douleur, il a souvent mal à un enfant qu’il ne voit plus, à des amis disparus à des parents décédés, à la nostalgie de sa jeunesse, à un mari mort trop tôt, à la jeune mariée ou au jeune père qu'il a été.
Jean-François Coudreuse et Marie-Laure Vignaud rapportent des propos entendus : « Je suis l’enfant que j’ai été et la personne âgée que je suis devenue" ; "Comment voulez- vous que je râle si je suis toute seule" ;"J’ai donné mon corps à la science, il faudra examiner ma tête, il s'y passe des choses phénoménales."
La résilience est l'acceptation. Dans l'avancée en âge, être résilient, c'est accepter la perte d’un avant. Donner sens au présent. Alors, la maladie d’Alzheimer, les troubles du comportement, dans ce cas ne se sont-ils pas anti-résilience, l'ultime refuge ?
Boris Cyrulnik est neuropsychiatre, psychanaliste, psychologue, ethnologue. « Quand j’étais jeune, il n’y avait autour de moi que des vieux maintenant que j’ai vieillis, je ne vois plus que des jeunes » La vieillesse est un point de vue, dit-il. Boris Cyrulnik est l'auteur du concept de résilience - sur le plan du développement humain-.
Généralement et trop rapidement la résilience se définit par la capacité de rebondir après un traumatisme. C’est plus exactement le maintien d'un processus normal de développement malgré des conditions difficiles. L’être affaibli, blessé ne veut en effet pas être réduit à sa blessure, en l’occurrence à son âge.
Pour Cyrulnik, la résilience est quelque chose de dynamique, pas une simple résistance au choc. "Il ne s’agit pas de guérir la blessure mais d’en faire quelque chose, de la métamorphoser"." Une carence affective peut provoquer une atrophie cérébrale"
Lorsque l’on prive un être vivant d’activité sensorielle on provoque une atrophie. Or, il est prouvé que les neurones continuent de se développer à un âge même très avancé. Il est donc possible de préserver et de développer une partie du cerveau chez les âgés. La plasticité existe à tous les âges bien que moins grande dans l’avancée en âge. Même chez les malades d’Alzheimer ou de troubles apparentés, on perçoit des bourgeons synaptiques.
“La résilience est un tricot qui noue une chaîne développementale avec une chaîne affective et sociale” affirme Boris Cyrulnik.
À propos du « placement » en institution, il dira, qu'il peut améliorer la situation d’une personne si celle-ci s’y sent en sécurité tout autant qu’elle peut la détériorer, si la personne est malheureuse d’y être contrainte. L’affect est le stimulus le plus important. Parler à quelqu’un, c’est le stimuler cérébralement. Les personnes en aphasie ischémique provisoire témoignent à l’issue de l’épisode avoir pensé avec des images.
La Philosophie de l'Humanitude et la "Méthodologie de soins Gineste-Marescotti" fondée sur le regard, le toucher, la parole et la "verticalisation" de la personne s'insèrent pleinement dans la problématique ici posée, rappellera Jérôme Pellissier. Marie-Laure Vignaud insiste aussi "la parole est un toucher".
La résilience, c'est la vie. Pour Geneviève Laroque la grande majorité des âgés disent qu'ils ne vont pas mal. Beaucoup de ceux-là peuvent-être malades et dire qu'ils vont bien. "Ce sont les vrais vieux-vieux vainqueurs". Des gens ordinaires qui continuent à vivre malgré les difficultés. Ces personnes-là précise Geneviève Laroque "servent de point d'ancrage". Elles permettent aux plus jeunes de retomber sur leur pattes parce que "elles ont continué à vivre, à oser être curieux, à oser avoir envie, à oser le dire, à oser râler"
« Dès que l’on donne sens à ce que l’on perçoit, on ne le perçoit plus de la même façon »
Boris Cyrulnik reprend la fable dans laquelle il met Charles Péguy en scène - qu'il se soit effectivement ou non agit de l'écrivain -.
La voici : En se rendant à Chartres, Péguy voit sur le bord de la route un homme qui casse des cailloux à grands coups de maillet. Son visage exprime le malheur et ses gestes la rage. Péguy s'arrête et lui demande : " Monsieur, que faîtes-vous ?" " Vous voyez bien, lui répond l'homme, je n'ai trouvé que ce métier stupide et douloureux." Un peu plus loin, Péguy aperçoit un autre homme qui, lui aussi, casse des cailloux, mais son visage est calme et ses gestes harmonieux. "Que faîtes-vous, monsieur ?", lui demande Péguy. "Eh bien, je gagne ma vie grâce à ce métier fatigant, mais qui a l'avantage d'être en plein air", lui répond-il. Plus loin, un troisième casseur de cailloux irradie de bonheur. Il sourit en abattant la masse et regarde avec plaisir les éclats de pierre. " Que faîtes-vous ?", lui demande Péguy. "Moi, répond cet homme, je bâtis une cathédrale!"
RD
[1] Définition de Boris Cyrulnik. Pour plus de détails, consulter le site suivant : http://lionel.mesnard.free.fr/le%20site/boris-cyrulnik.html
[3] Voir son blog à l’adresse suivante : http://www.jerpel.fr/
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