Vivre la vie d'un Senior

samedi 26 août 2017

Le désir sexuel a-t-il un âge ?

Article de Julie Pelletier, Journal de Québec, 26 août 2017

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La sexualité est-elle un privilège de jeunesse ? Bien sûr que non, mais plusieurs s’efforcent de le faire croire. Ces croyances populaires ont la vie dure ! Or, il peut devenir facile de se camper dans une position d’inactivité sexuelle en vieillissant, le corps et l’esprit vivant toutes sortes de bouleversements qui influencent alors le désir. Et vous, de quelle façon vivez ou vivrez-vous votre sexualité en vieillissant ?

Faits ou croyances ?

D’emblée, il pourrait s’avérer judicieux de répondre... un mélange des deux. Tout d’abord des faits : puisque la réalité n’est autre que changements et vieillissement. Le corps de l’homme et de la femme se modifie avec les années et les expériences vécues laissent également leurs traces.

Les aspects émotifs et mentaux, quant à eux, ne résistent pas plus aux saisons ! Il est donc naturel que les changements du corps affectent les relations sexuelles. Or, l’apanage de l’humain n’est-il pas de s’y adapter ? La meilleure façon de garder une vie sexuelle active est sans aucun doute de ne jamais l’arrêter ! Certes, elle se modifie, s’adapte en fonction du vécu du moment.

«Parmi tous les changements sexuels physiologiques prévisibles et normaux, le principal et le plus traumatisant pour l’homme est certes la baisse de la spontanéité de ses érections. Certains hommes paniquent et deviennent impuissants. Ils cessent leurs initiatives sexuelles par peur de l’échec et leurs femmes interprètent ce comportement comme une perte de leur propre attraction sexuelle et diminuent, elles aussi, leurs initiatives sexuelles au moment où, au contraire, elles devraient augmenter leurs initiatives et être plus actives pour aider l’homme à découvrir une sexualité plus sensuelle.

La contrepartie de la baisse de la spontanéité érectile, pour l’homme qui accepte ce changement, est que celui-ci peut maintenir des érections plus longues sans éjaculation [...] Le fonctionnement sexuel durant les années que dure la ménopause est extrêmement variable d’une femme à l’autre et dépend de son état psychique général et des relations qui la lient à son partenaire. La cessation brusque du fonctionnement ovarien provoque une baisse brutale du taux d’œstrogènes et de progestérone. Ces bouleversements endocriniens s’accompagnent chez la plupart des femmes d’excès d’irritabilité, de dépression, d’instabilité affective et d’un comportement plus agressif.» Source : Iv Psalti, octobre 2012.

Naturellement, chaque homme et chaque femme étant différents, il n’est pas toujours facile d’être d’accord avec les généralités ! Or, c’est ce que les études démontrent auprès de certains échantillonnages de la population.

Deuxièmement : croyances puisque les préjugés ont la vie dure ! Solange, une femme de 81 ans, nous livre ses confidences : «J’ai perdu mon mari à l’âge de 68 ans après 41 ans de mariage. Mes trois enfants ont failli perdre connaissance quand je leur ai présenté mon nouvel amoureux Roger. Roger a quatre ans de plus que moi et il est veuf lui aussi. On s’est rencontré dans une soirée de bingo et, depuis ce temps-là, on ne se lâche plus ! Et c’est le cas de le dire ! Vous savez, j’ai toujours pensé que le sexe est un beau cadeau que Dieu a fait aux hommes et aux femmes, alors pourquoi ne pas en profiter ? J’ai passé ma vie entière à faire plaisir à mon mari et à être fidèle. Maintenant, j’ai envie de penser à moi ! J’aime mes petits plaisirs coquins de temps en temps. C’est sûr qu’on est moins actifs que quand on avait 40 ans, mais quand même... Et laissez-moi vous dire que ce n’est pas vrai que ça meurt ces affaires-là ! On peut toujours faire quelque chose pour que ça reste bien vivant ! Mes enfants pensent sans doute que notre amour est platonique – et je pense aussi que la société diminue l’importance du sexe pour les seniors –, mais ils ne peuvent pas avoir plus faux ! S’ils savaient...»

Gare aux menaces qui peuvent planer

La menace la plus grande est certainement celle de nier le vieillissement. Cette négation peut s’avérer pathologique puisqu’elle force quasiment les gens à vouloir rester jeunes à tout prix. Il faut donc se méfier de ces désirs de vivre dans une société homogène et sans âge ! Osons vieillir en beauté, assumer notre âge et faire rayonner notre bonheur !

