Discourir sur le bonheur
Toute notre vie d’humain est tournée vers la recherche du bonheur. Mais, encore faut-il savoir précisément de quoi l’on parle.
De nombreux philosophes anciens, principalement grecs, se sont penchés sur cette question et sont arrivés à des réponses surprenantes qui sont toujours vraies même après plus de deux millénaires. Vraisemblablement, l’être humain d’aujourd’hui n’a pas tant changé que ça. En fait, il est resté essentiellement le même, sauf qu’il est plus organisé socialement et technologiquement. Il s’est beaucoup enrichi au plan des connaissances et surtout, il a appris au cours des siècles à mieux se connaître.
L’apport des grecs
Le meilleur discours sur le bonheur revient à Aristote dans son ouvrage intitulé « Éthique à Nicomaque », constitué de dix livres, qui entend traiter des principaux aspects du bonheur. On peut sans aucun doute le considérer comme l’une des deux bases (l’autre étant le message biblique judéo-chrétien) sur lesquelles l’éthique occidentale s’est construite.
BONHEUR, VERTU et PLAISIR
Voici, en gros, ce qu’affirme Aristote sur le bonheur :
L’observation des opinions communes révèle que le bonheur apparaît comme le « souverain Bien » ; mais quant à savoir ce qu’il est, chacun a son point de vue. Le bonheur de l’Homme dans la Cité (« l’animal politique ») est communautaire. Il est ce « qui suffit à l’homme pour être heureux ». Le Bien est donc la finalité de nos actions et consiste dans « une activité de l’âme en accord avec la vertu ».
La vertu est l’habitude « de décider préférentiellement [...] un juste milieu, relatif à nous et rationnellement déterminé comme le ferait l’homme prudent ». C’est notre désir d’aboutir à nos fins qui commande notre raisonnement.
De même, la « maîtrise de soi » face aux « passions » (affections, sensations et émotions) participe à la vertu, permettant d’atteindre « le juste milieu » (par exemple, le courage est un « juste milieu » entre lâcheté et témérité). Aristote en vient ainsi à évoquer la justice, qui est « une disposition qui rend les hommes aptes à accomplir les actions justes ».
Le plaisir est activité et fin et peut être considéré à son tour comme le souverain Bien (le philosophe le constate et l’affirme).
Mais, c’est Épicure qui est le philosophe qui nous semble le plus près du plaisir comme objet de bonheur. En fait, la thèse fondamentale de l’épicurisme présente le plaisir comme le bien suprême et le but ultime de la vie.
Les grandes idées sur le bonheur exprimées par Épicure
« La doctrine éthique enseignée par Épicure prône essentiellement la quête du bonheur, à laquelle on peut accéder en valorisant des qualités morales telles que l’amitié et l’entraide. Fondé sur la frugalité, le désintérêt du politique, l’égalité, le système philosophique épicurien proclame enfin le droit de philosopher, accordé à tout un chacun, qu’il soit homme, femme, riche, pauvre ou esclave.
L’éthique épicurienne est fondée sur la justice, l’honnêteté, l’amitié, la prudence ou la recherche de l’équilibre entre le plaisir et la douleur.
Le plaisir est la fin vers laquelle doit tendre toute existence, et cette fin peut être vérifiée empiriquement. Il est donc question pour le sage de chercher les moyens pour y parvenir, de manière à vivre « comme un dieu parmi les hommes ».
Peut-on définir le bonheur?
Selon l’encyclopédie Wikipedia, « Le bonheur (étymologiquement la bonne fortune ; entendre dans "fortune" : ce qui arrive de bien ou de mal) est un état durable de plénitude et de satisfaction, état agréable et équilibré de l'esprit et du corps, d'où la souffrance, l'inquiétude et le trouble sont absents. »
« Le bonheur reste cependant ambigu à décrire dans la mesure où il est toujours subjectif, particulier à chaque conscience et empirique, soumis aux aléas de la fortune et aux changements imprévisibles de l'humeur, donc un état temporel ; en tant que tel, le bonheur ne saurait se réduire à un concept : c'est une expérience vécue, une intuition sensible, une signification que chacun peut donner à sa vie sous la forme d'une approbation générale de la vie considérée comme globalement satisfaisante. »
« On peut tenter de distinguer quatre sortes de satisfactions liées au bonheur :
· La satisfaction du désir : désirs liés au corps, recherche des biens matériels, etc.
· La satisfaction du devoir : accomplissement du bien;
· La satisfaction du vrai : désir de connaissance;
· La satisfaction du beau : contemplation et recherche esthétique.
Le bonheur suppose une harmonie et un équilibre qui nécessitent la satisfaction des besoins et la réalisation des désirs essentiels. »
Car il existe une hiérarchie des besoins chez les humains que nous sommes. Par exemple, si nous avons mal quelque part ou nous n’avons pas bien mangé, nous ne serons pas à l’aise pour discourir du bonheur et de ce qu’il comporte. Autrement dit, nous devons satisfaire certains besoins élémentaires avant de se préoccuper de besoins secondaires comme les besoins d’estime des autres.
La pyramide des besoins est une théorie élaborée à partir des observations réalisées dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow sur la motivation.
La liste des besoins : (par ordre de priorité ou d’importance)
1e = Besoins physiologiques
2e = Besoins de sécurité
3e = Besoins de reconnaissance et d'appartenance sociale
4e = Besoins d'estime
5e = Besoins d'accomplissement personnel
« Le bonheur se distingue du plaisir par son caractère spirituel et global, alors que le plaisir est une satisfaction généralement corporelle et localisée. Il se distingue de la joie en tant que celle-ci est un état plus dynamique et transitoire que le bonheur. La félicité, ou béatitude, est un bonheur parfait. »
Genèse du bonheur
« L'être humain, en tant qu'animal, dispose de deux moyens primitifs pour déterminer les rapports qu'il entretient avec le monde : le plaisir et la douleur. Par ces moyens, nous jugeons de l'utile, de l'agréable et de la souffrance et du nuisible.
Avant de percevoir le monde comme objet d'analyse, nous le sentons donc comme un lieu de vie agréable ou menaçant. Nos émotions et nos passions, mis en forme par les valeurs de notre civilisation, découlent de ce rapport à partir duquel nous extrapolons ou imaginons l'idée de bonheur et l'idée de malheur. »
Bonheur et modernité
Les sociétés de consommation : l'idéal publicitaire du bonheur : dans toute société, il y a au moins un idéal de bonheur qui dépend moins de la satisfaction subjective réelle que de la conformité d'un être humain à cet idéal. Socialement, un individu n'est pas heureux, il est jugé heureux. Dans le cas des sociétés modernes occidentales, le bonheur a pris une dimension économique qui n'est en fait pas nouvelle : le bonheur mesuré par la quantité des objets consommés se voyait déjà dans la Rome décadente.
Poser la problématique du bonheur pour les 60 ans et +
Pour nous, les gens qui ont dépassé les premiers pas de la soixantaine, c’est une question qui nous apparaît cruciale parce que nos choix de bonheur se restreignent. À titre d’exemples, les plaisirs des sens s’amenuisent avec l’âge et les abus ne sont pas indiqués dans le quotidien. La précarité et la longévité sont deux notions qui rendent les faits et gestes de la vie moins sûrs et plus aléatoires. On parle alors d’un univers de petits bonheurs bien vécus dans le présent plutôt que de joies et plaisirs extrêmes.
Tout cela, à une époque où l’hyperactivité compulsive nous fait souvent oublier si ça vaut la peine de poser tel ou tel geste. Finalement, nous devons nous interroger sur la finalité de nos entreprises quotidiennes en nous invitant à confronter celles-ci à une seule et même question : est-ce que cela nous rend heureux?
RD
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