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dimanche 23 avril 2023

Folie pour Ozempic: voici les bons et moins bons côtés de ce nouveau médicament

 Article de Richard Béliveau, Journal de Montréal, 3 avril 2023

Ambassadeurs - Fondation de l'UQTR - UQTR

Un nouveau médicament génère actuellement beaucoup d’enthousiasme pour le traitement du diabète de type 2. Les pertes de poids engendrées sont importantes, mais il est utopique de croire qu’il pourra à lui seul mettre un terme à l’épidémie d’obésité. 

Ozempic® (ou semaglutide) est un peptide qui mime biochimiquement l’action d’une hormone produite par le système digestif, soit le GLP-1. Cette hormone augmente de façon très importante la production d’insuline par le pancréas et joue en conséquence un rôle crucial dans le contrôle de la glycémie. 

Puisque le GLP-1 est inactif chez les personnes atteintes d’un diabète de type 2, on a observé que l’administration de semaglutide permet de corriger l’hyperglycémie chronique chez ces patients, ce qui a mené à son approbation comme médicament antidiabétique.

Effet coupe-faim 

En plus de son effet sur la glycémie, une propriété très intéressante du GLP-1 est de diminuer l’appétit en ralentissant la vidange gastrique ainsi qu’en agissant au niveau de certains circuits neuronaux du cerveau impliqués dans la sensation de satiété.  

Puisque le semaglutide mime l’action du GLP-1, cet effet coupe-faim est également observé chez les personnes traitées avec ce médicament : par exemple, une étude a rapporté que l’administration de semaglutide à des personnes obèses provoquait une diminution de 24 % de l’apport en énergie durant la journée, cette baisse de l’apport calorique étant causée par une diminution de l’appétit et des fringales et à une réduction de l’attirance envers les aliments riches en gras.(1)

Les essais cliniques réalisés par la suite ont montré que cette diminution de la quantité de calories ingérées était associée à des pertes de poids très importantes à plus long terme : par exemple, des personnes obèses traitées pendant 68 semaines perdent en moyenne 15 % de leur poids corporel initial,(2) ces pertes atteignant même 20 % chez près de la moitié des participants.(3)  

Il s’agit de pertes de poids considérables, du même ordre de grandeur que celles typiquement observées à la suite de la chirurgie bariatrique. 

Pour et contre 

Ces données soulèvent l’intéressante possibilité que le semaglutide pourrait représenter un nouveau traitement pharmacologique contre l’obésité. Cependant, avant de trop s’emballer, il faut tout d’abord considérer le pour et le contre de ce nouveau médicament. 

Les aspects positifs 

1. Éviter la chirurgie 

La magnitude des pertes de poids observées à la suite du traitement avec le semaglutide suggère que ce médicament pourrait représenter une option de rechange valable à la chirurgie bariatrique, une procédure invasive qui est beaucoup plus risquée et qui ne donne pas toujours les résultats escomptés. 

Ceci est particulièrement intéressant pour les personnes atteintes d’obésité morbide et qui sont affectées par plusieurs comorbidités, car les pertes de poids de l’ordre de 20 % obtenues par suite du traitement avec le semaglutide sont suffisantes pour diminuer considérablement le risque de plusieurs pathologies associées à l’obésité (diabète de type 2, hypertension, stéatose hépatique, accidents cardiovasculaires, apnée du sommeil).  

2. Retrouver l’équilibre face à la nourriture  

C’est la diminution de l’appétit produite par le semaglutide qui est responsable des pertes de poids obtenues avec ce médicament, ce qui montre à quel point la hausse importante du nombre de personnes en surpoids observée au cours des dernières décennies est causée par une surconsommation de nourriture.  

Notre cerveau, qui s’est développé au cours de l’évolution pour faire face à des conditions de carence en nourriture, cherche constamment à maximiser l’apport en calories et s’oppose farouchement à toute tentative de perdre du poids. 

