Article de Jean-Pierre Després, Journal de Québec, 28 janvier 2018
Jean-Pierre Després est professeur au Département de kinésiologie de
la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il est également
directeur de la recherche en cardiologie à l’Institut universitaire de
cardiologie et de pneumologie de Québec. Depuis 2015, il est directeur
de la science et de l’innovation à l’Alliance santé Québec.
Dans les années 50, le tueur numéro un en Amérique du Nord était de loin les maladies cardiovasculaires.
Infarctus, accidents vasculaires cérébraux, morts subites... même
le président américain Eisenhower, qui avait pourtant à l’époque accès
aux meilleurs soins, avait été mis au repos forcé pendant des semaines
lorsqu’il avait eu son premier infarctus durant une partie de golf. Peu
de traitements étaient alors disponibles et on ne connaissait même pas
les principales causes de ces maladies.
Un demi-siècle plus tard, la médecine cardiovasculaire a fait des
progrès spectaculaires. Les chirurgiens cardiaques et les cardiologues
sont capables, par différents traitements et procédures, de soulager les
symptômes et de sauver des vies. On meurt donc de moins en moins
prématurément des maladies cardiaques.
Le chirurgien cardiaque peut faire des pontages aorto-coronariens,
remplacer des valves cardiaques malades et réparer des anomalies de
structure.
Le cardiologue hémodynamicien peut, entre autres, déboucher des
artères avec un petit guide qu’il passe dans une artère de l’avant-bras
et poser des tuteurs pour rétablir rapidement la circulation cardiaque
et ainsi littéralement sauver le muscle cardiaque de la mort cellulaire,
ce qui était auparavant un grave problème.
Recherche et prévention
De plus, la recherche a permis d’identifier des facteurs associés
au développement de la maladie. Certains de ces facteurs ne sont pas
modifiables (âge, sexe, hérédité), mais plusieurs d’entre eux le sont,
comme le tabagisme, le cholestérol sanguin, l’hypertension et le
diabète. Votre médecin de famille est bien entraîné pour mesurer et
traiter le cholestérol, l’hypertension et le diabète. Cependant, il est
plutôt démuni lorsque vient le temps de mesurer votre mode de vie, comme
votre alimentation et votre niveau de sédentarité et d’activité
physique.
C’est sur ce dernier point que des progrès spectaculaires ont été
réalisés en cardiologie préventive. En effet, des travaux récents
largement stimulés par une organisation de cardiologie américaine
influente (l’American Heart Association) ont montré qu’afin de prédire
la survenue d’accidents cardiovasculaires, notre mode de vie (incluant
l’alimentation et l’activité physique) était aussi important que le
cholestérol, l’hypertension et le diabète.
Bien qu’il s’agisse d’une véritable « révolution tranquille » en
cardiologie, est-ce que la médecine s’est ajustée à cette science
récente et mesure dorénavant la qualité de notre alimentation et notre
niveau d’activité physique ? Malheureusement pas. Et ce n’est pas la
faute des médecins. Même si plusieurs d’entre eux croient en
l’importance du mode de vie sur la santé, ils ne sont pas formés ni
outillés pour le faire.
Questionnaire
Pourtant, si les comportements sont des facteurs importants dans
l’évaluation de votre santé cardiovasculaire, il faudrait bien les
mesurer. Par exemple, avant de déterminer si vous faites de
l’hypertension, on doit évidemment mesurer votre tension artérielle.
Comment savoir si vous devez améliorer votre alimentation si nous
n’avons pas d’outils pour en mesurer, au départ, la qualité ? Il en est
de même pour le niveau d’activité physique.
À l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de
Québec, nos travaux de recherche ont permis de tester la valeur ajoutée
de la mesure de la qualité nutritionnelle par un questionnaire court et
simple. De la même manière, nous mesurons le niveau d’activité physique
avec un court questionnaire développé par nos collègues anglais de
l’Université de Cambridge.
Si ces deux outils étaient implantés en médecine familiale,
ceux-ci nous permettraient de cibler deux éléments clés de notre mode
vie qui ont un impact profond sur notre santé cardiovasculaire. La
médecine cardiovasculaire préventive est prête : est-ce que notre «
système de santé », actuellement plus curatif que préventif, l’est ?
RD
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