Selon Jean-Luc Hétu, auteur du livre Psychologie du vieillissement, « Pour beaucoup de gens, toute référence à l'âge dans la présentation d'un individu véhicule un stéréotype, que cette référence soit positive, neutre ou négative...
... Mais, quelle que soit la marge de manoeuvre qu'on se laisse en matière de référence d'âge, la question de fond des stéréotypes demeure posée. Il est indéniable, en effet, que dans beaucoup de cas, la mention de l'âge, même faite avec une bonne intention, contribue à ancrer la croyance que sauf l'« exception », le reste des personnes âgées sont affligées de tous les maux...
Stéréotypes dans la population québécoise en 1984
Lyse Frenette, psychologue et Raymond Champagne du Laboratoire de Gérontologie de l'Université du Québec à Trois-Rivières ont recherché la présence de stéréotypes chez 458 sujets interviewés au hasard dans des centres d'achat des villes de Québec, Lévis et Trois-Rivières.
Ces deux chercheurs avaient défini un stéréotype comme « une perception répétée et reproduite sans variation », et ils ont dressé une liste de 18 énoncés présentant de tels stéréotypes.
Les auteurs ont dénoté la présence de 10 stéréotypes dominants sur les 18 présentés aux participants, soit par ordre décroissant :
- Les personnes âgées accordent beaucoup d'importance à la religion;
- Elles sont plus insécures ;
- Elles vivent de leurs souvenirs ;
- Elles sont plus sensibles que les autres ;
- Elles s'attendent à ce que leurs enfants s'occupent d'elles :
- Elles répètent souvent les mêmes choses ;
- Elles prennent beaucoup de médicaments ;
- Elles ont une santé fragile ;
- Elles ont peur de l'avenir ;
- Elles parlent beaucoup.
Québec, une société « agéiste » ?
Les gérontologues emploient le terme « agéisme » pour désigner l'existence de stéréotypes négatifs ou de préjugés à l'endroit des personnes âgées. Parallèlement au racisme ou au sexisme, l'agéisme implique une discrimination réelle ou potentielle sur la base d'une variable non-pertinente. Par exemple, la tendance à conclure qu'une personne donnée est moins intelligente ou moins fiable du seul fait qu'elle est une femme, un noir ou une personne âgée. C'est l'existence de stéréotypes, c'est-à-dire d'images toute faites sur certaines catégories de personnes, qui faussent la perception que l'on a de ces personnes.
Malgré tout, certaines études tendraient à démontrer qu'une bonne partie du problème des personnes âgées est situé dans la tête des plus jeunes et que les personnes âgées se tirent d'affaire beaucoup mieux que les plus jeunes sont portés à le penser. C'est une question très intéressante à creuser dans notre cadre sociétal actuel où il y a un vieillissement accéléré de la population québécoise.
L'avancée en âge serait plus ou moins inconsciemment associée à des « anti-valeurs », par la majorité des adultes, à savoir la perte de la vigueur et de la beauté, de la vivacité intellectuelle, des contacts sociaux, de l'autonomie, et ultimement de la vie elle-même. Et ce sont ces appréhensions à peine conscientes qui affleureraient dans les perceptions distordues des personnes âgées par les plus jeunes.
Les intervenants et les stéréotypes
De nombreuses recherches démontrent que les stéréotypes à l'endroit des personnes âgées seraient aussi fréquents chez les intervenants des services sociaux et des services de santé que dans l'ensemble de la population.
Se sentant perçue comme quelqu'un de malade, impuissant, pessimiste et inquiet, la personne âgée en viendrait alors plus ou moins consciemment à adopter ce rôle de victime impuissante, de manière à obtenir l'attention et les soins qu'elle en attend.
Au-delà des objectifs officiels ou de restauration de l'autonomie des personnes âgées, l'impact des interventions serait alors le contraire de l'effet recherché. On aurait donc ici une autre illustration saisissante de l'effet dévastateur des stéréotypes.
Le vieillissement s'accompagne inévitablement de différentes pertes. Il ne s'agit donc pas de se cacher la réalité pour peindre de la vieillesse une image dorée qui serait aussi déformée que celle qu'évoquent beaucoup de stéréotypes. Dans le fond, il s'agit de nuancer nos jugements de valeur lorsqu'il est question de jauger les personnes âgées.
RD
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