Vivre la vie d'un Senior

mardi 28 avril 2020

La peur de finir au CHSLD

Article de BRIGITTE BRETON, Le Soleil, 25 avril 2020

Brigitte Breton (@b_breton) | Twitter


CHRONIQUE / Nous vieillissons tous et ce n’est sûrement pas seul, sale, déshydraté, affamé et infecté par un virus que nous voulons finir nos jours. Nous avons donc tous intérêt à ce que le traitement réservé aux personnes âgées en perte d’autonomie soit revu et amélioré. Un jour, ce sera notre tour.  

Je reprends une vieille formule publicitaire de Loto-Québec, mais personne ne rêve de gagner à cette loterie de la vie et de passer ses dernières années dans un CHSLD ou une résidence pour personnes âgées en perte d’autonomie.

C’était vrai avant que la ­COVID-19 frappe. Encore plus depuis que les décès s’additionnent et que le premier ministre multiplie les appels à l’aide pour ces supposés milieux de vie.

Ce n’est pas «un peu gênant», comme le disait cette semaine François Legault, mais bien «très gênant» et inacceptable ce qui se passe dans les centres d’hébergement et les résidences de personnes âgées durant cette crise sanitaire.

Est-ce que la démonstration est assez claire pour que nous cessions de fermer les yeux et de «patcher», alors que de gros travaux s’imposent depuis longtemps?

«La démographie, c’est comme la marée : très prévisible», indiquait cette semaine dans une lettre Michel Clair, ancien ministre péquiste, ex-président de la Commission sur l’avenir du réseau de la santé et des services sociaux et présidant du conseil d’administration de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec.

Il y aura l’an prochain plus de 200 000 personnes de 85 ans et plus au Québec, 400 000 en 2035 et 700 000 en 2050. «Où est le plan?» demande celui dont la commission a recommandé en 2000 la création d’une assurance contre la perte d’autonomie. Le gouvernement Marois et son ministre Réjean Hébert avaient poussé un projet similaire en 2013.

En entrevue téléphonique, M. Clair déplore que Québec achète des places d’hébergement comme s’il achetait de la «garnotte».

La crise passée, il sera tentant de faire preuve d’amnésie collective et d’attribuer uniquement à la COVID-19 la désorganisation et le manque de soins exposés durant cette période. De se dire aussi que d’autres provinces et d’autres pays n’ont pas fait mieux, et que des établissements ont réussi à contrôler la pandémie.

Le risque est grand que le sort des personnes âgées vulnérables passe une fois de plus en second. Comme s’il était impossible qu’un jour, ce vieil homme atteint d’Alzheimer ou cette vieille femme dépendante des autres pour tout, ce soit nous.

Et pourtant, 60 % des individus devront composer avec une perte d’autonomie.

Le premier ministre a affirmé mercredi qu’une fois la crise réglée, il va falloir «qu’on s’assure qu’on traite beaucoup mieux nos aînés. […] je veux qu’on soit fier de toute la société québécoise, incluant la façon dont on traite nos aînés dans les CHSLD».

Est-ce enfin l’expression d’une volonté politique qui fait cruellement défaut depuis des décennies au Québec?

La création de maisons des aînés était la principale proposition de la Coalition avenir Québec aux dernières élections. M. Legault est-il prêt à investir davantage, à se relever les manches, comme il le dit, pour s’occuper des personnes qui ont bâti le Québec? Souhaitons-le.

L’an dernier, 48 heures après la mort d’une fillette à Granby, M. Legault a annoncé la création d’une commission d’enquête en protection de la jeunesse. Il souhaite un avant et un après-Granby.

Un exercice similaire s’impose-t-il après la mort de centaines de personnes âgées dans les CHSLD et les résidences? Un avant et un après COVID-19?

Interrogé jeudi sur la possibilité d’une enquête publique sur la gestion des CHSLD, le premier ministre a répondu qu’il n’excluait rien. Il a également signalé que lorsqu’il manque 9500 personnes dans le réseau, la situation est très tendue.

Le désir est bien sûr grand d’identifier des coupables. Une commission d’enquête n’est cependant pas un procès. Personne ne se retrouvera derrière les barreaux.

Des poursuites devant les tribunaux alors? En 2013, Québec a dû verser 7 millions $ en dédommagements à des résidents maltraités du CHSLD Saint-Charles-­Borromée. Le problème persiste.

Les lacunes dans les services et les soins, tant à domicile, en centre d’hébergement, qu’en résidence privée pour aînés, sont très bien documentées. Les rapports de commissions, de consultations publiques, de vérificateur général, de protecteur du citoyen, de coroner s’empilent.
Faut-il vraiment un autre rapport d’enquête pour se doter d’un véritable plan pour faire face au vieillissement de la population et prévoir enfin un financement adéquat?

Malgré ses vertus, une commission d’enquête peut s’avérer un moyen pour un gouvernement de gagner du temps et de ne rien faire.

Pour Michel Clair, se mobiliser rapidement, établir un consensus social et se doter d’une stratégie à long terme pour prendre soin des aînés en perte d’autonomie est prioritaire.

RD

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