Certes, avec l’âge arrivent également parfois les maladies, les complications de la santé et des limitations. Mais si vous parvenez à respecter adéquatement ce corps qui vieillit, vous saurez lui apporter ce dont il a le plus besoin. Il en va de même chez les couples qui vieillissent. Plus les menaces seront contournées, plus agréable en sera la relation. Voici quelques exemples d’entraves possibles à une sexualité active pour le couple senior :
  • Les carences ou les dérèglements hormonaux ;
  • Des troubles physiques ou des douleurs ;
  • Des dysfonctions sexuelles : qui font douter et qui déstabilisent l’équilibre du couple ;
  • Un état mental négatif, une nostalgie importante du passé, la peur de vieillir, le poids des idées reçues (« ça ne se fait pas ! »), le pessimisme, l’anxiété, la dépression – bref, des troubles d’ordre psychique qui occasionnent une baisse importante (voire une absence) de désir et d’intérêt pour la sexualité ;
  • Des problèmes de couple et une mésentente physique préexistants.
Le désir sexuel n’a certainement pas d’âge, il a simplement besoin de belles conditions de vie pour naître, se développer et perdurer !

RD

samedi 19 août 2017

Comment parler des attentats aux personnes très âgées

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Les attentats du 13 novembre ont suscité beaucoup d’émotions dans les familles. S’il faut trouver les mots justes pour en parler avec les plus jeunes, nos aînés ont également besoin d’écoute et d’attention pour surmonter ces événements qui ravivent parfois des souvenirs douloureux. 

Ces propos demeurent plus que d'actualité avec les nouveaux attentats qui viennent d'avoir lieu à Barcelone (18 août 2017).

Entretien avec le docteur Olivier de Ladoucette, psychiatre et gérontologue.

Comment parler des attentats aux personnes très âgées
« Quel que soit l’âge de la personne, âgée ou très âgée, il n’y a pas de raison d’aborder la question des attentats de manière spécifique. Le plus important est de ne pas leur cacher la vérité. Il faut, au contraire, expliquer ce qui s’est passé pour désamorcer d’éventuelles angoisses. Certaines personnes sont déjà inquiètes à l’idée de sortir de chez elles par peur de la chute ou même d’une agression, ces événements risquent donc d’être particulièrement anxiogènes.

Prendre le temps de les voir et de les écouter

Afin de dissiper les craintes, on peut les faire parler de leurs souvenirs, leur demander ce que ces attentats évoquent pour eux. Certains parleront de la guerre d’Algérie. D’autres de leur enfance pendant la Seconde Guerre mondiale. Des moments souvent douloureux et inquiétants qui peuvent être ravivés par ces attaques terroristes. Leur donner l’occasion de raconter leur vécu leur permet de relativiser ce qui se passe aujourd’hui. La plupart surmonteront bien ces événements et seront sans doute moins paniqués que certains jeunes.

Lorsque les personnes sont un peu fragiles ou lorsqu’elles ont des problèmes cognitifs, il faut peut-être adapter son propos. De toute façon, il ne servirait à rien d’occulter la réalité car elles voient les images à la télévision et cela risque de les angoisser plus encore que des explications.

Leur montrer qu’ils comptent

Quel que soit le profil de la personne, il faut saisir cette occasion pour aller la voir et s’assurer que tout va bien, que ces événements dramatiques ne génèrent ni trop d’angoisse ni d’insécurité. Le plus douloureux pour les parents ou les grands-parents, c’est la peur d’être oubliés par leurs proches. Il est donc important dans ce contexte difficile de leur montrer qu’ils comptent et que tout le monde pense à eux.

Si la personne est très affectée, si elle panique, le mieux est de l’accueillir chez soi un temps. Il peut également s’avérer utile d’en parler à son médecin pour un petit traitement apaisant.
Celles qui vivent à Paris risquent d’être particulièrement inquiètes à l’idée de ressortir dans la rue. 

Dans ce cas, il faut prendre le temps de les accompagner et même de les amener dans les lieux qui leur font peur. En voyant que tout semble normal, hormis une présence policière renforcée, elles seront rassurées. »




samedi 12 août 2017

La doyenne de l'humanité est une Jamaïcaine de 117 ans, Violet Brown.

Article de Daniel Blanchette Pelletier

 Le saviez-vous?

La doyenne de l'humanité est une Jamaïcaine de 117 ans, Violet Brown. Elle détient le titre depuis avril, après la mort de l'Italienne Emma Morano, qui était âgée elle aussi de 117 ans. Mais ni l'une ni l'autre ne détient le record de longévité. Celui-ci va plutôt à la Française Jeanne Calment, qui est morte à l'âge de 122 ans, en 1997.


La doyenne de l'humanité, Violet Brown, est âgée de 117 ans.

NomDate de naissanceÂgePays d'origine
Violet Brown10 mars 1900117 ansJamaïque
Nabi Tajima4 août 1900116 ansJapon
Chiyo Miyako2 mai 1901116 ansJapon
Ana María Vela Rubio29 octobre 1901115 ansEspagne
Marie Josephine Gaudette25 mars 1902115 ansItalie
*en date du 6 juillet 2017

RD

Non, l’être humain n’a pas atteint son âge limite

Article de Daniel Blanchette Pelletier, 7 juillet 2017


La Française Jeanne Calment est morte à l'âge de 122 ans, en 1997. Sur la photo, elle est âgée de 121 ans.
 La Française Jeanne Calment est morte à l'âge de 122 ans, en 1997. Photo : Reuters

 Vivre éternellement tient davantage du rêve que de la réalité. Mais une équipe de chercheurs de l'Université McGill a déterminé que l'être humain n'a pas encore atteint la durée maximale de sa vie, même si la mort a toujours fini par le rattraper.


Les biologistes Bryan G. Hughes et Siegfried Hekimi viennent ainsi contredire les travaux de deux confrères américains, qui avaient fixé l’an dernier la durée maximale de la vie humaine à 115 ans.
« Les gens vivent de plus en plus longtemps et il n’y a pas d’indication claire que ça va s’arrêter », estime Siegfried Hekimi.

Il en arrive à cette conclusion en ayant repris les mêmes données de la Human Mortality Database qu’avaient utilisées les chercheurs américains. Cette base de données regroupe les informations de près de 40 pays, dont les États-Unis, la France et le Japon, sur l’espérance de vie de leur population.
« Il n’y a pas de signes, statistiquement, que ça va s’arrêter. Autant que l’on sache, l’âge auquel les gens vont réussir à vivre va continuer d’augmenter. »



Le biologiste Siegfried Hekimi de l’Université McGill
 Le passé garant de l’avenir

Pour preuve, il suffit d’observer l’évolution de la durée de vie humaine des trois derniers siècles, selon lui. L'être humain vit en effet beaucoup plus longtemps que son ancêtre. « Et au 20e siècle, ça s’est accéléré », rapporte le biologiste.

Un Canadien pouvait, par exemple, vivre environ 50 ans en 1901, alors que l’espérance de vie se chiffre aujourd’hui à plus de 80 ans. « C’est possible que ça augmente encore longtemps », croit-il.
« C’est une augmentation constante de la durée de vie moyenne. Elle s’applique presque au monde entier, mais évidemment davantage aux pays les plus développés, comme le Canada et les pays européens », précise Siegfried Hekimi.

Les progrès technologiques et les avancées de la médecine jouent donc un rôle important dans le prolongement de la vie.

« Plus notre vie est devenue industrialisée, plus on a pu contrôler notre environnement, notre confort », poursuit le chercheur, citant l’hygiène, le chauffage, l’alimentation et les vaccins comme exemples. Même le travail est devenu moins exigeant physiquement, ajoute-t-il.
« Pour toutes ces raisons, les gens vivent plus vieux », estime Siegfried Hekimi, ajoutant que les avantages qu’on tire d’avoir un environnement aussi contrôlé dépassent les inconvénients.
« Les gens sont de plus en plus en bonne santé, de plus en plus longtemps. C’est la raison même pour laquelle ils réussissent à vivre plus vieux. »



 Le biologiste Siegfried Hekimi de l’Université McGill

Le biologiste rejette ainsi l’impact négatif que pourraient avoir l’industrialisation et les progrès technologiques sur la santé humaine. Il ne voit que du positif pour l’avenir.
NomDate de naissanceDate du décèsÂgePays d'origine
Jeanne Calment21 février 18754 août 1997122 ans et 164 joursFrance
Sarah Knauss24 septembre 188030 décembre 1999119 ans et 97 joursÉtats-Unis
Lucy Hannah16 juillet 187521 mars 1993117 ans et 248 joursÉtats-Unis
Marie-Louise Meilleur29 août 188016 avril 1998117 ans et 230 joursCanada
Emma Morano29 novembre 189915 avril 2017117 ans et 137 joursItalie

Le secret de « l’éternelle jeunesse » au cœur du cerveau

Article de Renaud Manuguerra-Gagné,
mis à jour le 12 août 2017
  
 Cerveau


En injectant des cellules souches dans une petite zone du cerveau, des chercheurs américains ont prolongé la durée et amélioré la qualité de vie d'animaux de laboratoire. Le secret d'un âge d'or en santé est-il caché au cœur de notre matière grise?

Le nombre d’études sur la longévité a explosé au cours de la dernière décennie. Bien que certains laboratoires scientifiques travaillent directement dans le but de prolonger la vie, plusieurs groupes de chercheurs se posent une autre question : qu’est-ce qui permet de bien vieillir? Pourquoi certaines personnes de 100 ans continuent d’être autonomes, alors que d’autres constatent que leur corps commence à montrer des faiblesses dès la soixantaine?

Cette question va au-delà de la quête de « l’éternelle jeunesse » : plusieurs pays font face à une population vieillissante ainsi qu’à une explosion des maladies liées à l’âge, l’un des principaux fardeaux des systèmes de santé. Améliorer la santé des individus d’âge avancé pourrait aider à réduire cette pression.

Un contrôle centralisé

Vieillir est un mécanisme complexe. Les transformations se jouent à plusieurs niveaux : dans l’ADN, dans les cellules, dans les organes et même dans certains systèmes qui peuvent influer sur le corps entier.

Des chercheurs se sont tournés vers une partie du cerveau qui exerce une influence très importante : l’hypothalamus. C’est une toute petite zone de la taille d’une amande, en plein centre du cerveau, responsable de la production d’hormones. Celles-ci peuvent jouer des rôles aussi diversifiés qu’influencer le rythme cardiaque, l’appétit, le cycle du sommeil, le stress, le système immunitaire et même la reproduction.

L’équipe de Dongsheng Cai, du Collège de Médecine Albert Einstein, à New York, s’intéresse au lien entre l’hypothalamus et le vieillissement depuis plusieurs années.

Dans leur nouvelle étude, parue dans la revue Nature, ces chercheurs ont remarqué que le nombre de certaines cellules dans l’hypothalamus diminuait avec l’âge. Ils ont également constaté qu'éliminer ces mêmes cellules chez de jeunes souris entraînait une conséquence surprenante : les animaux vieillissent alors de façon accélérée et meurent plus tôt que leurs congénères.

Les chercheurs ont voulu vérifier si ce qui se passe dans un sens survient aussi dans l’autre : peut-on ralentir le vieillissement en ajoutant des cellules à l’hypothalamus?

Rénover le cerveau

Pour ce faire, ils se sont tournés vers les cellules souches, le matériau de base pour fabriquer toutes les composantes du corps.

La plupart des cellules de nos corps d’adultes sont différenciées et ne peuvent jouer d’autres rôles que ceux pour lesquels elles sont programmées; une cellule de peau isole le corps du monde extérieur, une cellule cardiaque fait battre le cœur. Mais une cellule souche est indifférenciée : elle n’a pas encore de rôle déterminé et peut se transformer en plusieurs catégories de cellules.

Il existe plusieurs types de cellules souches, mais dans le cadre de leur étude, les chercheurs se sont intéressés aux cellules souches neuronales, qui ont le potentiel de devenir tout type de cellule nerveuse.

L’injection de ces cellules dans l’hypothalamus des souris a donné aux petits rongeurs une meilleure endurance physique et de meilleures capacités cognitives : les souris traitées étaient plus curieuses, plus sociables et plus endurantes et avaient une meilleure coordination que d’autres du même âge. Elles ont aussi vécu 10 % à 15 % plus longtemps que d’autres souris qui n'avaient pas reçu d'injection.

Les chercheurs ont également remarqué que les cellules souches ne font pas que prendre la place d’autres neurones : elles aident toutes les cellules de l’hypothalamus à mieux fonctionner.

Selon l'étude, le processus antivieillissement serait lié à la libération par les cellules souches de molécules appelées microARN, capables d’influer sur l’activité de différents gènes dans des cellules.

Toutefois, avant de passer aux études sur des humains, il faudra que les chercheurs comprennent comment les cellules effectuent leur cure de jeunesse et si des cellules souches humaines sont capables de la même prouesse.

Bien qu’une longévité supplémentaire de 10 % à 15 % soit susceptible d’intéresser bien des personnes, l’impact de tels résultats sur la qualité de vie pourrait avoir un effet encore plus important sur la société dans son ensemble.

 Source : http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1049868/secret-eternelle-jeunesse-cerveau-etude-longevite


RD

mercredi 9 août 2017

Le naturalisme, une doctrine ouverte sur la vie humaine


Le naturalisme au quotidien

Naturalisme : Doctrine selon laquelle rien n’existe
 en dehors de la nature, qui exclut le surnaturel.
(Le Petit Robert)

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Une position a priori distingue une vision naturaliste de celle qui ne l’est pas : on présume que la nature est autosuffisante, ce qui exclut l’existence d’une réalité spirituelle autonome. Le vocabulaire étant équivoque[1], utilisons une expérience de pensée pour bien caractériser cette vision : imaginons qu’à la suite d’un cataclysme semblable à celui qui a causé la disparition des dinosaures, l’humanité disparaît complètement[2]. En reste-t-il autre chose que des résidus matériels? Appelons « naturaliste » une vision qui commande la réponse : « non, il n’en reste rien d’autre » (Dieu, la conscience réflexive ou tout autre principe spirituel disparaissant avec l’humanité). Elle se distingue d’une vision qui conduit à une variante de ce qui suit : « oui, […] aura échappé à la destruction ».

Pour contourner les difficultés de vocabulaire, toute vision qui rejette le naturalisme, tel que défini plus haut, sera désignée comme une vision N+.

Les a priori que l’on adopte, sans possibilité de preuves déterminantes, servent de fils conducteurs d’une quête de sens et, en particulier, du sens que l’on donne à la vie. La position naturaliste peut se résumer ainsi : sans l’homme qui se pose la question, la vie n’a aucun sens particulier, si ce n’est qu’elle existe, tend à se maintenir et à se reproduire.

David Mills souligne le changement de perspective qu’introduit une vision naturaliste par rapport à une vision N+ : « Je pense que nous faisons une erreur grave en parlant du sens de la vie comme s’il était unique[3] ». On dit parfois que la vie est absurde. On ne constate pas l’absurdité, on la crée. Une blague qu’il faut prendre au sérieux : la vie n’a tellement pas de sens qu’on ne peut même pas dire qu’elle est absurde.

Le sens que l’on donne à la vie est une chose, celui que l’on donne à sa vie en est une autre. La quête de sens, pour la majorité des gens, semble beaucoup plus simple que ce qu’en disent les philosophes :

« Diverses enquêtes aboutissent à la conclusion qu’il y a essentiellement trois grandes façons de donner du sens à sa vie : les relations affectives; les pensées, croyances et valeurs; l’action[4] ». La réponse que l’on trouve de jour en jour aux différents besoins fondamentaux de la personne semble être la principale source de sens.


Dans la recherche d’une vie bonne, on se méfie souvent des besoins qui seraient le propre des animaux, alors que l’homme aurait comme aspiration de transcender ses propres besoins. La psychologie contemporaine réfute cette conception. Abraham Maslow[5], en particulier, a associé les plus hautes aspirations de l’être humain à une évolution naturelle des besoins humains. On constate aujourd’hui que la motivation se développe naturellement autour de trois grandes catégories, par ordre de priorité.

Le premier niveau est sous le signe de l’autoconservation : les besoins orientent l’action vers ce qui apporte le bien-être physique et la sécurité matérielle. La satisfaction relative de ces besoins permet l’émergence d’un deuxième niveau qui se caractérise par l’autodéveloppement personnel : recherche de l’estime d’autrui (être aimé), de réussites personnelles et du sens qu’apportent les modèles culturels.

L’autoconservation et l’autodéveloppement étant relativement assurés, les besoins s’orientent naturellement vers l’autodépassement : manifester de l’estime (aimer autrui), coopérer à une réussite collective, souvent plus importante que la réussite personnelle et participer à une quête de sens collective qui privilégie le questionnement plutôt que les réponses toutes faites[6].

