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dimanche 1 décembre 2019

Le Québec se dirige vers « une crise permanente du logement », selon l’IRIS

Article de Romain Schué, Info-Radio-Canada, 27 juin 2019



Affiche « à louer » sur un balcon.
Les logements à louer se font rares à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

 Trouver un logement actuellement, pour les familles n'appartenant pas à une classe moyenne élevée, s'avère une mission « quasi impossible », affirme l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS). Ce dernier s'inquiète de l'évolution à la hausse des loyers moyens et du faible taux d'inoccupation dans l'ensemble de la province. 

Au cours des deux dernières années, le taux d’inoccupation moyen, soit le nombre de logements locatifs disponibles sur le marché québécois, est passé de 4,2 % à 2,3 %. Un seuil de 3 % est favorable à une « situation d’équilibre », précise l’IRIS dans son rapport intitulé Vers une crise permanente du logement.

Les situations les plus criantes se trouvent à Montréal, Gatineau et Rouyn-Noranda, détaille cet institut de recherche sans but lucratif, qui se définit comme indépendant et progressiste.

Dans ces trois villes, le taux d’inoccupation [en 2018] était respectivement de 1,9 %, 1,2 % et 1,2 %. Par ailleurs, dans l’ensemble de la province, depuis 2000, le prix moyen des loyers a augmenté de 9 %, une fois annulé l’effet de l’inflation.

« C’est comme si deux crises du logement commencent à se rencontrer en même temps », affirme le chercheur Philippe Hurteau, auteur de l'étude.
Il y a une crise d’accessibilité, car il n’y a pas assez de logements disponibles pour combler les besoins, et une crise d’abordabilité. On voit poindre la même chose qu’au début des années 2000. Philippe Hurteau, chercheur à l’IRIS

Les familles les plus touchées

Les logements comprenant trois chambres et plus sont les plus touchés. Il est de plus en plus difficile d’en trouver, et une « pénurie plus critique » est évoquée à Montréal.

Dans la métropole, moins de 1 % de ces logements familiaux sont disponibles, et leur loyer moyen est supérieur à 1000 $, ce qui rend presque impossible de trouver un logement pouvant accueillir convenablement les ménages avec enfants, peut-on lire dans le rapport.

Pour se procurer un tel logement, les familles doivent consacrer au loyer près d’un quart de leur revenu réel moyen, avant impôts, souligne l’IRIS. C’est sans compter les assurances ou l’électricité. C’est une tendance qui est à la hausse, ajoute Philippe Hurteau.

« Pour une famille avec de faibles revenus, se loger sans baisser sa qualité de vie ou sans se priver d’autres besoins, c’est mission quasi impossible. Ce n’est pas réaliste », reprend Philippe Hurteau, qui y voit l’une des explications de l’exode des ménages montréalais vers les banlieues.
Il faut avoir des revenus conséquents pour acheter sur l’île de Montréal. L’option de rechange restait la location, mais il n’y a plus de logements disponibles, et ça coûte extrêmement cher. Ça explique pourquoi Montréal a des difficultés à garder des familles.
Philippe Hurteau, chercheur à l'IRIS

Québec annonce un « programme d’aide d’urgence »

Le gouvernement a décidé mercredi de « fournir plus d’outils aux offices d’habitation pour venir en aide aux personnes à la recherche d’un logement en cette période de l’année ».

Dans un communiqué, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a indiqué avoir réactivé le programme d’aide d’urgence datant de 2005, et visant les ménages sans logis et les municipalités connaissant « une pénurie de logements locatifs pour des raisons exceptionnelles. 
  », dont le taux d’inoccupation est inférieur ou égal à 2 %.

Les mesures mises en place :
  • 75 unités de supplément au loyer d’urgence qui permettront à 75 ménages admissibles de débourser seulement 25 % de leur revenu pour se loger.
  • Octroi de subventions aux municipalités pour le remboursement d’une partie des dépenses, notamment pour l’hébergement temporaire de certains ménages, leur déménagement ou l’entreposage de leurs biens.
  • Octroi de subventions aux municipalités qui choisiront d’adopter une aide d’urgence complémentaire pour accompagner les ménages qui en feront la demande.
La moitié « des dépenses admissibles faites pour offrir des services d’urgence aux ménages sans logis » pourront être remboursées aux municipalités, précise Québec, voire la totalité « dans des circonstances de sinistre majeur ».

