Vivre la vie d'un Senior

vendredi 18 novembre 2011

Un débat en cours actuellement : le suicide assisté et l’euthanasie, face à l'échéance de la mort


L’alternative du suicide assisté ou de l’euthanasie 


En juin 2007, on annonçait avec beaucoup d’emphase sur Radio-Canada Internet que le « Docteur la Mort sort de prison ».

La nouvelle était la suivante : « Au Michigan, Jack Kevorkian retrouve sa liberté, après avoir passé huit années de sa vie en prison. Il avait été condamné pour avoir aidé un homme de 52 ans à se suicider et pour avoir diffusé les images de ce meurtre sur les ondes de l'émission 60 minutes. Thomas Youk, le défunt, était alors atteint de la maladie de Lou Gehrig.

L'État impose au médecin de 79 ans une série de conditions à respecter pendant deux ans. Notamment, il devra s'abstenir de partager avec ses patients, mais aussi publiquement, ses conseils sur les meilleures façons de réussir un suicide. Il ne pourra pas non plus traiter des patients de plus de 62 ans ou ceux atteints d'une maladie grave.

Depuis lors, Jack Kevorkian a adopté la position suivante : « Le suicide assisté doit être légalisé. Je continuerai à militer en sa faveur, mais sans enfreindre la loi. »

Les groupes catholiques qui s'opposent au suicide assisté aux États-Unis ne sont pas rassurés pour autant. Ils soutiennent que M. Kevorkian a déjà promis d'arrêter par le passé, mais a continué en secret à aider des gens très malades à mourir jusqu'à sa condamnation à la prison.

Une mission controversée

Fervent défenseur du droit des malades à disposer de leur vie, M. Kevorkian affirme avoir aidé au moins 130 personnes à mourir entre 1990 et 1998. Selon ses détracteurs, plusieurs d'entre elles n'étaient pas en phase terminale de leur maladie. Toute sa vie, le docteur aura forcé les États-Unis à se poser la question de la dignité humaine et du suicide assisté. Au Michigan toutefois, où il pratiquait, la population a adopté par voie de référendum, en 1998, une loi qui interdit aux médecins d'aider à mourir.

Selon un sondage du Pew Research Center, 46 % des Américains sont en faveur du suicide assisté, 45 % s'y opposent.

Seul l'Oregon donne aux patients en phase terminale le droit de demander une assistance médicale pour mourir. Toutefois, les malades doivent avoir moins de six mois à vivre pour se prévaloir de cette disposition. »

Peut-on faire la lumière sur cette question?

Cette question du suicide assistée de même que celle de l’euthanasie prend de plus en plus d’importance dans l’actualité. Elle est fortement liée au phénomène du vieillissement de la population mondiale et aux graves décisions qu’il faut prendre quand il s’agit de faire face aux maladies dite terminales et aux souffrances physiques ou psychiques qu’elles entraînent. Le Québec n'échappe pas à ces débats controversés qui vont devenir courant dans un avenir rapproché. La mise sur pied d’une Commission d’enquête sur la dignité de mourir en janvier 2010 vient de relancer ce débat à l’échelle de la société québécoise.

Mais, avant tout, entendons-nous d’abord sur la terminologie!

Suicide assisté versus euthanasie[1]

Devrions-nous avoir le droit de choisir notre mort ? La médecine peut-elle prolonger notre vie au-delà des limites de l’endurable ? Avons-nous d’autres choix ?

Avant de débattre du suicide assisté, commençons par démêler certaines notions. Face à la maladie, aux soins et à la mort, la loi canadienne et québécoise permet certaines choses, alors qu’elle en interdit d’autres.

Le suicide assisté : Le suicide assisté se produit lorsque quelqu’un donne à une autre personne les moyens de se suicider ou de l’information sur la manière d’y arriver. Par exemple, un médecin qui fournit à son patient la prescription des médicaments nécessaires pour entraîner la mort. Mais en bout de ligne, c’est la personne malade qui met fin elle-même à sa propre vie. C’est-à-dire qui pose elle-même le geste causant sa mort. Au Canada, en vertu du Code criminel (l’article 241), le suicide assisté est interdit par la loi.

L’euthanasie : L’euthanasie, c’est l’acte de mettre fin, en toute connaissance de cause et volontairement, à la vie d’une autre personne, par compassion, pour mettre fin à ses souffrances. Par exemple, à la demande de son patient, le médecin lui injecte une substance qui cause sa mort. Avec l’euthanasie, la mort est causée par le geste d’une autre personne. C’est une autre personne qui doit donc exécuter l’acte qui entraîne la mort du malade. L’euthanasie est aussi un acte illégal, en vertu du Code criminel canadien.

Le refus ou l’arrêt de traitements : Selon la loi, une personne doit donner un consentement libre et éclairé aux soins qu’elle doit recevoir. Elle ne peut pas être soumise à des soins sans son accord, que ce soit pour des examens, des prélèvements, des traitements ou toute autre intervention. Le patient peut donc refuser des soins. Il peut même décider de faire cesser ses traitements, comme débrancher un respirateur ou arrêter une chimiothérapie. Même si sa survie est en jeu et que la mort peut s’ensuivre peu de temps après, on ne peut pas parler, dans ce cas-ci, d’euthanasie ni d’aide au suicide. Car le fait, pour un malade, de refuser des soins ou de vouloir arrêter des traitements en cours est permis par la loi.

L’arrêt ou le refus de traitements est un acte légal, en vertu du Code civil du Québec. Un comité spécial du Sénat canadien s’est penché, en 1995, sur la question du suicide assisté. Il a confirmé cette position : « Il n’y a ni suicide, ni aide au suicide, dans les cas de refus de traitement, ou lorsqu’on administre un traitement destiné à soulager la souffrance, [même] au risque d’abréger la vie. »

Soulager ne veut pas dire « aider à mourir »

Dans cette optique, quand un médecin donne des médicaments ou un traitement quelconque à son patient, à la fin de sa vie, dans le but de soulager sa douleur, il ne l’aide pas à se suicider. Même si ce traitement risque, en bout de ligne, de raccourcir sa vie…

C’est ce qui a été confirmé, devant le Sénat, par le ministère de la Justice et l’Association du Barreau canadien: « [Le Code criminel] n’interdit pas les soins palliatifs [de fin de vie] nécessaires qui sont prodigués conformément à l’exercice généralement accepté de la médecine, que ces soins entraînent ou non la mort du malade. »

Même dans le cas où le médecin doit recourir à une technique médicale poussée, appelée la « sédation complète, terminale ou continue », un long coma provoqué par les médicaments : « [ … ] On peut soutenir que le Code criminel ne s’applique pas à la sédation terminale; il n’y a pas intention de donner la mort [ … ]. Cette pratique ne saurait donc donner lieu à des poursuites. »

En clair, quand ces traitements visent à soulager la souffrance, ils font partie des soins efficaces à la fin d’une vie, que cela accélère ou non la mort du patient.

Cependant, les soignants, qui travaillent auprès des mourants, veulent obtenir des règles plus claires à ce sujet. La « sédation », en particulier, leur pose parfois problème, du point de vue moral. Car, quand elle dure jusqu’au décès du malade, elle risque d’être mêlée avec le fait d’infliger intentionnellement la mort à quelqu’un…

Les cas de conscience

Malgré tout, il semble bien que les malades, comme les médecins, ont une certaine « marge de manoeuvre », pour affronter des épreuves comme la maladie et la mort. Ainsi, compte tenu des droits des malades, l’acharnement « thérapeutique » ne devrait pas, en principe, avoir cours dans nos hôpitaux. Bien des gens ont peur, en effet, d’être « étirés », sans bon sens, à la fin de leur vie, par des médecins un peu trop consciencieux… Ils redoutent de souffrir pour rien.

L’idée de dépendre des autres ou d’avoir à se battre pour faire respecter ses dernières volontés n’a rien de réjouissant non plus… En fait, nous sommes nombreux à vouloir que nos derniers moments se passent dans les meilleures conditions possibles. C’est ce qui serait souhaitable, dans un monde idéal. Malheureusement, dans la réalité, les choses ne se passent pas toujours ainsi.

Des familles, ayant assisté à l’agonie pénible d’un proche, en ont témoigné. Des gens ont été réanimés, ou soignés, avant d’avoir pu exprimer clairement leur volonté. D’autres sont morts en proie à une grande souffrance. Soit parce que leur douleur était mal contrôlée par les médicaments. Soit parce que leur maladie entraînait des souffrances que même la médecine n’arrivait pas à soulager.

