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dimanche 26 mai 2019

Vous avez dit « signes religieux »

Article de Fatima Houda-Pepin, Journal de Québec, 26 mai 2019


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Plusieurs avaient été surpris, le 9 mai dernier, quand j’avais déclaré, lors de mon intervention en commission parlementaire sur le projet de loi 21, Loi sur la laïcité de l’État, qu’il n’existe pas de « signe religieux » en islam.

En effet, aucune source autorisée, à savoir le Coran et les Hadiths du prophète, ne parle de « signe religieux » et encore moins du voile comme l’expression symbolique de cette religion.

Un sacrilège

Même chez les théologiens fondamentalistes qui tordent le cou aux versets coraniques pour leur faire dire ce qu’ils ne disent pas, afin d’imposer le voile aux musulmanes comme « obligation religieuse », ils sont les premiers à se hérisser quand ils voient un fichu élevé en symbole de leur religion.

Dans le tumulte entourant le projet de loi sur l’interdiction des signes religieux dans les écoles publiques, en France, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait effectué un voyage en Égypte, le 30 décembre 2003, pour chercher appui auprès des autorités religieuses de la prestigieuse Université Al Azhar.

Il espérait leur arracher une déclaration qui apaiserait les tensions au sein des musulmans de France, à la veille de son adoption, le 10 février 2004.

Quelle ne fut pas sa surprise quand il s’est fait rappeler à l’ordre sur les fausses représentations que l’on se faisait de l’islam en Occident ! En effet, le Dr Ali Jumâa, mufti d’Égypte et membre de l’Académie de recherches islamiques n’a pas manqué de lui exprimer sa désapprobation. Le voile, dit-il, « n’est en aucun cas un signe religieux ».

Un avis confirmé par son prédécesseur, l’ancien mufti d’Égypte, Dr Farid Ouassil, qui a tenu à remettre les pendules à l’heure : « Nous ne pouvons accepter que l’on présente le voile comme un signe religieux. »

Quand on sait que dans l’islam sunnite majoritaire la simple représentation visuelle du prophète Mohamed est interdite et qu’elle peut parfois provoquer une tragédie, comme celle de Charlie Hebdo, on peut comprendre que pour des théologiens gardiens de l’orthodoxie islamique, élever un fichu au rang de symbole de leur religion, c’est quasiment un sacrilège.

Et l’interdiction ?

Alors si « le voile dit islamique » n’est pas un « signe religieux », peut-on en interdire le port par voie de législation en Occident ?

Le Grand Mufti d’Al Azhar et interprète officiel du droit musulman, Mohamed Tantaoui, avait répondu par l’affirmative à Nicolas Sarkozy, non pas que le voile soit un « signe religieux », mais parce que le musulman vivant en Occident doit se conformer à la loi de son pays d’adoption, incluant la laïcité.

« Le musulman est tenu de se plier aux lois du territoire où il vit », lui avait-il déclaré. (La Croix, le 10 mars 2010).

Donc, pour cette haute autorité religieuse qui émet des avis juridiques (fatwas), « La femme musulmane [qui] vit dans un pays non musulman, comme la France, dont les responsables veulent adopter des lois opposées au voile, c’est leur droit et ne je peux pas m’y opposer ». (Libération, le 31 décembre 2003).

Ainsi, vue d’une perspective musulmane, « la loi du pays est la loi ». Ce message, quoique de portée générale, s’adressait aussi aux jeunes musulmanes des écoles publiques, qui se voyaient contraintes, à la veille de l’adoption de la loi française, d’ôter leurs foulards.

À la veille de l’adoption du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État et pour éviter toute confusion autour des « signes religieux », le gouvernement québécois gagnerait à en donner une définition claire, comme il l’a fait pour le concept de laïcité. Après tout, « le législateur ne parle pas pour ne rien dire » et le diable est dans les détails !

RD

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