Vivre la vie d'un Senior

jeudi 3 novembre 2011

L’immortalité et l’évolution de la vie sur terre


Voici un article plein de saveur et d’humour de Michel de Pracontal intitulé : « L’éternité, c’est simple comme une bactérie ».

« … Lecteur, je vous en conjure, fermez tout de suite ce journal et répétez trois fois après moi : « Je vais mourir dans une heure d’une rupture d’anévrisme indétectable et incurable, et en plus le lave-vaisselle est plein. » Bien. Vous voilà un peu moins décontracté. On peut parler sérieusement. Pour un esprit sérieux, la mort est l’ultime certitude, le destin indépassable de toute créature, la loi universelle du vivant, etc. Eh bien, pas si sûr. Le plus courant, le plus banal, dans le monde vivant, n’est pas la mort mais l’immortalité ! C’est un connaisseur qui l’affirme : Claude Gudin, spécialiste de physiologie végétale, auteur d’une guillerette « Histoire naturelle de la mort » (1) qui bouscule pas mal d’idées reçues : « Aussi drôle que cela puisse paraître, au niveau de la cellule, la mort n’est pas inéluctable tant que les conditions de vie sont favorables », écrit notre homme.

Il y a 3 ou 4 milliards d’années, il n’y avait ni bêtes ni bestioles, pour ne pas parler d’humains. La Terre était peuplée d’archéobactéries, des êtres élémentaires constitués d’une cellule sans noyau. Ces procaryotes vivaient une sorte d’éternité dans un paradis tiède et salé, l’océan primitif : « La cellule grandissait en taille et en volume puis, sans mourir, se divisait en deux cellules filles, qui s’individualisaient, grandissaient, engendrant à leur tour deux cellules (2, 4, 8, 16, 32) jusqu’à la saint glinglin [.]. » Cette « immortalité congénitale » a duré mille fois le règne des dinosaures et cent mille fois celui du genre Homo. Voilà qui rend modeste. L’éternité, c’est simple comme une bactérie.

Si rien n’avait changé, si l’océan était resté la saumure paradisiaque des débuts, la planète serait encore une grosse boule verte tapissée de bactéries immortelles (mais non académiques). Mais de réchauffements en glaciations, de nuages de poussières en voiles gazeux, de multiples péripéties ont bousculé le cours tranquille de l’existence primitive. Les plus pleutres des bactéries ont réussi à se mettre à l’abri et à sauvegarder le mode de vie simple des origines. D’autres, plus audacieuses ou moins chanceuses, ont été contraintes de se bouger le cul (pour parler au figuré). Pour survivre, elles se sont dotées de parois protectrices, se sont associées en colonies, sont devenues cannibales. Elles ont regroupé leurs gènes dans un noyau et sont devenues des eucaryotes, qui ont engendré les êtres pluricellulaires et finalement les plantes et les animaux (je résume).

Ainsi donc, après 2,5 milliards d’années de tranquillité, l’histoire se corse. Complications majeures, le sexe et la mort, Eros et Thanatos entrent en scène 1 milliard d’années avant Freud. Au hasard de leurs batifolages, deux eucaryotes en viennent à fusionner et à mélanger leurs gènes. Il en résulte une nouvelle bactérie, un peu différente. Le processus, répété des milliards de fois, aboutira à l’extraordinaire diversification du vivant. Dans ce monde en mouvement apparaît une étonnante invention : le « suicide » cellulaire, qui affecte une partie des cellules d’une colonie, entraînant sa métamorphose. Vivre devient de plus en plus intéressant. Au prix de l’éternité initiale.

Le suicide des cellules programmé dans leurs gènes a été appelé « apoptose » par les biologistes, d’un mot grec qui désigne la chute des feuilles en automne. L’apoptose joue un rôle crucial dans la vie des organismes évolués. Nous lui devons d’avoir le nez au milieu de la figure, des bras et des jambes, bref d’avoir forme humaine. L’apoptose est le sculpteur du vivant, elle travaille en creux, retire la matière en trop : « Si nous avons des doigts aux mains, c’est parce que les cellules qui joignaient les futurs doigts ont été condamnées à mort », explique Gudin. Ce progrès a façonné la silhouette de tout un chacun, y compris celle de Sophie Marceau, quand même plus gracieuse que celle d’une méduse. Mais tout se paie : le système impose que chaque type cellulaire de l’organisme soit programmé pour disparaître à un moment donné. Ce qui condamne l’organisme entier.

Un seul moyen d’échapper à la fatalité : « déprogrammer » les cellules. C’est ce qui se produit dans une tumeur cancéreuse, qui n’est rien d’autre qu’une prolifération anarchique de cellules « immortalisées ». Bien sûr, on peut toujours rêver d’avoir le beurre et l’argent du beurre, l’éternité sans le cancer. Mais, au prix où est la margarine, est-ce bien raisonnable ? »

RD

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire