Vivre la vie d'un Senior

jeudi 19 janvier 2012

La mort dans la nature


Auteur : Claude Villeneuve, biologiste

« Dans cette conférence, je vous proposerai quelques éléments de réflexions sur la nature de la mort et la mort dans la nature.

Quand j'aborde cette question, la même boutade me revient toujours à l'esprit: l'éternité, ça doit être long, surtout vers la fin! Notre perception du temps est en effet proportionnelle à la durée de notre vie. Si nous étions éternels, nous pourrions en effet, en nous moquant du temps, regretter qu'il soit long, surtout vers la fin, mais dans l'état actuel de notre finitude, plus notre échéance approche, plus le temps nous semble court.

Dire, en se moquant du temps, que l'éternité doit être longue, c'est à bien y penser, une façon de dire qu'aucun vivant n'est immortel, si parfaite que soit l'organisation de ses éléments constitutifs. Certains auteurs vous diront que les bactéries, par exemple, dont la reproduction est asexuée, sont des êtres immortels ou que les cellules cancéreuses en culture continuent de se reproduire indéfiniment. C'est là une vue de l'esprit. La vie certes est apparue sur terre il y plus de 3 milliards d'années, du moins d'après nos modèles actuels; c'est beaucoup, mais au regard de l'éternité c'est peu. Et de toute façon, cette vie finira un jour. La durée de telle espèce est longue, celle de telle autre courte. Il n'en est pas moins vrai que les espèces ont une durée finie, comme les individus.

100 naissances se terminent par 100 décès

On a beaucoup accru l'espérance de vie chez les humains depuis le siècle dernier, mais il demeure toujours que 100 naissances se terminent par 100 décès. On peut poser cette question: la vie ne serait-elle qu'une maladie mortelle transmise sexuellement?

La vie peut se définir comme un ensemble de processus bio-énergétiques qui sont sous la responsabilité du génome. L'arrêt des réactions biochimiques, qui font partie des choses que contrôle le génome, constitue ce qu'on peut appeler la mort. Il y a décès au moment où le matériel génétique n'est plus responsable de l'évolution de la cellule.

Il faut cependant ajouter un petit bémol à cette observation. Vous connaissez peut-être l'expérience qui a été faite il y a environ six ans, à partir d'une peau d'un proche parent du zèbre, le couagga, une espèce sud-africaine disparue depuis plus de 100 ans. On a repris un morceau de viande séchée sur une peau de cet animal et on a pu isoler des cellules contenant du matériel génétique, reprendre ce matériel, le cloner et le réintroduire à l'intérieur de bactéries. Ces bactéries ont exprimé un ou deux gènes qui étaient présents à l'intérieur des cellules qui n'avaient pas été complètement détruites ou autolysées parce qu'elles avaient séché. Cela nous amène à penser que le matériel génétique pourrait effectivement transcender la mort de l'individu.

La chose se produit en fait régulièrement. Lorsque la nature a inventé la reproduction sexuée, elle a inventé la mort, puisque la reproduction sexuée représente une nouvelle combinaison génétique pour l'espèce. Les caractéristiques de la vie sont celles que l'on connaît: adaptabilité, mutabilité, métabolisme, capacité de reproduction, irritabilité. La mort représente l'arrêt des fonctions caractéristiques du vivant. L'individu, dans un monde physique où les lois de la thermodynamique mènent vers une entropie maximale, a effectivement pendant un court laps de temps où il est sous la maîtrise du génome, la possibilité de créer de l'organisation. Cela va complètement à l'encontre des lois physiques. La vie est un défi à l'entropie. Et quand la vie se termine, on revient à la normale: les molécules qui ont été assemblées sous les directives du génome vont tout simplement se décomposer en molécules plus simples, lesquelles vont resservir à l'intérieur de grands cycles qui permettent en fait à la vie d'exister sur terre. Autrement dit, la mort est une étape absolument nécessaire pour la biosphère. Et absolument nécessaire aussi pour l'espèce, en particulier dans le cas des espèces à reproduction sexuée.

Le gène égoïste

La reproduction sexuée implique nécessairement le remplacement des générations. Nos descendants ne sont pas notre reproduction. Les seuls individus qui se reproduisent sont ceux qui, par division asexuée, vont tout simplement doubler leur patrimoine génétique et former deux individus indépendants. Les individus à reproduction sexuée sont placés devant le dilemme suivant: 2n + 2n = 2n. Quandun vivant est diploïde, il faut que son bagage héréditaire se divise et se recombine avec le bagage héréditaire d'un autre représentant de l'espèce, pour créer une nouvelle combinaison qui va avoir la chance d'être confrontée avec la sélection naturelle. Dans toutes ces espèces, il faut donc que les générations se remplacent.

