(Québec) « Ce n’est pas parce qu’on ne me voit pas physiquement que je ne suis pas là ! » Pratiquement absente de la sphère publique depuis l’horreur du CHSLD Herron, la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, défend sa gestion de crise et assure ne pas avoir été écartée du centre des décisions.
« Mes
énergies, j’essaie de les mettre à essayer de sauver des vies pas mal
plus qu’à écouter ceux qui disent que je ne suis pas là. » Au bout du
fil, la ministre Blais répond à la critique avec aplomb. « Mon but,
c’est d’être dans l’action, je n’ai pas besoin d’être tous les jours à
l’Assemblée nationale » au point de presse du gouvernement,
poursuit-elle en entrevue avec La Presse.
D’abord
en isolement pour donner l’exemple, Marguerite Blais, qui aura 70 ans
en septembre, s’est effacée de l’œil médiatique après avoir participé à
une conférence de presse aux côtés du premier ministre, le 13 avril
dernier, dans les jours suivant le drame du CHSLD Herron, où au moins
30 personnes sont mortes.
Elle
avait été talonnée durement alors que le Québec découvrait les
conditions déplorables dans lesquelles les résidants du CHSLD avaient
été laissés.
Après Herron, j’ai pris une
décision. Il y avait [déjà] un trio à l’Assemblée nationale, et puis,
il fallait que je sois dans l’action, que je sois capable de répondre
aux différents groupes.
Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés
« On est trois ministres à la Santé et aux Services sociaux [Lionel Carmant, Marguerite Blais et Danielle McCann]. Mme McCann,
elle porte le dossier. C’est la ministre de la Santé et des Services
sociaux, c’est tout à fait logique [qu’elle soit là]. C’est le contraire
qui aurait été un peu illogique », affirme-t-elle.
C’est
donc dans l’ombre qu’elle a choisi d’agir, explique-t-elle. Il s’agit
par ailleurs de sa décision, dit-elle. Dès 7 h, elle participe à un
appel téléphonique en compagnie de Mme McCann, du ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, et du
directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, notamment.
« On
ne me voit pas, mais on m’entend. L’important, c’est d’être capable de
travailler et de faire passer des consignes », ajoute-t-elle, en
soutenant que « les décisions se prennent ensemble ». Elle fait aussi le
point avec le Dr Quoc Dinh Nguyen, médecin gériatre nommé « conseiller spécial », et le bureau du premier ministre.
« C’est un feu roulant, c’est presque 24 heures sur 24 », assure-t-elle.
« Ça me fâche tellement »
Au
moins 4400 patients « vulnérables » sont atteints de la COVID-19 dans
280 résidences pour personnes âgées. Les morts s’y comptent par
centaines. Le 30 avril, on dénombrait 1290 morts de résidants en CHSLD
et 308 en résidences. « Ça me fâche, ça me fâche tellement que ça me
donne le courage de continuer. »
Elle
tient à offrir ses sympathies aux familles endeuillées et soutient que
son gouvernement fera « tout ce qu’il peut pour sauver le plus de vies »
possible.
Mais
n’auriez-vous pas pu faire mieux en amont alors que le problème des
CHSLD était connu depuis des années ? Marguerite Blais, qui a été
ministre responsable des Aînés dans le gouvernement libéral de Jean
Charest de 2007-2012, refuse de porter le blâme pour la situation vécue
actuellement dans les CHSLD et souligne le caractère exceptionnel de la
pandémie de COVID-19, sans pitié pour les aînés de par le monde.
Mme Blais
admet néanmoins qu’il y a eu un manque sur le plan de la disponibilité
du matériel de protection dans les résidences au début de la crise.
« On a manqué de matériel, ça, on le sait », dit-elle.
Elle
croit aussi que le déplacement du personnel entre établissements – qui
est encore difficile de contrôler à Montréal – a forcément eu un effet
important. « Il a fallu passer des consignes pour dire que ça prenait du
personnel dédié. […] Le personnel n’avait pas l’habitude de faire ça.
Ce n’est pas simple de changer la culture organisationnelle, je peux
vous le dire », a-t-elle expliqué.
Maisons des aînés
La
ministre estime néanmoins que la pandémie « va changer l’ordre des
choses » pour l’avenir. Le gouvernement Legault a déjà fait valoir qu’il
allait accélérer la mise en œuvre de son projet de « maisons des
aînés ». À ce sujet, Mme Blais promet que l’objectif demeure le même et que les premières maisons seront ouvertes d’ici 2022.
En
novembre dernier, Québec a annoncé la création de 2600 places dans ses
nouvelles « maisons des aînés », projet estimé à 2,6 milliards. « Avec
la COVID-19, on a arrêté de faire des annonces […], mais le travail
continue. On a l’argent, ce n’est pas comme si on était obligé d’aller
se faire dédouaner au Conseil du trésor », ajoute-t-elle.
Elle
croit que des projets de rénovation de CHSLD aboutiront plus vite, au
terme de la pandémie. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement
promet d’améliorer la qualité de vie en CHSLD, convient Mme Blais.
« On a un soutien indéniable. Ce n’est pas juste la ministre des Aînés
qui veut faire avancer les choses, c’est l’ensemble des collègues du
Conseil du trésor », assure-t-elle.
« Le
gouvernement était déjà extrêmement sensible » à la cause. « Il faut
que, collectivement, on se mette à aimer nos aînés et nos personnes
vulnérables, conclut Mme Blais. Ça fait des années qu’on
aurait dû reconstruire des CHSLD, qu’on aurait dû faire [les choses]
différemment. On ne peut pas rebâtir Rome en un jour. »
RD
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