Vivre la vie d'un Senior

vendredi 7 avril 2023

PAS FACILE DE VIEILLIR GAI Dany Turcotte s'intéresse au phénomène

Article de

Dany Turcotte

En vieillissant, les personnes homosexuelles ne savent pas toujours vers quelle infrastructure se tourner. Alors que le programme Pour que vieillir soit gai vise à briser les tabous et l’isolement dans les résidences pour personnes âgées, le travail est long et ardu. 

 Dany Turcotte s'intéresse au phénomène.

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Jean-Paul Séguin a 68 ans. Toute sa vie, il a mené un combat pour cacher son homosexualité dans sa vie professionnelle. Mais aujourd’hui, il n’a plus envie de se battre. Il a juste envie d’être bien, chez lui.

Bien qu’ils soient pratiquement invisibles dans la société, les aînés gais existent bel et bien. Et en vieillissant, ils ne savent pas toujours vers quelle infrastructure se tourner. Plusieurs hésitent à emménager dans une résidence pour aînés, de peur de se heurter aux préjugés de leur propre génération.

M. Séguin habite depuis un an et demi dans le village olympique, où la majorité des 1400 résidents sont des personnes âgées de plus de 60 ans. Mais il s’est rendu compte qu’il n’était pas facile de s’y faire des amis.

«Un jour, je suis allé prendre l’apéro chez un de mes voisins, raconte-t-il. J’ai laissé tombé que j’avais perdu mon conjoint. D’habitude, je dis “ma conjointe”… Eh bien, il ne me parle plus depuis. Et en un rien de temps, tout le monde l’a su.»

Briser les tabous

Laurent McCutcheon, président de la Fondation­­ Émergence, a décidé de s’attaquer au problème en créant la charte Pour que vieillir soit gai, qui a reçu une aide financière­­ du ministère des Aînés en 2010. L’organisme­­ a mis sur pied un programme de sensibilisation auprès des résidents et du personnel des résidences pour personnes âgées. Ce programme vise avant tout à briser les tabous­­, explique M. McCutcheon.

 Plusieurs personnes ne veulent pas affirmer leur orientation sexuelle, de peur des réactions. Et les autres, souvent, n’osent pas les aborder, parce qu’ils ne savent pas comment. Cela crée deux solitudes.»

La sensibilisation vise aussi tous ceux qui travaillent auprès des aînés, d’abord pour qu’ils prennent conscience de cette réalité.

C’est d’ailleurs le manque de formation qui a frappé Line Chamberland, titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM, lorsqu’elle a entrepris une étude sur le sujet, il y a quelques années. «Il y a souvent beaucoup d’ouverture d’esprit de la part des intervenants, mais pas beaucoup de connaissances.»

Contrer l’isolement

Les deux experts s’entendent: la priorité est de lutter contre l’isolement, qui nuit au vieillissement en santé.

«Vieillir, c’est une perte progressive de ses capacités, souligne Laurent McCutcheon. On en arrive à dépendre des autres, parfois pour ses besoins essentiels. Alors, c’est important d’être à l’aise dans son milieu de vie.»

«Ça ne veut pas dire que toutes les personnes âgées sont homophobes non plus, précise Line Chamberland. Elles ont évolué, comme tout le monde. Mais trois ou quatre personnes qui ont un comportement homophobe peuvent suffire pour gâcher le climat.»

Espoir en les jeunes

Jusqu’ici, la Fondation Émergence s’est rendue dans une dizaine de résidences. «Le programme est encore jeune, mais la réception est extrêmement positive», affirme Laurent­­ McCutcheon.

Line Chamberland est optimiste, elle croit que le temps améliorera les choses.

«J’ai plutôt confiance, dit-elle. Je ne sais pas si ça va prendre 20 ou 30 ans… Mais nous avons construit un contexte social différent. Et le jeune de 13 ans, aujourd’hui, ne se souvient même pas de l’époque où les couples de même sexe ne pouvaient pas se marier…»

RD

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