Ces faits ont amené les socio-biologistes à formuler diverses hypothèses intéressantes. Dans « The Selfish Gene », Richard Dawkins soutient que l'individu n'est au fond qu'un véhicule pour les gènes. Toute sa vie est orientée sur la reproduction, et la reproduction est le passage d'une série de gènes d'une génération à une autre, au plus grand nombre de copies possibles. Le gène serait en quelque sorte le bâton dans une course à relais: on le transporte et on le transmet à un autre coureur. Les socio-biologistes sont même allés jusqu'à soutenir que les gènes nous dirigent tellement que même nos comportements altruistes, ou en apparence altruistes, seraient en réalité des comportements destinés à assurer que les gènes qui nous appartiennent, qui sont semblables aux nôtres, soient plus nombreux dans la génération suivante.

L'individu serait donc sacrifié à sa descendance. Comment ne pas être tenté de le croire quand on essaie d'expliquer le comportement maternel ou certains comportements sociaux chez les animaux? Tout est mis au service de la reproduction, de la production d'une nouvelle génération. Et comme je le disais plus tôt, ce n'est pas une re-production. Pour l'espèce, c'est une reproduction, pour l'individu, c'est tout simplement un passage de gènes.

La reproduction sexuée et la polyploïdie constituent une méthode de conservation à l'intérieur du processus évolutif. Elles nous permettent de conserver le plus possible une capacité d'adaptation. Dans un milieu changeant, où les conditions écologiques varient beaucoup, il y a des avantages à avoir des générations rapides et à avoir un grand nombre de combinaisons possibles dont quelques-unes vont pouvoir survivre. La durée de vie de toutes les espèces est déterminée. Il y a une longévité potentielle et une longévité moyenne. Selon que le maximum de mortalité se produit chez les jeunes ou qu'elle se produit chez les plus âgés, on a trois possibilités.

Possibilité I 

On peut voir que dans l'espèce humaine, représentant une espèce de grande longévité avec une forte mortalité infantile, est passée progressivement à un autre stade. C'est une des transformations que nous pouvons observer dans le système de la santé car notre société, qui perdait auparavant beaucoup d'enfants et beaucoup de gens avant l'âge de 20 ans, est aujourd'hui en mesure d'aller au bout de sa longévité potentielle. Il en résulte des problèmes bien connus.

On note aussi que la longévité est étroitement reliée à la reproduction. Une courbe montre pour la même espèce de lézard, la relation entre la longévité et la prolificité:

Possibilité II 

Plus les lézards vont avoir de petits, plus ils vont être susceptibles de mourir dans l'année. On connaît également des espèces où la reproduction représente carrément la fin de l'existence. Les saumons de l'Ouest (oncorhynchus) meurent après la reproduction. Essentiellement, tout leur cycle vital s'accomplit à l'intérieur d'une seule reproduction. Les graminées ont souvent des cycles reproductifs comme celui-là. La plante dure une saison, produit des graines et meurt. Ce sont des graines qui reprennent la saison suivante. Cette relation entre la longévité et la survie moyenne est variable selon les espèces. Ce phénomène est très intéressant, il est un moyen de s'adapter aux variations de l'environnement.

Les environnements très variables vont généralement sélectionner des espèces qui ont une stratégie "R". La stratégie "R" est une stratégie dans laquelle il y a une grande rapidité de maturité, une vie adulte très brève, une fécondité très élevée. On la retrouve par exemple chez les espèces typiques de l'Arctique ou encore chez des espèces comme les pucerons. Un puceron peut engendrer plusieurs générations dans un été et il a une reproduction à la fois sexuée et asexuée. Quand un individu a trouvé la bonne plante et le bon moyen, il peut se reproduire de façon tout à fait extravagante. La mortalité est naturellement très élevée et la durée de vie n'est pas très longue. Par contre, dans les environnements qui sont stables, c'est-à-dire dans des écosystèmes qui ont évolué sur une longue période, ce sont des espèces de type "K" qui vont être sélectionnées, c'est-à-dire des espèces qui ont une maturité tardive, une fécondité faible et une très longue durée de vie.

Possibilité III 

Selon la variabilité dans le milieu, on va choisir l'une ou l'autre des stratégies, compte tenu du potentiel génétique et du potentiel reproductif des individus.

On voit par exemple que les insecticides vendus dans le monde ont progressé à une certaine vitesse qui est à peu près celle à laquelle les insectes résistants aux insecticides ont progressé! En empoisonnant le milieu (sic), on opère une variation très rapide de l'environnement. Les espèces qui ont une stratégie "R" vont être favorisées parce qu'elles vont pouvoir recoloniser très rapidement. Et comme les générations sont très rapprochées, les changements sélectifs peuvent avoir une influence très importante dans la population. Ils peuvent permettre à un gène de se répandre très rapidement dans une population; ces reproductions en série sont tout à fait capables d'assurer cet aspect.

Le vieillissement, un luxe

On ne peut parler de la mort sans parler du processus qui mène à la mort, le vieillissement. Le vieillissement est quelque chose que l'on voit très peu dans la nature. Vous remarquerez que toutes les populations d'animaux que vous voyez sont généralement jeunes et en santé. Dans la nature, le vieillissement est quelque chose qui n'a pas vraiment le temps de se produire. À mesure qu'un organisme commence à perdre de sa capacité d'adaptation, à mesure que ses organes et ses systèmes d'intégration deviennent moins fonctionnels, il est la proie des prédateurs. La nature est donc constamment nettoyée.

Quand on écoute des émissions comme celles du commandant Cousteau ou de la Mutuelle d'Omaha qui nous montrent de belles bêtes en pleine nature, on a toujours l'impression que la nature est bien faite, qu'elle est parfaite, qu'il doit y avoir un créateur derrière tant de perfection. Mais en réalité, c'est que tous ceux qui avaient des petits défauts ont été éliminés. Ils ne sont pas là pour témoigner de la variabilité génétique.

Le vieillissement peut être observé dans une espèce comme la nôtre parce que nous sommes protégés contre les prédateurs, et chez les espèces domestiques que nous protégeons contre les prédateurs. Il en résulte une série de dégénérescences qui sont très bien connues et avec lesquelles nous devons vivre.

Comme la longévité est une donnée génétiquement programmée, on peut théoriquement mourir en santé; mais quand on est devenu trop vieux, même si on est en santé, les systèmes ne sont plus capables de s'auto-soutenir. On sait par exemple que les cellules ont une limite de reproduction. On sait qu'il y a des cellules qui ne se remplacent pas comme les neurones par exemple, et d'autres qui se remplacent tranquillement comme les hépatocites. Mais plus le temps passe, moins notre capacité de régénération et de réparation est disponible. Et puis à la fin, c'est le système immunitaire qui commence à se détériorer. Commence alors un processus où notre organisme va être envahi par d'autres organismes. Notre génome perd alors le contrôle de nos molécules.

J'évoque à peine quelques caractéristiques du vieillissement. Certaines cellules ont un nombre de divisions définies. Certaines cessent de se diviser dès la naissance, comme les neurones, d'autres accumulent des problèmes avec le temps. Chaque fois qu'on est soumis à des radiations, à des stress de l'environnement, chaque fois qu'on boit du café, qu'on absorbe de l'alcool, des petites mutations, de petites morts cellulaires se produisent en nous. Il arrive aussi que des cellules fassent des erreurs de programmation, généralement dans les mécanismes de réparation de l'ADN. L'ADN a des mécanismes pour se recopier et éliminer les erreurs. Ces mécanismes sont toutefois sous contrôle génétique eux aussi. Le jour où il y a des problèmes dans les gènes qui codent les mécanismes pour surveiller les erreurs, on commence à laisser passer des erreurs. D'une erreur à l'autre, on a des cellules qui décident de faire à leur tête. C'est ce qui se produit dans le cas du cancer.

Finalement, le vieillissement se traduit par l'usure des organes et la diminution de la masse musculaire. Même si Ben Johnson avait continué à prendre des "stéroïdes anabolisants" pendant toute sa vie, sa masse musculaire aurait fini par diminuer. Le vieillissement entraîne aussi une sclérose de l'appareil circulatoire, une diminution de l'efficacité du rein, une perte de sensibilité des récepteurs sensoriels et finalement la détérioration du système immunitaire. Naturellement, à partir du moment où le système immunitaire se détériore, vous êtes envahis par les prédateurs microscopiques.

Leur mort est ma vie

En fait, la vie est fondée sur une série quasi-illimitée d'assassinats inter-spécifiques. C'est une façon de dire les choses. On peut aussi dire que les petits sont mangés par les moyens qui sont mangés par les gros. Dans les écosystèmes, les réseaux alimentaires se complètent grâce aux perpétuels échanges de molécules à valeur énergétique et structurale entre les divers niveaux trophiques. Tout ceci pour dire finalement que c'est en désorganisant le voisin qu'on finit par s'organiser soi-même.

