Vivre la vie d'un Senior

jeudi 22 mars 2012

Appellation « Senior» ou personne âgée

OPINION de Christian Dufour, mars 2012

Un des dilemmes existentiels de mes dernières années fut la fois où, rendu au guichet de la station de ski du Massif de la Petite-Rivière-Saint-François, j’ai réalisé que je me qualifiais pour les rabais accordés prématurément aux seniors.

Le prix à payer pour économiser quelques piastres était de devoir exhiber toute la journée un billet avec « SENIOR » écrit en grosses lettres. Ouais… J’ai cédé…la deuxième fois. Je ne suis pas sûr que je l’aurais fait si vite si cela avait été écrit « AÎNÉ ».

J’ai horreur des « aînés »! De cette désignation sirupeuse, hypocrite et infantilisante qui nous ramène à l’époque où on était encore des enfants. Je préfère gens âgés, seniors, vieux, retraités, passés date, en attente de centre d’accueil. Tout sauf aînés….

C’est comme l’âge d’or. Ma mère était une femme qui a eu la chance de rester lucide jusqu’à sa mort à 80 ans, on ne lui en faisait pas accroire. Elle avait l’habitude de dire : « Tu sais, mon garçon, la vie est bien mal faite. On commence à comprendre comment ça marche, on est mieux dans sa peau. Et c’est là que la carcasse commence à lâcher. »

Je suis assez vieux pour confirmer que maman avait raison. Inutile de dire qu’elle trouvait le concept d’âge d’or insignifiant.

Avez-vous remarqué que, dans les sondages de popularité des ministres, c’est toujours Marguerite Blais qui arrive première? J’ai pensé un temps que c’était à cause de ses petites lunettes fancys.

Mais se pourrait-il que ce soit plutôt qu’elle est responsable des aînés? Comme si on ne pouvait qu’aimer un ministre responsable des aînés.

Un qui l’a compris, c’est Stephen Harper. Alors qu’il défendait sa maladroite remise en question du programme fédéral de pension de vieillesse (vous avez bien lu : vieillesse!), il n’en avait que pour nos aînés par ci, nos aînés par là, que l’on appréciait tellement, qui avaient tant travaillé, à qui on devait tout. ..

Je sais qu’il va falloir me faire à cette appellation omniprésente maintenant que j’y suis mais, quand on parle des aînés, j’ai encore l’impression que l’on baisse la voix pour ne pas m’effrayer. Je sens venir le Jello et le manger mou.

Place réservée

Je me demande s’il ne serait pas sage de réserver dès maintenant ma place à la Résidence Sommeil…

Pour la première fois, j’enseigne cette année à un étudiant qui est aveugle. Pas un mal voyant. Non! Un aveugle. Un vrai.

Il préfère ce terme à non voyant. Un non voyant, c’est plus négatif quand on y pense, cela ne voit rien. Alors que j’imagine qu’un aveugle voit à sa façon quelque chose.

Moi, en tout cas, je le vois, assis dans la première rangée, entouré de l’affection de ses camarades. Je ne me demande plus pourquoi je donne le cours.
Sa tranquille détermination fait de l’ombre à mes futiles problèmes d’aîné gâté…

C’est fait : j’ai prononcé la maudite appellation à mon sujet. Je ne crois pas que mon étudiant, lui, se fera un jour appeler un aîné.

Pourquoi ne pas dire senior à la place? Je le sais, c’est anglais. Mais tout sauf aîné…

RD

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