Vivre la vie d'un Senior

mardi 5 mars 2013

Perspectives d'une vie en bonne santé beaucoup plus longue.




Article de Didier Coeurnelle
Vice-président  de l'AFT Technoprog! et coprésident de Heales (Healthy Life extension Society)

« Nous ne vieillirons pas ensemble »

http://blog.transhumanistes.com/search/label/Immortalit%C3%A9%20biologique

Chaque jour, la mort, la grande faucheuse, fait son travail avec un peu plus de difficulté. En effet, chaque jour nous gagnons environ 6 heures d'espérance de vie. Ces progrès ne sont pas également répartis. Contrairement à ce que beaucoup pensent, c'est dans la plupart des pays du Sud et non pas dans les pays du Nord que les progrès sont les plus rapides. Une étude vient d'être publiée dans le prestigieux magazine médical le Lancet, décrivant l'évolution mondiale de la santé de la population durant ces dernières décennies. Cette recherche est peu médiatisée dans le public francophone comme souvent pour des travaux qui démontrent des évolutions positives. Le lecteur de la presse anglophone y découvrira notamment que dans des pays comme le Bangladesh, l'Iran ou le Pérou, depuis les années 70, la durée de vie moyenne a cru de plus de 20 ans.


En Europe, en 40 ans, nous avons gagné environ 10 années d'espérance de vie. La majorité de ces années sont des années en bonne santé. L'évolution moindre ici est due au fait que, dans les pays les plus riches, la durée de vie moyenne était déjà élevée auparavant et la mortalité infantile était déjà très faible. Les progrès de la santé dans les pays riches se concentrent donc là où les gains sont les plus difficiles: chez les personnes les plus âgées. Mais les avancées sont quand même considérables. La mortalité liée au cancer recule progressivement mais inexorablement.  De manière générale, le taux de survie dans les 5 ans au cancer qui était de plus ou moins un tiers dans les années 70 approche maintenant les deux-tiers dans plusieurs pays d''Europe occidentale. En Belgique une étude récente confirme que le pourcentage de décès dans les 5 années après la découverte d'un cancer  diminue de près d'un % par an. Le cancer du sein, la maladie qui était dans les années 70, un des symboles du mal moderne presque incurable, devient progressivement une maladie chronique non mortelle.

Après-demain, vieillirons-nous encore ?

Au début du 20e siècle, nous étions souvent vieux et en mauvaise santé dès 50 ou 60 ans. Aujourd'hui, c'est plus fréquemment à 70 ou 80 ans. Nous vivons des temps vertigineux dans le domaine de la santé, souvent sans nous en rendre compte.  Les perspectives à moyen ou long terme sont bien plus vertigineuses encore. Elles concernent entre autres :
  • Les nouveaux produits. De par le monde, sur des hommes, sur des souris et sur d'innombrables autres êtres vivants, systématiquement ou involontairement, l'être humain expérimente des millions de produits et méthodes ayant une influence sur la durée de vie. L'observation de ces expérimentations nous permet de découvrir de nouvelles méthodes pour gagner des années de vie en bonne santé mais elle n'est pas encore suffisamment systématique. 
  • Les cellules souches. Une cellule normale de l'organisme ne se divise qu'une cinquantaine de fois. Cependant, certaines cellules de notre corps se reproduisent sans limitation. Ce sont les cellules souches. Les expérimentations d'introduction de ces cellules dans le corps pour régénérer des tissus et des organes se multiplient. Les progrès dans ce domaine peuvent notamment être liés à une meilleure compréhension des mécanismes de régénération chez d'autres êtres vivants. Nous pouvons déjà régénérer naturellement notre peau et une partie de notre foie. Certains batraciens, reptiles et poissons peuvent régénérer des membres entiers.
  • Les thérapies géniques. Le vieillissement est un phénomène d'une complexité extraordinaire qui n'est pas encore pleinement compris. Mais il est certain que des espèces animales très proches ont des durées de vie maximales très différentes. Il est certain également que des individus vivent plus longtemps que d'autres notamment pour des raisons d'ordre génétique. Il est déjà possible d'appliquer des thérapies géniques pour guérir quelques maladies. Les thérapies géniques pour transformer nos cellules en cellules plus résistantes à la vieillesse sont envisageables à terme.
  • Les nanotechnologies médicales. La chirurgie se fait de plus en plus précise et de moins en moins invasive. Mais ce n'est que le début. La combinaison de la médecine, de l'informatique et des nanotechnologies pourraient permettre, un jour, d'introduire dans notre corps, des "nanorobots" capables de nous réparer de l'intérieur en réparant les tissus, détruisant les amas graisseux, attaquant les sources d'infection,... 
  • Le mental ("l'esprit") changeant de corps. A beaucoup plus long terme ou en tout cas dans un futur beaucoup plus hypothétique, il est envisageable que nous soyons capables de transférer notre conscience sur un support informatique. Beaucoup estiment que ce futur est trop disruptif pour être un espoir à court ou à moyen terme.  A court ou moyen terme, faire fonctionner notre "bon vieux corps" de manière améliorée apparaît comme plus souhaitable.
Nous ne vieillirons plus ensemble mais qui vieillira encore ?

Aujourd'hui, comme chaque jour, 100.000 personnes meurent de maladies liées au vieillissement. Il s'agit des deux-tiers des décès de la planète.  Toutes les autres causes réunies de mortalité dans le monde, de la malnutrition aux épidémies en passant par les guerres, le terrorisme, la criminalité, les accidents de voiture, la pollution,... tuent donc deux fois moins.  Tout progrès médical dans les domaines cités plus haut peut permettre de sauver des vies à une échelle inégalée. Ces progrès peuvent être utiles non pas seulement ici et maintenant, dans nos pays riches mais partout dans le monde aujourd'hui et dans le futur.

Cela ne se passera pas sans difficultés. Les maladies cardiovasculaires et les cancers reculent spectaculairement mais la suralimentation et  certaines pollutions sont très loin d'être des phénomènes maîtrisés. De plus, vu la durée de vie plus longue, les maladies neurodégénératives, particulièrement la maladie d'Alzheimer touchent un nombre plus important d'individus. L'évolution des consciences et les  progressions techniques sont en cours mais restent insuffisants pour diminuer rapidement l'impact de ce fléau.

Un jour cependant, sauf catastrophe ou renoncement collectif, nous ne vieillirons plus ensemble. Cela peut signifier que nous ne vieillirons plus du tout ou que seulement certains, les plus pauvres, les malchanceux,... continuerons à vieillir. Pour les progressistes d'aujourd'hui, le droit à la vie est un droit humain fondamental, quel que soit l'origine, l'opinion ou la taille du portefeuille virtuel. Pour que ce soit encore le cas demain, il faudra être "technoprogressiste", exiger que les progrès en matière de longévité continuent à diminuer les inégalités. Concrètement, cela signifie:

  • Faire des recherches en matière de santé une priorité à tous les niveaux. Aujourd'hui, les pauvres meurent plus rapidement de vieillesse que les riches.
  • Financer des recherches scientifiques publiques en veillant à ce que les résultats des recherches soient communiqués largement. Ainsi, les progrès pourront être accessibles au plus grand nombre.
  • Lorsque des recherches sont effectuées sur base de capitaux privés, exiger politiquement, juridiquement et socialement que les résultats soient rendus rapidement accessibles à tous, le cas échéant moyennant une juste rémunération des investisseurs non bénévoles.
Les hommes et les femmes contemporains mènent une vie plus longue, en meilleure santé et avec plus d'accès aux connaissances que jamais dans l'histoire de l'humanité. Le futur n'est pas univoque. Les progressions technologiques comportent des risques considérables, depuis les changements climatiques jusqu'aux risques militaires. Ce qui permet à nos semblables de vivre plus longtemps, d'être plus résilients,  en meilleure santé et plus heureux est souhaitable pour chacun individuellement mais également pour la société dans son ensemble car cela fait de nous des personnes plus interdépendantes et plus soucieuses du futur.

RD

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