Cela nous amène à voir que les proies et les prédateurs sont inter-adaptés. À la limite, on est amené à dire qu'il est nécessaire pour la santé des proies qu'il y ait des prédateurs. Et effectivement, dans les écosystèmes, on se rend compte que les fluctuations des variations des populations de proies sont très étroitement suivies par des fluctuations des variations des populations de prédateurs. Et un prédateur dépend d'autant plus d'une proie qu'il ne consomme que cette proie. Considérez par exemple les variations des cycles du lièvre et du lynx, un thème classique en écologie. Il y a des montées de lièvres extraordinaires suivies par des montées de lynx, suivies par des descentes de lièvres, suivies par des descentes de lynx, parce que 70% de l'alimentation du lynx est composée de lièvres. Une espèce comme la nôtre est très opportuniste. Nous avons des proies très variées et nous faisons en sorte qu'aucun autre prédateur ne vienne chasser sur nos terres.

Ce qui n'empêche pas qu'il y ait des famines de temps à autre. Au fur et mesure que nous avons évolué, nous avons toutefois échappé aux fluctuations de la nourriture fournie par la nature en transformant nos écosystèmes pour qu'ils produisent les proies dont nous avons besoin.

Il y a une autre raison pour laquelle la mort est absolument importante et nécessaire. Il n'y a de réorganisation possible que s'il y a désorganisation. Les molécules circulent dans des grands cycles bio-géo-chimiques. Prenons l'exemple du cycle du carbone. Dans un écosystème, l'énergie est fournie par le soleil. Les plantes qui possèdent un génome approprié ont une molécule appelée la chlorophylle qui leur permet de transformer l'énergie lumineuse du soleil en énergie chimique, qui est ensuite stockée sous la forme de polymères construits à partir du carbone tiré du CO2 présent dans l'atmosphère. Cette énergie est rendue disponible pour tous les autres organismes à partir de ce mécanisme qui est génétiquement contrôlé. Il faut donc qu'à un moment ou l'autre du cycle, nous mangions un être vivant pour être capable de dégrader les molécules de carbone qui composent les polymères de carbone; de les dégrader par la digestion pour en retirer l'énergie qui nous permettra de former d'autres combinaisons correspondant à notre génome. Nous nous organisons à partir de tous les autres êtres vivants qui s'étaient organisés avant nous.

C'est un aspect fondamental. Pour qu'un cycle puisse être fonctionnel, il faut que les plantes puissent retrouver les éléments simples qui sont nécessaires pour composer les éléments complexes qui vont nous servir de nourriture. Pour cela, il faut qu'il y ait minéralisation. Et la minéralisation se fait par la décomposition. En fait, si on veut résumer cette situation, tant qu'il y a de la nourriture dans la nature, il se trouve quelqu'un qui a intérêt à l'absorber. Au fur et à mesure que telle molécule va se dégrader, il y aura passage à des formes de vie de plus en plus simples, jusqu'à ce qu'on en arrive aux éléments minéraux qui eux vont être réabsorbés par les plantes. La décomposition, qui assure le recyclage, est donc une chose très importante. Nous sommes tous formés de molécules qui ont un jour été décomposées et sont passées par un tube digestif...

Lorsqu'un individu cesse d'être sous la dépendance de son génome, les choses se passent selon un scénario connu. Il y a d'abord la catalyse des cellules par les enzymes cellulaires. Ensuite, les détritivores s'emparent des cadavres, puis vient le moment de la putréfaction par les bactéries et les champignons.

Ma mort est leur vie

La décomposition chez un métazoaire comme l'homme se traduit d'abord par un arrêt de la circulation. L'arrêt de la circulation provoque un manque d'oxygène au niveau des cellules. Les cellules passent immédiatement en mode anaérobie. Ce phénomène produit de l'acide lactique occasionnant un raidissement musculaire, le fameux rigor mortis. Ensuite, quand elles n'ont plus de carburant cellulaire pour fonctionner en anaérobie, survient l'autolyse des cellules. On observe aussi une dégradation bactérielle à partir du contenu intestinal. Le système immunitaire n'est plus là pour empêcher les bactéries, les acariens qui vivent sur notre peau de traverser les membranes, de passer à l'intérieur. Le cadavre est alors colonisé par des insectes, des acariens, différents détritivores qui vont très rapidement opérer la lyse des membranes cellulaires.

Le cadavre, s'il est à l'abri, naturellement, va se dessécher. L'eau constituante va s'échapper avec les molécules hydrosolubles. Il va y avoir une dégradation complète. Les protéines vont se transformer en acides aminés liquides ou gazeux, en ammoniac, et en nitrates. Les nitrates et l'ammoniac vont être récupérés dans le sol soit par les plantes dans le cas des nitrates, où encore dans le cas de l'ammoniac par les bactéries dénitrifiantes ou les bactéries nitrifiantes qui vont les transformer en NO3 ou les retransformer en azote atmosphérique. Les graisses vont être saponifiées avec les réactions ammoniacales. À ce moment-là, elles deviennent hydrosolubles. Elles vont aussi passer dans le sol et être dégradées par d'autres organismes. Les glucides vont former des alcools, des cétones, des acides organiques et toutes sortes de belles molécules volatiles qui, avec l'ammoniac, nous donnent des odeurs putrides! Ces produits sont ensuite entraînés dans le sol avec l'eau constituante du corps et lavés par l'eau de pluie ou encore émis dans l'atmosphère sous forme gazeuse. Ils sont finalement transformés et récupérés pour recommencer les différents cycles. Et si les précipitations sont le moindrement acides, les os vont se décalcifier et le calcium va revenir dans le cycle du calcium.

À l'intérieur de la biosphère, il y a un lien entre toutes les morts et toutes les vies. Cela nous oblige à réfléchir sur la place et le rôle de l'humanité dans cette biosphère. En augmentant à la fois l'espérance de vie des enfants et le nombre de naissances par femmes, on a accéléré de façon très importante la croissance de la population humaine. Vous connaissez le diagramme classique qu'on trouve dans tous les bons ouvrages sur la démographie; on y trouve la courbe d'explosion démographique qui se produit à l'heure actuelle. Cette courbe indique qu'au cours des dernières décennies, il y a eu accélération de la croissance du nombre de téléspectateurs qui désirent devenir des riches et célèbres! Cette croissance a un impact important sur la biosphère. Au rythme de 170 nouveaux individus à la minute, on atteint vite une limite quelconque.

Cela m'amène à parler de ce qui, du point de vue biologique pur, constitue la vraie mort. La mort de l'individu est simplement, dans l'évolution de l'espèce, un processus tout à fait normal. La vraie mort est la disparition des espèces. Lorsque l'ensemble d'un groupe génétique s'éteint, une richesse considérable est perdue. On parle à l'heure actuelle de la vitesse d'extinction des espèces. Tant qu'il reste quelques individus d'une espèce, on peut récupérer une partie du génome qui est original et qui traduit finalement l'histoire de l'adaptation de l'espèce à un environnement particulier. Lorsqu'une espèce disparaît, on perd complètement cette richesse. Cette perte est grave car nous sommes maintenant en mesure d'extraire du génome des autres espèces des molécules qui peuvent nous être utiles pour améliorer notre qualité de vie.

Considérons la vitesse à laquelle le taux annuel d'extinction des espèces s'est accru depuis 300 ans. Au rythme naturel, il y a disparition d'une espèce tous les 21 mois. Au cours du dernier million d'années, 900,000 espèces environ sont disparues. Au rythme actuel, il semble que plus 1000 espèces disparaissent chaque année, trois espèces par jour. Compte tenu de la destruction des forêts tropicales à l'heure actuelle, on estime que la vitesse de disparition des espèces sera de l'ordre de 15,000 espèces par année en l'an 2010. L'échelle est logarithmique. Si on considère la courbe d'apparition des espèces par rapport à la courbe de disparition, pour une ordonnée d'apparition des espèces de 10 cm, on aurait une abscisse de disparition des espèces de 100 kilomètres.

Depuis son apparition, l'Homme a modifié les conditions nécessaires au maintien de la vie sur terre. Il a provoqué la disparition de plusieurs espèces en les surexploitant ou en modifiant leur habitat, à tel point qu'elles ne pouvaient survivre. Actuellement, les modifications de la biosphère attribuables à la civilisation industrielle nous entraînent vers une remise en question de notre développement. À l'image d'un organisme qui termine sa croissance tout en continuant son développement ou d'une population qui se stabilise dans son environnement, nous devons saisir les signaux que nous donnent les espèces qui disparaissent pour nous adapter aux limites de la capacité de charge de la planète. Ces espèces sont comme le canari qu'on plaçait dans les mines de charbon pour prévenir les coups de grisou. Leur disparition préfigurait la nôtre.

La mort de chaque espèce est inéluctable, mais il vaudra toujours mieux parler de la mort dans la Nature que de la mort de la Nature.

RD

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