Vivre la vie d'un Senior

lundi 24 septembre 2012

Une formule gagnante pour intégrer socialement nos « vieux »




Silence les vieux!

Y-a-t-il une place spécifique pour les plus anciens d’entre nous ? Devons-nous les condamner au désoeuvrement et à la solitude, alors que l’on exalte les vertus de la longévité ? Que voilà un troublant paradoxe, selon Maryse Wolinski !

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L’isolement et l’inaction, que vivent encore un grand nombre de nos aïeuls, conduisent à l’angoisse.
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La maison de retraite, certes, c’est mieux que l’hospice d’hier, ce n’est peut-être pas non plus la meilleure des décisions. Parce que l’on y est isolé des autres générations et que l’on n’est pas assez actif. Pourquoi ne pas imaginer d’intégrer les plus âgés d’entre nous au cœur de la société et non de les mettre à l’écart? C’est une question fondamentale à se poser. C’est ce qu’a tenté de faire avec succès le maire d’une petite commune de Lot.

La solution mise de l’avant par le maire de Mauroux en 2003

Depuis longtemps, Guy Delbès, maire de Mauroux, s’insurgeait devant les conditions de vie de ses concitoyens âgés. Dans le village, 23 % de la population avait plus de 70 ans en 2003. Ils sont le plus souvent seuls, pauvres et plus ou moins handicapés. Une idée germe au conseil municipal : des familles accueillent bien des enfants, pourquoi pas des vieux. Le maire étudie le problème et finit par concevoir une organisation qui, avec le temps, va s’avérer idéale. Il crée Le Jardin des aînés, un ensemble constitué de groupes de deux maisons mitoyennes afin que les familles s’entrouvent et se suppléent si besoin est.  Une idée enthousiasmante, solidaire et qui génère des emplois.

De toutes petites communes choisissent de privilégier l’accueil familial pour leurs ressortissants très âgés[1]

(Source : Article de Dorothée MOISAN (AFP))

Trop petites pour pouvoir prétendre à une maison de retraite, certaines communes rurales organisent elles-mêmes l’accueil familial des personnes âgées, formule intermédiaire entre l’aide à domicile et les établissements spécialisés. Guy Delbès, le maire de Mauroux, petit village lotois de 420 habitants, a été le plus fervent promoteur des "Jardins des Aînés", un hébergement de proximité, ouvert le 1er novembre 2003, où deux familles d’accueil accueillent chacune, dans deux maisons mitoyennes, jusqu’à trois personnes âgées.

La famille loue le 1er étage tandis que les personnes âgées disposent chacune d’une chambre avec sanitaires au rez-de-chaussée, ainsi que d’une salle commune. Ce sont elles qui rémunèrent l’hôtesse, à hauteur d’environ 750 euros par mois et par pensionnaire, soit beaucoup moins que dans une maison de retraite.

S’inspirant d’expériences similaires, la mairie a décidé en 1999, avec le concours d’une société HLM et du conseil général, d’acquérir un terrain et de faire construire une résidence qu’elle gèrerait elle-même.

Tous originaires du coin, Raymond, Martou, Marie et Yolande en sont les premiers locataires. "Je suis venu ici parce que je suis tout seul. En plus, j’avais des escaliers chez moi et je n’y vois pas clair", explique Raymond, 88 ans. De l’autre côté de la table, Léa, 6 ans, feuillette "Le Livre de la Jungle", tandis que sa sœur Emma, 3 ans, gesticule bruyamment. "Elles viennent nous distraire", s’amuse Martou. "Ça apporte autant aux enfants qu’à eux", assure Véronique Alberto, la mère des deux fillettes, recrutée par la mairie pour assister les pensionnaires, assurer leurs repas, ainsi que l’entretien du linge et du logement.

"Ils vont chercher les enfants à l’école, les gosses leur disent papy : ils n’en ont jamais tant vu !", s’amuse Guy Delbès. Outre le mélange des générations, les "Jardins des Aînés" présentent l’atout d’associer deux familles d’accueil, leur permettant de se relayer quand l’une d’elles part en congé et d’alléger ainsi leur tâche. Garante du projet

Pour Étienne Frommelt, président de l’association Famidac, il est "souhaitable que les mairies favorisent l’accueil familial". Lorsqu’on place en maison de retraite une personne encore relativement "valide et éveillée", on voit son état décliner dans les 15 jours, alors que plongée dans le bain familial, elle est stimulée et sa santé maintenue, estime-t-il.

"Dans un département âgé comme le Lot, les structures existantes ne suffisent pas à répondre à la demande et une telle solution nous soulage", renchérit le directeur de la maison de retraite de Puy-L’Evêque, à une dizaine de kilomètres de Mauroux. Pour Joël Palma, "cette formule s’adresse à des personnes qui ne sont pas trop dépendantes, mais elle permet de maintenir la personne âgée dans son cadre de vie habituel tout en lui offrant le confort social et sanitaire".

Pour le conseil général, il s’agit d’"encadrer" l’accueil familial, parfois terni par des histoires de maltraitance. Selon le secrétariat d’État aux personnes âgées, qui "aimerait voir se développer l’accueil familial", quelque 9.000 familles accueillent aujourd’hui 12.000 personnes âgées ou handicapées.

La différence, dit-on au conseil général, c’est qu’ici "la mairie est garante du projet" : c’est elle qui gère le dispositif et recrute les familles, s’assurant de l’expérience gérontologique et des qualités humaines de l’hôtesse. C’est aussi elle qui prend le risque d’être poursuivie en cas de difficultés entre l’accueillant et l’accueilli, fait toutefois remarquer M. Frommelt.

Le logement des personnes âgées en France : un vrai problème

La population des 85 ans et plus pose de gros problèmes d’accueil : de 200.000 personnes en 1950, elles étaient 1.250.000 en 2000 et dépasseront les 2 millions en 2020 !
"On reçoit parfois des personnes âgées dont l’état de santé ne justifie pas un séjour prolongé, mais dont les familles ne veulent plus s’occuper après : j’ai vu des familles s’éclipser à la sortie d’un parent !" dit le Dr Michel Cavey (...).

Aujourd’hui, plus de dix mille établissements publics et privés accueillent 650.000 personnes âgées. Le prix moyen est de 1.200 euros/mois (de 800 à 4.000 euros/mois). Le reste de la population âgée vit seul ou en famille.

Ici, c’est un lieu de rires, d’échanges et d’amour

(Auteur : Katja Hunsinger, MAXI n° 940 (du 1er au 7 Novembre 2004) – extraits)

Au jardin des aînés, personne n’est en reste : tout le monde s’occupe en participant à cette vie de famille pas comme les autres.

"Regarde !" Claire, 12 ans, montre fièrement le scoubidou aux fils en plastique rose et rouge qu’elle vient de tresser à Yolande, sa "copine". "C’est beau... Tu travailles drôlement bien, dis donc !" admire sa complice, sagement assise sur la terrasse ombragée. D’autres enfants chahutent non loin de là, et Yolande les regarde en souriant : peut-être a-t-elle envie de les rejoindre ? Après tout, ce n’est pas parce qu’on a 76 ans que l’on doit rester sage comme une image !

À côté, à la grande table ronde, les "garçons" tapent le carton. David, Raymond et Marc totalisent à eux trois ... 258 ans ! Henriette, une autre pensionnaire, les interrompt pour leur demander s’ils n’ont pas vu le journal, "son" Sud-ouest... "Eh, vous savez bien que nous, c’est plutôt la Dépêche du midi", dit Raymond avec son accent chantant... "Ah, vous alors !" rigole gentiment Henriette qui, du haut de ses 89 ans, repart à la chasse au journal.

Au Jardin des aînés, on peut dire que l’ambiance est... bon enfant !

Comment ça fonctionne ?
On est loin, en effet, du quotidien d’une maison de retraite... Sans doute parce qu’ici ce sont trois générations qui cohabitent sous le même toit. Le petit bourg de Mauroux, dans le Lot-et-Garonne, est d’ailleurs devenu avec ce projet pilote un modèle pour toute la France !

L’idée originale : deux familles d’accueil vivant au premier étage de deux maisons adjacentes. Au rez-de-chaussée de chacune : trois chambres confortables, destinées à des personnes âgées, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Logées à l’étage, les maîtresses de maison s’occupent des repas (vin de table obligatoire : on n’est pas très loin de Cahors !), du linge, veillent aux médicaments à prendre et distribuent des petites tâches à exécuter...

Ainsi, dans la "maison des garçons", Véronique a chargé David, un ancien maçon venu d’Italie après la guerre, 89 ans, et Marc (que tout le monde appelle Martou), 80 ans, d’aller chercher le pain tous les matins... "Ils participent également au jardinage, ajoute cette mère de famille de 37 ans. Le week-end, il leur arrive aussi de bricoler avec mon mari et Raymond, ancien agriculteur, fait de la vannerie : il a fabriqué des corbeilles pour tout le monde !"

En cas de problème, Véronique a une sonnerie à côté de son lit : "S’il arrive quelque chose, je n’ai que l’escalier à descendre, je suis à leur chevet en trente secondes !" dit-elle, très mère poule... Mais le plus touchant, c’est sans doute comment ses filles, Emma et Léa, 5 et 7 ans, ont su conquérir ces trois "vieux messieurs" ! "Ce matin, raconte Raymond, c’est Léa qui a ouvert mes volets : quel plaisir de voir sa petite frimousse me dire bonjour ! Et puis, quand elle est partie en vacances avec sa famille, elle m’a donné quinze petits cailloux : "C’est le nombre de jours qu’on sera pas là", qu’elle m’a dit !

(...) "Moi, j’aime bien jouer au Scrabble avec eux, raconte la petite Claire. Ils m’apprennent plein de mots inconnus, ce que ça veut dire et comment ça s’écrit !" De leur côté, les seniors sont ravis que cette petite jeunesse emplisse leurs journées de questions, de rires, de jeux... et même de bêtises !

"Vous savez, dit David avec simplicité, quand on est vieux, les journées sont parfois longues. On pense au passé et, il faut bien le dire aussi à la mort... Mais ici, moi je pense à la vie !"

D’autre part, le séjour au Jardin des aînés coûte moitié moins qu’une maison de retraite classique ! "En tout, ça [leur] revient à 700 euros mensuels par personne, précise Véronique. Et même si pour me faire enrager ils m’appellent parfois "patronne", c’est moi qui suis à leur service ! Eux n’ont qu’à se laisser cajoler, et je le fais de tout mon cœur..."

Mais bien sûr, pour ça, il faut que les pensionnaires aiment les enfants ! "Une fois. raconte Sylviane, nous avons accueilli une dame qui les détestait : elle les chassait avec sa canne ! C’est simple, on l’appelait Tatie Danielle’’... Inutile de dire qu’elle n’a pas fait long feu chez nous !"

C’est "mamie" Henriette qui l’a remplacée et, avec elle, le sourire est revenu... Sa fille, Anne-Marie, qui passe lui faire un coucou tous les deux jours, explique : "Maman est tombée il y a un an. Elle ne pouvait plus vivre seule... Ici, Sylviane s’occupe bien d’eux. On peut passer quand on veut, et comme on n’habite pas très loin, le dimanche, on l’emmène déjeuner chez nous... Des maisons de retraite, j’en ai vues : les pensionnaires n’ont plus l’impression d’être des vraies personnes, on les traite comme des enfants !"

Et d’ajouter, avec un regard plein de tendresse pour sa mère : "Je suis rassurée de la savoir ici.. ." On ne pourrait trouver meilleur certificat pour le Jardin des aînés !

Un modèle qui fera école

À Mauroux, village de 430 habitants niché dans les vignes au-dessus du Lot, le conseil municipal s’est attaqué au problème des maisons de retraite trop pleines, en créant des logements spécialisés ou deux familles d’accueil hébergeaient de trois à six seniors. Un projet soutenu par les HLM locaux, l’État, le Conseil général et la Mutualité sociale agricole du Lot.

Les familles d’accueil, recrutées sur appel d’offre, sont logées (en location) au-dessus des pensionnaires dans un F4. Ça marche si bien, constate Monsieur le maire, que nous projetons de construire cinq autres maisons d’accueil." (...)

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