MORT DANS UN CHSLD
Selon un rapport, le Canada est le pays où la proportion des décès liés à la COVID-19 survenus dans des établissements de soins de longue durée est la plus élevée au monde.
Augmenter la proportion d’infirmières et de spécialistes au sein des CHSLD. Accorder des emplois permanents aux préposés aux bénéficiaires, uniformiser leur formation et leur fournir du soutien psychologique. Voilà quelques-unes des recommandations tirées d’un rapport qui passe au peigne fin l’échec des établissements de soins de longue durée canadiens face à la COVID-19.
C’est en effet un véritable constat d’échec que dresse ce document commandé par la Société royale du Canada, société savante qui vise à jeter un éclairage scientifique sur des enjeux de société. Les chercheurs montrent que le Canada est le pays où la proportion des décès liés à la COVID-19 survenus dans des établissements de soins de longue durée est la plus élevée au monde.

« On a fait piètre figure au Canada, et particulièrement au Québec. Ce qui s’est passé est épouvantable et on ne peut laisser ça comme ça », dit à La Presse Francine Ducharme, doyenne de la faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal et coauteure du rapport.
Dans
des mots parfois durs, les auteurs décrivent la COVID-19 comme une
« [onde] de choc qui a fait craquer toutes les fractures préexistantes
de nos établissements de soins ».
« Nous
avons échoué envers eux, écrivent-ils en parlant des aînés. Nous avons
brisé notre engagement. Nous avons la tâche, la responsabilité et la
capacité de réparer cela – pas seulement la crise actuelle causée par la
maladie infectieuse, mais tout le secteur qui a contribué à ce désastre
tragique et évitable. »
Le groupe
déplore tant la vétusté de certaines infrastructures que le manque de
données qui permettraient de bien guider les actions (les auteurs
comparent la planification des soins sans données probantes au fait de
« gérer avec une planche de Ouija »). Mais il estime que c’est vraiment
du côté de la gestion du personnel qu’il faut effectuer les réformes les
plus urgentes.
« La
main-d’œuvre, c’est vraiment ce qu’on veut mettre de l’avant. Il faut
s’attaquer à la crise de la main-d’œuvre et changer la composition des
effectifs », dit Francine Ducharme. Elle précise que l’objectif est
évidemment de se préparer pour une éventuelle vague de COVID-19, mais
surtout de régler des problèmes qui minent le réseau depuis longtemps.
Les
chercheurs sont bien conscients de ne pas être les premiers à tirer la
sonnette d’alarme sur le manque de personnel dans les CHSLD. Mais ils
espèrent que la COVID-19 fera finalement bouger les décideurs.
« C’est
vrai qu’il y a eu des tonnes de rapports sur ce qui se passe dans les
soins de longue durée. Ça fait 20 ans qu’on dit qu’il n’y a pas
suffisamment de personnel, que c’est disqualifié, que ce n’est pas
gratifiant. Mais peut-être que la pandémie va être le déclencheur qui va
permettre de changer des choses. En tout cas, moi, j’ai espoir », dit Mme Ducharme.
Plus de professionnels en CHSLD
Le
rapport précise que 90 % des employés qui donnent des soins directs aux
résidants dans les établissements de soins de longue durée sont des
préposés aux bénéficiaires qui n’appartiennent à aucun ordre
professionnel. Loin de leur jeter la pierre, les auteurs écrivent que
ces employés « sans voix » sont en nombre insuffisant, mal payés et mal
épaulés.
« Les
travailleurs dans les établissements de soins de longue durée doivent
avoir des emplois à temps plein avec un salaire équitable et des
avantages sociaux, incluant un support psychologique pour le syndrome de
stress post-traumatique que plusieurs vivent à cause de la COVID-19 »,
peut-on lire.
Les
auteurs estiment toutefois que la proportion d’employés qui
appartiennent à des ordres professionnels (infirmières,
inhalothérapeutes, psychologues, physiothérapeutes, travailleurs
sociaux) doit impérativement être augmentée.
« La
composition des effectifs a beaucoup changé avec le temps et devrait
revenir à un ratio plus raisonnable, dit la professeure. Les préposés
sont extrêmement importants et font un travail extraordinaire, mais il
faut aussi des connaissances scientifiques pour donner des soins. »
La
spécialiste estime qu’il faut cesser de faire appel aux agences de
placement pour gérer le personnel, éviter les mouvements d’employés
entre les établissements ainsi qu’entre les zones infectées et non
infectées d’un même établissement.
« Il
y a des pratiques qui n’ont vraiment aucun bon sens qui ont eu lieu
pendant la première vague. J’ai été vraiment déprimée de voir ça »,
lance-t-elle.
Un investissement du fédéral
Le
rapport plaide pour qu’on établisse des « standards nationaux » à
travers tout le pays pour les établissements de soins de longue durée,
et que des inspections soient faites pour s’assurer qu’ils sont
respectés. Il interpelle aussi directement le gouvernement fédéral pour
du financement.
« La
réalité canadienne est que sans support fédéral, il est peu probable
que les gouvernements des provinces et des territoires aient les
ressources pour financer les hauts standards que méritent nos aînés
fragiles », écrivent les auteurs.
« On
sait que la santé, c’est provincial, dit Francine Ducharme. Mais on
pense que si on avait des balises générales au Canada, et qu’ensuite les
provinces allaient dans le fin détail, ça aiderait. Le message n’est
pas tant politique que scientifique. »
Bilan du jour
Québec
a annoncé jeudi 14 nouveaux décès liés à la COVID-19, soit 8 dans les
24 dernières heures et 6 autres remontant avant le 24 juin. Cela porte
le bilan total des décès à 5541. Un total de 69 nouveaux cas ont été
confirmés. Les hospitalisations poursuivent leur tendance à la baisse,
leur nombre ayant diminué de 11 pour atteindre 411. Il ne reste plus que
32 Québécois aux soins intensifs à cause de la maladie, un de moins que
la veille.
RD