Ces adaptations ont certainement joué un rôle important dans la survie de notre espèce, mais elles deviennent totalement dysfonctionnelles dans un environnement où il y a une surabondance de calories, comme c’est le cas actuellement.  

Le semaglutide parvient donc à interférer avec ces adaptations physiologiques et peut donc constituer pour les personnes obèses une forme d’autodéfense biochimique face à l’environnement obésogène dans lequel ils se trouvent.


Les aspects négatifs 

1. Effets secondaires

Une proportion assez importante des patients ont rapporté un certain nombre d’effets secondaires, en particulier au niveau gastro-intestinal (nausées, vomissements, diarrhées, constipation). 

Dans les études cliniques, où les patients sont étroitement supervisés, ces effets indésirables ont découragé un nombre assez restreint de personnes (5 %), mais il est probable que dans la « vraie vie », sans soutien continu d’une équipe médicale traitante, ce nombre sera plus élevé.  

Il faut aussi mentionner que les résultats précliniques ont identifié un effet possible du médicament sur la thyroïde et on recommande aux patients qui ont un historique familial de cancer médullaire de la thyroïde ou encore un syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 2 d’éviter ce médicament.  

2. Réversibilité des pertes de poids 

Les données actuellement disponibles indiquent que l’arrêt du traitement au semaglutide mène rapidement à un regain de la majorité du poids initialement perdu.(4) Autrement dit, cela suggère que le traitement de l’obésité pourrait être à vie, un peu comme d’autres pathologies comme l’hypertension ou encore l’excès de cholestérol. 

Ceci est problématique, car, d’une part, on ne connaît pas les effets secondaires à long terme de ce médicament et, d’autre part, les coûts associés à ces traitements prolongés seraient faramineux s’ils étaient administrés à grande échelle. On estime que 28 % de la population adulte québécoise est obèse, ce qui correspond à près de 2 millions de personnes. Puisqu’une année de traitement à Ozempic® coûte environ 6000 $ par personne, le traitement de ces personnes coûterait 12 milliards de dollars annuellement, ce qui est évidemment bien au-dessus des moyens financiers de l’État, pour cette seule condition clinique. 

Il faut donc surtout voir Ozempic® comme un médicament de dernier recours pour traiter les personnes obèses à très haut risque de complications qui découlent du surpoids et non comme un antidote à l’épidémie d’obésité actuelle. La solution à cette épidémie réside beaucoup plus dans la prévention et la gestion du poids santé que dans le traitement pharmacologique. 

En ce sens, il faut absolument tout faire pour endiguer l’obésité chez les enfants et les adolescents. Il est clairement établi qu’il est extrêmement difficile de maigrir une fois que l’obésité s’est installée métaboliquement et il faut donc intervenir très tôt, avant que les jeunes n’accumulent un excès de poids qui les rend à très haut risque de devenir obèses une fois rendus à l’âge adulte. Nous pouvons donc déjà constater les conséquences de notre laxisme individuel et sociétal face à une des pires pandémies de l’histoire, celle de l’obésité.

SOURCES :

(1) Blundell J et coll. Effects of once-weekly semaglutide on appetite, energy intake, control of eating, food preference and body weight in subjects with obesity. Diabetes Obes. Metab. 2017; 19: 1242-1251.
(2) Wilding JPH et coll. Once-weekly semaglutide in adults with overweight or obesity. N. Engl. J. Med. 2021; 384: 989-1002.

(3) Wadden TA et coll. Effect of subcutaneous semaglutide vs placebo as an adjunct to intensive behavioral therapy on body weight in adults with overweight or obesity. JAMA 2021; 325: 1–11.
(4) Wilding JPH et coll. Weight regain and cardiometabolic effects after withdrawal of semaglutide: The STEP 1 trial extension. Diabetes Obes. Metab. 2022; 24: 1553-1564.

    RD    

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