Andrée Laforest.
La ministre Andrée Laforest
Photo : Radio-Canada

L’IRIS propose d’interdire Airbnb

Pour tenter de remédier à cette situation, l’IRIS propose d’instaurer, à l’échelle de la province, des quotas de logements sociaux dans tous les nouveaux projets de construction. Cette idée a déjà été mise en place par Montréal dans le cadre de sa nouvelle politique d’habitation.

« Québec ne semble pas vouloir apprendre de ses erreurs », écrit l'Institut, en critiquant un financement de logements sociaux qui « a vite été sacrifié » dans les années 1990, ce qui a provoqué « la crise des années 2000 ».

L’IRIS demande aussi au gouvernement d’étudier la possibilité, pour certains grands centres régionaux, de se porter acquéreur de terrains vacants en égalant, lors de la vente, les offres d’acheteurs privés. À Montréal, la Ville dispose déjà de ce pouvoir.

Par ailleurs, l’institut de recherche aimerait étendre les pouvoirs de la Régie du logement, qui pourrait, selon l’IRIS, imposer un plafond à la hausse des loyers. Un registre québécois des baux est également réclamé pour pouvoir contester les hausses abusives, assure Philippe Hurteau.

Cette idée est vue d’un bon œil par le cabinet de la ministre de l’Habitation. « Nous ne sommes pas contre la possibilité de mettre en place différents mécanismes pour faciliter l’accès à des données fiables en matière de baux, mais nous souhaitons dans un premier temps consulter les différents regroupements de locataires et de propriétaires afin d’avoir leur avis sur la question », précise une porte-parole d’Andrée Laforest.

L’IRIS évoque aussi l’idée d’interdire toute location commerciale de type Airbnb. Québec a de son côté déjà prévu d’encadrer de telles plateformes en obligeant les propriétaires à obtenir un numéro d’enregistrement, afin d’éviter les abus.

Un aperçu de l'application Airbnb sur une tablette.
Les locations commerciales de type Airbnb retirent des logements locatifs du marché, explique l'IRIS.
Photo : Getty Images / John MacDougall

La faute à une « inaction » des derniers gouvernements, dénonce Québec solidaire

Mercredi, dans le cadre d’une conférence de presse, le député de Québec solidaire (QS) Andrés Fontecilla a quant à lui évoqué une « crise » du logement qui serait « à nos portes ». Le gouvernement, a-t-il ajouté, ne peut plus le nier.

Nous en sommes là, car les gouvernements se sont succédé dans leur inaction en matière de logement social, a clamé le député montréalais, en ajoutant que des gens plus vulnérables risquent l’itinérance.

Selon l'élu de Laurier-Dorion, plus de 200 familles – dans l'ensemble de la province – sont toujours à la recherche d'un logement à quelques jours du 1er juillet.

Les propriétaires privilégient la « qualité de vie », dit la CORPIQ

Du côté de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), la difficulté des familles à se loger à Montréal serait « logique », selon Hans Brouillette, porte-parole de l’organisme.

Un rez-de-chaussée, c’est idéal pour les familles, mais les loyers sont chers, car la superficie est conséquente. Ces grands logements existent, ils sont prisés, mais ils peuvent aussi être utilisés à d’autres fins. Ils peuvent être transformés ou alors loués à des colocataires, explique-t-il.
Selon ce dernier, les propriétaires ont aussi, à présent, l’embarras du choix.
Avant, un propriétaire se retrouvait à louer à un locataire avec un dossier de crédit peu reluisant. Depuis deux ans, ça a changé. Un propriétaire va prendre un risque moindre, car il y a une plus forte activité.
Hans Brouillette, directeur des affaires publiques de la CORPIQ
Désormais, assure Hans Brouillette, les propriétaires privilégient « la qualité de vie ».
Ils ne veulent plus gérer de problèmes, dit-il. Ils préfèrent attendre d’avoir le locataire idéal, quitte à laisser un étage libre, pour ne pas se retrouver avec un locataire qui ne paie pas ou endommage le logement. 
 
RD

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