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vendredi 7 avril 2023

Plus de 400 000 aînés québécois sont pauvres

 Article de Michel Girard, Journal de Montréal, 6 avril 2023

Plus de 400 000 aînés québécois sont pauvres | JDQ

Vieillir au Québec avec un revenu décent, ce n’est pas donné à tout le monde.  

Quelque 409 860 personnes âgées de 65 ans et plus vivent avec un revenu inférieur au « revenu viable ». Cela comprend 53 % des personnes vivant seules, soit 284 520 aîné.e.s. Et chez les couples, la proportion de pauvres est de 18 %, ce qui touche 125 340 aîné.e.s. 

 
 
 
Ève-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS

C’est ce que révèlent trois chercheurs de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Ève-Lyne Couturier, Guillaume Hébert et Pierre Tircher, dans leur étude Vieillir au Québec, constats et solutions pour un meilleur système de retraite

Qu’entendent-ils par « revenu viable » ? C’est le revenu que ça prend pour mener une « vie décente », et ce, en fonction de la région que l’on habite au Québec, m’explique Ève-Lyne Couturier.  

Sous le revenu viable

Pour une personne seule, affirme-t-elle, le revenu viable variait en 2022 de 25 000 $ à 35 000 $ par année, selon que l’on a pignon sur rue dans la région de Montréal ou à Sept-Îles. Dans le cas d’un couple de personnes âgées, le revenu viable était d’environ 35 000 $ (notez que ces chiffres seront bientôt révisés à la hausse pour tenir compte de la forte inflation qui sévit depuis plus d’une année). 

En passant, le « revenu viable » est légèrement supérieur de quelques milliers de dollars au seuil de faible revenu défini par Statistique Canada avec sa « Mesure du panier de consommation ». Cela dit, quand votre revenu est à peine supérieur au « revenu viable » ça ne vous permet pas pour autant de sortir de la misère. 

Il ne faut donc pas se surprendre de voir de plus en plus de personnes âgées sur le marché du travail, c’est une simple question de survie financière. 

« Le taux d’emploi des personnes en fin de carrière et des personnes de 65 ans et plus est en croissance constante depuis le début des années 2000. En 2022, plus de 20 % des personnes de 65 à 69 ans étaient en emploi », indiquent les chercheurs de l’IRIS.  

Autre constat majeur : « Des aîné·e·s de toutes les catégories de revenus prennent leur retraite à 65 ans ou plus, mais ce sont celles et ceux qui sont dans les 25 % les plus pauvres qui sont les plus nombreux en proportion à repousser la retraite au-delà de l’âge légal. » 

La protection de base 

Heureusement qu’au Canada, les 65 ans et plus peuvent au moins compter sur un revenu minimum de base pour vivre.  

Je fais bien sûr référence à la Pension de la sécurité de vieillesse (PSV) et au Supplément de revenu garanti (SRG). Actuellement, la PSV rapporte 8292 $ et le SRG 12 385 $ (au maximum), pour un total de 20 677 $ l’an dans le cas d’une personne seule de 65 à 74 ans. Les 75 ans et plus ont droit à une petite bonification de la PSV de 829 $.  

Dans le cas des couples de 65 à 74 ans, le revenu maximum pouvant être tiré de la PSV et du SRG est 31 494 $ (soit une PSV de 8292 $ et un SRG de 7455 $ pour chacun). Les 75 ans et plus bénéficient en plus de la bonification de 829 $ par personne. 

Vous remarquerez que ces deux revenus de base (PSV et SRG) de notre système de retraite rapportent un montant total inférieur au revenu viable déterminé par l’IRIS. 

Comme revenu de retraite additionnel en provenance d’un régime public, s’ajoute la rente du RRQ (Régime de rentes du Québec) dont le montant variera en fonction des cotisations (employés, employeurs) effectuées selon les gains assurables en vertu du régime obligatoire. La rente maximale du RRQ à 65 ans s’élève à 15 679 $ l’an.  

Attention : il est important de noter que le montant du Supplément de revenu garanti (SRG) sera réduit à raison de 50 cents par dollar de revenu du RRQ ou autre revenu excluant la PSV. 

Les régimes privés 

Pour se « payer » une retraite dans des conditions raisonnables, il faut disposer de revenus nettement supérieurs aux revenus provenant de nos régimes publics.  

Les plus chanceux, ce sont les retraités qui bénéficient d’un régime privé de pension d’employeur, comme c’est notamment le cas pour les employés des fonctions publique et parapublique, et des grandes entreprises.  

Ces régimes privés procurent aux 65 ans et plus environ 31 % des revenus de retraite, à comparer à 50 % pour les régimes publics. 

Pour leur part, les REER représentent une « part marginale » avec moins de 10 %.  

Mais cette source de revenus de retraite tirés du privé n’est pas protégée contre l’inflation. 

La solution

Les auteurs de l’étude, Ève-Lyne Couturier, Guillaume Hébert et Pierre Tircher, souhaitent qu’on mette en place un système de retraite semblable à celui du Danemark, qui a, selon eux, « l’un des systèmes de retraite les plus performants grâce à des régimes d’employeurs quasi obligatoires ».  

Ce système danois permet aux retraités d’atteindre un taux de remplacement de leurs revenus de travail qui dépasse 120 % de la moitié du revenu moyen au Danemark ou qui atteint 60 % lorsque le revenu est le double du revenu moyen.  

Afin de combler la faible couverture des régimes de retraite d’employeurs, ici au Québec, le gouvernement a plutôt fait le choix de développer les RVER (régime volontaire d’épargne-retraite), où les employés cotisent pour leur retraite grâce à une retenue sur leur salaire.  

Aux yeux des trois chercheurs de l’IRIS, les RVER sont « des régimes de faible qualité dans lesquels les employeurs ne sont pas obligés de cotiser ». 

Pour améliorer la situation économique à la retraite des travailleurs et travailleuses, ils recommandent de changer les RVER pour rendre obligatoire la cotisation des employeurs et garantir un niveau de prestation aux personnes qui y cotisent. 

Pour terminer, voici une fleur au gouvernement du Québec : l’IRIS salue la stratégie de soutien au revenu qui intègre le travail salarié comme « pilier à la retraite », entre autres, grâce au crédit d’impôt pour prolongation de carrière. 

RD

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