Même le testament « biologique » n’offre pas toutes les garanties. Ce document décrit, à l’avance, les soins qu’une personne veut ou non recevoir à la fin de sa vie. Au cas où, par exemple, quelqu’un serait un jour plongé dans le coma et incapable d’exprimer ses volontés. En cas de besoin, la famille et l’équipe médicale peuvent s’y référer. Mais ces directives n’ont pas force de loi. À l’hôpital, on s’efforce d’en tenir compte. Mais on peut passer outre. Selon le Code civil du Québec, on est seulement tenu de respecter les volontés exprimées « dans la mesure du possible ». À l’approche de la mort, donc, les malades et leurs proches ont parfois du mal à se faire entendre. C’est peut-être parce que personne ne partage la même vision des choses, quand arrive la fin d’une vie…

Choisir de quitter ce monde

« Il est injuste de contraindre quelqu’un à vivre contre son gré. Une loi qui n’autorise pas une telle personne à demander de l’aide manque de compassion. […] la loi doit être changée de manière à traiter avec compassion les désirs clairement énoncés des personnes qui estiment que leur maladie incurable sape leur dignité et la valeur de leur vie. »[2]

Pour les gens qui sont favorables au suicide assisté, même si la vie est importante, ce qui prime d’abord et avant tout, c’est l’autonomie des personnes. Le pouvoir de prendre ses propres décisions et de choisir sa destinée, jusqu’au bout. Chaque personne devrait donc prendre ses décisions concernant sa propre mort, en accord avec ses valeurs et ses croyances, sans se les faire imposer par d’autres. Pour eux, c’est une question de liberté et d’égalité face à la mort.

Permettre le suicide assisté, c’est aussi, à leurs yeux, avoir le droit de mourir dans la dignité. Les mourants devraient pouvoir choisir de quitter ce monde, s’il est clair pour eux que leur qualité de vie est nulle et que leurs souffrances sont intolérables. Certaines personnes ne veulent pas voir leur état se dégrader, à cause de la maladie, ni être à la merci des médecins. Elles ne veulent pas non plus perdre leur autonomie et le contrôle qu’elles ont sur leur vie. Pour elles, c’est une atteinte intolérable à leur dignité. Le suicide assisté, s’il était permis, donnerait, à tous ceux et celles qui le désirent, la « chance » de vivre leur mort dans des conditions plus dignes et respectueuses. Étant donné que se suicider n’est plus un crime, et qu’en plus, on peut refuser ou faire cesser ses traitements, certains estiment qu’on devrait aussi, en toute logique, reconnaître aux gens le droit d’être aidés pour mourir. Pour eux, cela ne fait pas une grande différence, si, au bout du compte, le résultat est le décès …

Certains pensent également que le système actuel condamne quelques malades à des suicides ratés ou à des morts qui se passent peut-être en secret, au risque des pires abus. Des suicides arrivent peut-être même trop tôt. Parce que les gens ont peur de trop attendre et de ne plus en être capables physiquement. Ou bien parce qu’ils ne n’osent pas demander à leurs amis, à leur famille ou à leur médecin de commettre un acte illégal. En autorisant le suicide assisté, on en contrôlerait mieux la pratique. On fermerait ainsi la porte aux abus et à la discrimination.

D’autres avancent que l’opinion populaire est déjà en faveur du suicide assisté. C’est ce que disent les sondages. Certaines personnes doutent cependant de leur validité : « dans des sondages […] il ressort constamment que les gens veulent de plus en plus contrôler les derniers moments de leur vie. Toutefois, il n’est pas toujours évident que les personnes interrogées comprenaient bien la nature exacte des questions abordées ».

Mais, en bout de ligne, la plupart aimeraient que les personnes gravement malades puissent bénéficier d’une autre option face à la mort : « Il se peut que seul un petit nombre de Canadiens aient besoin, le moment venu, d’un médecin pour mettre fin à leurs jours. Toutefois, […] de très nombreux Canadiens trouveraient très réconfortants et très sécurisants de savoir que, s’ils en avaient besoin, ils pourraient obtenir l’aide d’un médecin compatissant pour mourir avec dignité. »

RD


[1] AFEAS, femme en mouvement. « Suicide assisté : choisir pour soi ? » et Guide d’animation 2006-2007, Québec.

[2] Conseil unitarien du Canada, au Sénat, 1995.

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