Avec l’accroissement de la
longévité, le jeune retraité de l’an 2000, âgé entre 60 et 65 ans, est loin d’en
avoir fini avec l’existence, selon Mme Maryse Kolinsky.
Il est au contraire en
pleine possession de ses moyens et rêve à une troisième vie. Sauf que les
statistiques à ce sujet sont parlantes : après seulement deux années de
ces grandes vacances forcées, bon nombre de retraités réalisent la vacuité de
leur quotidien. Les loisirs lassent et
ont un coût, le bénévolat demande énergie, patience, désir de communication ;
quant au recyclage intellectuel, il n’est prisé que du plus petit nombre. Le
temps que l’on croyait celui de la liberté devient celui de l’ennui et,
bientôt, de la maladie.
« Après enquêtes, l’anthropologie
médicale démontre que les individus à qui on ne permet plus de jouer un rôle
dans la vie économique, politique et sociale de leur groupe, de leur
communauté, de leur pays, écrit Jean-Paul Vidal, anthropologue médical
québécois, sont des gens qui physiquement dépérissent rapidement. »
L’idée est révolutionnaire,
réaliste, mais bien sûr pas vraiment d’actualité. Pourtant, démographes,
gériatres et gérontologues ne cessent de le répéter : les quinquagénaires,
et sexagénaires du troisième millénaire n’ont rien de commun avec ceux de l’après-Seconde
Guerre mondiale. Nous ne pouvons plus faire entrer ces nouveaux jeunes vieux
dans une sorte d’apartheid générationnel. Les temps sont révolus où il y avait
un âge pour être actif puis inactif. Désormais, les spécialistes sont unanimes :
définir l’âge de la cessation du travail n’a plus de sens. Il n’y a plus lieu
de mettre un terme à une vie professionnelle dans laquelle ils se sont
épanouis. Certains même en meurent.
Si l’on prend le cas des artisans
en tout genre, les écrivains, les artistes, qui n’ont pas le choix, parce que
pas ou si peu d’allocations de retraite? La plupart continuent à travailler.
Ils prouvent que le talent n’a pas d’âge et qu’un projet de vie est tout aussi
nécessaire à 65 ans qu’à 30 ans.
En fait, il faudrait donc moins
de rigidité dans l’application de la cessation du travail. À chacun de décider
selon ses possibilités, ses objectifs, ses désirs, afin que la vie ne soit plus
partagée entre le temps du travail, et celui d’une liberté chèrement acquise.
Il faut en finir avec ce découpage absurde de la vie : le travail opposé
aux loisirs et à la liberté. L’existence toute entière doit être source d’intégration
sociale et d’épanouissement personnel.
Les initiatives gouvernementales
tendent à mettre en place des mesures visant à garder les retraités sur le
marché du travail. C’est une façon de contrer le manque inévitable de main-d’œuvre
dans des coins comme le Québec, l’Allemagne et bien d’autres pays. Mais, les
thèmes du vieillissement et de la nouvelle population des gens âgés demeurent
encore des secteurs réfractaires au changement. Ainsi, peu de temps d’antenne
sont consacrés à l’évocation des problèmes
liés à la sénescence, ni même d’ailleurs à la prévention, au-bien
vieillir, à la longévité.
Quand une émission traite du
sujet, elle le caricature et il n’en ressort que des platitudes ou, plus grave,
des informations négatives. Images difficiles à supporter qui montrent des
vieillardes atteintes de pathologies lourdes attendant, le regard vide, dans
des salles communes de maisons de retraite; consultations de prévention du
vieillissement auxquelles on donne des allures de dopages; enquêtes dans les
filières de produits interdits ; interviews tronquées de spécialistes que l’on
fait passer pour des apprentis sorciers et des marchands de jeunesse. Une suite
de reportages, d’enquêtes, de flashes, qui contribuent à accroître ce sentiment
de peur devant la vieillesse et son terme, la mort.
Quels téléspectateurs
représentent la plus fort d’audience? Les plus âgés. Hélas, pour eux, car nous
le savons bien, la télévision est le moins coûteux, mais le plus nocif des
tranquillisants.
Quant aux magazines, et notamment
les magazines féminins, ils suivent trop souvent l’exemple de la télévision et
proscrivent tout ce qui concerne les plus de 50 ans.
Il serait temps que l’on voit la
personne qui prend de l’âge comme un être qui a résisté au temps, comme une
preuve de solidité et d’authenticité. Et que désormais, l’« ancien » est le
contraire du « vieux », puisque ce dernier est associé à la fragilité, à la précarité
et au périssable.
En Afrique, en Asie, les
personnes âgées, que l’on nomme les « anciens » n’ont rien perdu de leur savoir
parce qu’elles n’ont pas perdu de leur pouvoir. Respectées et honorées, elles
continuent à jouer un rôle dans la représentation collective. Elles
participent, partagent, transmettent et existent. Pour elles, jusqu’à la fin,
la vie a un sens. Alors, en chemin, elles ne perdent rien, ni leur mémoire, ni
leur santé.
La transmission des savoirs et
des techniques est facilitée par ce mode de vie où, contrairement à la société
occidentale, le vieillissement est nié et mal intégré.
Enfin, la société occidentale
continue de perpétuer une conception utilitariste des âges qui est dépassée. Le
droit d’exister ne doit pas se mesurer à l’aune de l’utilité. …. Dans la vie,
il y a autre chose que la productivité.
RD
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire