Vivre la vie d'un Senior

lundi 2 juillet 2012

Vieillissement : la théorie du désengagement


S'il y a une chose que la plupart des gens, arrivés à l'âge de la retraite, se posent, c'est la question suivante : la retraite, est-ce ça s'inscrit comme un processus normal du vieillissement d'un individu?

Nous allons tenter de décortiquer cette question, en nous appuyant sur le volume de Jean-Luc Hétu, intitulé « Psychologie du vieillissement », chap. 4. qui décrit bien la théorie du désengagement.
 
Voici le cas de Donald Hebb (1979), longtemps rattaché à l'Université McGill et mondialement reconnu pour ses travaux sur l'apprentissage qui faisait, à l'âge de 74 ans les confidences suivantes :

« Pendant 35 ans, mes recherches sur le comportement ont représenté l'intérêt capital de mon existence. (...) Je travaillais six jours par semaine à mon laboratoire... Aujourd'hui, le besoin vital, dévorant, de manipuler des idées et des données psychologiques ne me tenaille plus (...) Dans l'ensemble, je suis désormais un spectateur. » Voilà un exemple de désengagement!

Les recherches sur la théorie du désengagement et de l'activité remontent au début des années soixante. Deux des principaux responsables de ces recherches sont, d'une part, William Henry (désengagement) et d'autre part, Robert Havighurst (activité). Quant à l'autre chercheuse principale, Bernice Neugarten, elle a associé son nom à la théorie de la continuité.

Comprendre le phénomène du désengagement

Le phénomène du désengagement survenant au troisième âge serait un processus de « dé-socialisation » qui correspondrait au phénomène de socialisation vécu au premier âge de la vie.

Durant sa jeunesse, le sujet se socialise, c'est-à-dire qu'il apprend à occuper une place grandissante dans le système social, lequel système est d'ailleurs consentant à lui faire cette place. En somme, c'est de la jeunesse à la maturité que le sujet est le plus socialisé, c'est-à-dire que son niveau d'interactions sociales est le plus élevé.

À la transition de la maturité à la vieillesse, la courbe des activités tendrait selon la théorie à s'infléchir, le sujet en venant à se retirer progressivement, et donc, à se dé-socialiser petit à petit à mesure qu'il avance en âge. Il ralentit le rythme de son travail, déménage dans un logement plus petit, perd de vue certains amis et certaines connaissances, etc.

À la vieillesse, enfin, ce processus de dé-socialisation se déroule jusqu'à son terme. Le sujet devient moins « acteur » et davantage « spectateur » et ceci, jusqu'à ce que la société ait complètement mis fin à ses attentes face au sujet âgé, et jusqu'à ce que ce dernier ait complètement mis fin à ses attentes face à la société.

« Dans toute culture et dans toute époque historique, la société et l'individu se préparent à l'ultime désengagement de la mort par un processus de désengagement social avant la mort, lequel processus est inévitable, graduel et satisfaisant de part et d'autre. Il s'agit d'un double retrait, de la part de l'individu à l'endroit de la société et de la part de la société à l'endroit de l'individu. L'individu désire se désengager et le fait en réduisant le nombre de rôles qu'il joue, en diminuant la variété de ses rôles et de ses relations, et en réduisant l'intensité de ceux qui restent. »

De plus, les relations qui subsistent seraient davantage expressives qu'instrumentales ou fonctionnelles : l'individu désengagé irait spontanément vers des activités directement gratifiantes pour lui plutôt que vers des activités susceptibles de lui apporter quelque chose dans l'avenir.  

Explication du processus de la retraite

Ce processus de désengagement est fonctionnel de deux façons pour la société. D'une part, le désengagement libérerait des emplois pour la génération suivante. Et d'autre part, la marginalisation progressive de la personne âgée permettrait d'éviter que le fonctionnement de la société ne se trouve perturbé par la mort de cette dernière.

Le phénomène du désengagement serait ainsi constitué de deux composantes, soit la composante psychologique ou interne à l'individu et, une composante sociologique caractérisée par l'influence de l'environnement sur le sujet (lequel environnement amènerait le sujet à se désengager si celui-ci ne prenait pas l'initiative de le faire).

Distinctions importantes à retenir

Les auteurs de la théorie font une distinction importante entre activité et engagement :

  • Une activité est un phénomène objectif que l'on peut décrire en termes de différents comportements.
  • Un engagement (engagement versus désengagement) est la même activité, mais enrichie cette fois de la signification positive que cette activité revêt pour le sujet.
Avec le processus « désengagement », est censé correspondre le développement d'une intériorité parce qu'une personne humaine n'est pas seulement un acteur qui interagit avec d'autres acteurs dans un environnement donné. Elle est aussi une entité qui possède sa propre histoire et qui est habitée par ses propres questionnements. Ainsi, le principal enjeu (du désengagement) est la résurgence du focus sur l'intériorité et le déclin de l'importance accordée auparavant aux événements du monde extérieur.

Donc, dès la maturité, et avant que la société ne commence à le marginaliser comme étant « trop vieux », le sujet devient plus passif dans ses façons d'interagir avec son environnement, et il réoriente d'une façon générale son énergie du monde extérieur vers son monde intérieur.

Face à ce phénomène de désengagement, certaines personnes âgées pour manifester de la rigidité personnelle, du fait que des facteurs de personnalité viendraient rendre problématique ce processus de désengagement censé être universel, spontané et gratifiant. On pourra dire, par exemple, que les personnes demeurées actives malgré leur vieillesse (et donc contradissant la théorie) vont quand même se désengager (selon la théorie), mais selon un rythme différent de la moyenne des gens, ou encore selon des modalités pouvant varier selon les lieux et les circonstances.

Désengagement et perception de soi

La façon dont les personnes vieillissantes compte pour beaucoup dans ce processus de désengagement. À mesure qu'un individu vieillit, il enregistre inévitablement des des pertes à différents niveaux : physique (divers déclins ou handicaps), interpersonnel (réduction de son réseau familial et social, principalement par le décès de certains de ses proches) et social (perte de certains rôles, dont celui de travailleur).

Certains seront portés à s'ajuster passivement à ces contraintes et donc à se désengager. d'autres sujets ont à l'inverse une histoire personnelle qui leur a montré qu'ils disposaient d'une certaine capacité d'influencer le cours de cette histoire. Ces personnes se perçoivent donc comme en mesure de trouver des solutions de rechange pour compenser les pertes dont elles font l'expérience, et motivées à investir de leur énergie pour mettre en place ces solutions de rechange. La perception du temps qui nous reste à vivre intervient alors largement dans cette équation.

 Les variables sociales auraient aussi un impact important dans le désengagement des personnes vieillissantes. Selon certaines études, un certain nombre de sujets se désengageraient effectivement, mais parce qu'il devenaient retraités, veufs ou veuves, ou malades, et non pas tout simplement parce qu'ils avançaient en âge.

Ces données portent à croire que ce serait des pertes (en particulier, des pertes de rôles et de santé) qui entraînent le désengagement, et non pas le simple fait de vieillir. Le désengagement ne serait pas  dès lors un phénomène spontané et naturel, et donc recherché par le sujet, mais plutôt un ajustement psychologique à des événements survenant en dehors de la volonté de ce sujet.

 Le principal facteur de personnalité en cause serait la façon dont le sujet a appris à réagir à ses pertes, soit en se retirant, soit en se mobilisant pour les compenser. Certains chercheurs ont trouvé que les sujets qui étaient désengagés à la vieillesse avaient déjà manifestés des tendances dans ce sens lorsqu'ils étaient jeunes adultes.

Finalement...

Résumons quelques données de base :

  • Certaines pertes sont inévitables, à mesure que le sujet vieillit : décès du conjoint, maladies, déclin de la force physique...
  • D'autres pertes pourraient être évitables si la société fonctionnait différemment : mise à la retraite à un âge obligatoire dans certaines sociétés, marginalisation de la personne âgée sous des formes plus ou moins subtiles.
  • La façon dont le sujet réagira à ces pertes (notamment en se désengageant ou pas) est clairement reliée à la personnalité que celui-ci s'est forgée plus tôt dans sa vie.
En vieillissant, la personne ne deviendrait donc pas nécessairement moins impliquée, mais, dégagée d'un certain nombre de rôles sociaux et voyant ses besoins fondamentaux relativement comblés, elle pourrait se faire davantage présente à elle-même. Ce qui ne serait pas le cas de tout le monde. En effet, selon l'Américaine Neugarten (1973) « le désengagement survient à des rythmes différents et selon des patterns différents selon les sujets » et  ce phénomène aussi « exerce un impact différent sur le bien-être psychologique des sujets ».

RD

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