Quel que soit notre âge, nous devrons apprendre à vivre avec la solitude. Selon le psychologue Yvon Dallaire[1], « avant d’être heureux à deux, il faut savoir être heureux tout seul. »
Il existe peu de certitudes dans la vie. La mort constitue la première des certitudes et tous voudraient bien l’éviter, mais elle est inexorable. Une autre certitude que tous, ou presque, cherchent aussi à fuir est le fait que nous sommes condamnés à vivre.
Nous sommes assurés de passer le reste de notre vie avec nous-mêmes. Moins nous nous aimons, plus nous recherchons l’amour de l’autre, des autres, comme si le fait de trouver l’« âme-soeur » pouvait nous sortir de la solitude. Or, il n’y a pire solitude que celle que l’on peut vivre à deux.
Nous sommes seuls, et le plus tôt nous l’acceptons, le plus tôt nous pouvons apprendre à vivre heureux avec nous-mêmes, en devenant pour nous notre meilleur ami, notre meilleur amoureux. Nous aimant, nous aimantons les autres.
Pour trouver l’autre, il faut donc partir à la recherche de soi. Or, cette recherche ne peut se faire que dans le silence. Certes, des moments de fusion passionnelle peuvent parfois exorciser notre solitude et surtout notre peur de la solitude, mais la passion ne dure jamais qu’un temps et nous retrouvons immanquablement notre solitude, notre état étant d’être unique, donc seul.
Nous sommes toujours seuls et le serons toujours à l’intérieur de nousmêmes. Chacun naît seul, vit seul et meurt seul. La réelle maturité débute le jour où l’on se sent l’auteur et l’acteur de son existence, le jour où l’on cesse de faire porter la responsabilité de sa vie sur autrui, le jour où l’on n’attend plus rien d’autrui, mais où l’on profite de tout ce que l’on possède et de ce qu’autrui nous offre.
Le jour où je considère mon partenaire comme un invité dans ma vie et que je me considère comme tel pour l’autre peut être le jour où le véritable bonheur conjugal prend place. Pourtant, la majorité des gens paniquent à l’idée de vivre seul, car, pour eux, solitude égale isolement ou enfermement, alors qu’elle est plutôt une ouverture sur la vie intérieure et la créativité. C’est pour fuir l’isolement que les gens vont dans des églises ou des discothèques, s’impliquent socialement, regardent la télévision, écoutent la radio…
Jacqueline Kelen, rencontrée un jour en Belgique, confirma toutes mes intuitions concernant la solitude. Cette rencontre me donna le goût de lire son livre (1) et d’écrire cette chronique. Elle y présente la solitude comme un véritable trésor et un état d’esprit. Pour elle, « la solitude est un cadeau royal que nous repoussons parce qu’en cet état, nous nous découvrons infiniment libres et que la liberté est ce à quoi nous sommes le moins prêt ».
Pourtant, impossible d’être heureux à deux si nous ne sommes pas heureux seul. Quel paradoxe de demander à quelqu’un d’autre de faire pour nous (nous rendre heureux) ce que nous ne faisons pas pour nous-mêmes. Comment voulez-vous que quelqu’un nous aime si nous-mêmes ne nous aimons pas ?
Je ne parle pas ici de narcissisme, véritable contemplation autosuffisante de soi-même. Je parle d’estime de soi, de cette estime et cette confiance en soi qui nous convainquent que nous avons le droit au meilleur de ce que la vie peut nous apporter, dont entre autres la présence d’une personne qui nous aime et que l’on aime, et que nous pouvons obtenir si l’on s’en donne réellement la peine.
RD
[1] Yvon Dallaire, Article du Journal de Québec, « L’éloge de la solitude », 31 octobre 2010.
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