Le naturalisme se distingue aussi d’une vision N+ en présence de la mort : terminus pour le naturaliste, passage à une autre forme de vie pour d’autres. L’opposition autrefois radicale entre ces deux positions s’atténue cependant à mesure que l’on apprivoise sa propre finitude. On voit de plus en plus de croyants abandonner l’idée d’une vie personnelle après la mort. Paul Ricœur en faisait partie :

« La survie est une représentation qui reste prisonnière du temps empirique, comme un “après” appartenant au même temps que celui de la vie […] Pour employer un langage qui reste très mythique, je dirai ceci : Que Dieu, à ma mort, fasse de moi ce qu’il voudra. Je ne réclame rien, je ne réclame aucun “après”. Je reporte sur les autres, mes survivants, la tâche de prendre la relève de mon désir d’être, de mon effort pour exister, dans le temps des vivants ».[7]

Malgré l’opposition conceptuelle radicale entre le naturalisme et une vision N+, on observe des points de convergence sur le plan des attitudes et des comportements. Toutes les sagesses humaines semblent favoriser une décentration de soi-même, une ouverture, souvent un abandon, à plus grand que soi : la nature pour les naturalistes, Dieu ou autre chose dans une vision N+.

Sur le plan moral, on observe aussi une convergence croissante[8]. Les données factuelles rendent caduque l’idée d’une moralité douteuse qu’on associait jadis à une vision naturaliste[9]. La philosophe croyante Chantal Delsol en convient : « L’homme n’est pas un barbare, il développe toujours des morales. La célèbre citation de Dostoïevski — “si Dieu n’existe pas, tout est permis” — tient seulement de la stupeur et ne se justifie pas : le rejet de Dieu unique n’engendre pas le nihilisme, qui n’est qu’un moment bref, mais le retour des sagesses, qui sont des morales sans transcendance[10] ».

Au quotidien.

Lorsqu’on porte attention à sa propre vie ou à celle d’une autre personne, on peut y voir les manifestations de sa vision personnelle. À titre d’illustration, le discours qui suit donne un aperçu d’une vision naturaliste personnelle dans la vie courante.

Je suis le produit du hasard, mais construit de telle sorte que j’ai maintenant la possibilité de disposer de moi-même dans le cadre de ce que la nature et mon entourage ont fait de moi. En produisant la vie, puis l’espèce humaine, la nature s’est dotée d’une conscience d’elle-même. Je suis un moment de cette conscience. Elle me permet de satisfaire quotidiennement mes besoins tout en contribuant au bien-être de mes semblables. Lorsque je prends conscience que ma contribution est éphémère, je me souviens de ces moments de joie au bord de la mer, lorsqu’enfant je m’empressais de construire avec mes amis un château de sable avant que la mer ne vienne le reprendre. Nous regardions alors, sans tristesse, couler les grains de sable qui avaient été notre château. Nous avions construit pour le plaisir de construire, l’empressement à finir avant la marée montante étant plus important que la permanence de notre œuvre. Lorsque la mort viendra, je ne demanderai qu’à revivre cette joie de mon enfance par rapport à ce que j’aurai fait de ma vie. 

Les énoncés suivants soulignent quelques points de repère dans les pensées et les actes qui découlent de cette vision naturaliste au quotidien.

1)   Je suis le fruit du hasard. Tout a commencé pour moi lorsqu’un spermatozoïde Y a fécondé un ovule X.
2)   Ma vie m’appartient. Depuis que j’ai atteint l’autonomie personnelle et sociale, je ne me sens lié par aucune destinée préétablie ni aucune mission qui me serait confiée. J’ai l’entière responsabilité de mes actes et je tire une grande satisfaction de pouvoir faire des choix éclairés.
3)   Je m’interdis toute ingérence dans la vie d’une autre personne, sous réserve que je m’attends à ce qu’elle accepte les contraintes de la vie en société.
4)   Ma durée de vie est limitée et inconnue. Le seul indicateur pour planifier et réaliser ma vie est une moyenne statistique qui pour moi (qui vis au Canada, sans maladie connue) est de 81,24 ans, les possibilités allant de mon âge actuel à un maximum qui pourrait dépasser 100 ans.
5)   La mort est définitive. Il m’est impossible de savoir si elle me sera imposée ou si j’aurai l’occasion d’en décider, mais le cas échéant la décision m’appartiendra, que j’aie ou non le soutien de mes pairs et de la société dans laquelle je vis.
6)   La mort est naturelle. Je ne saurai jamais que je suis mort, mais je suis certain que cela se produira. Une autre certitude est qu’une fois mort, aucune souffrance ne pourra plus m’affecter; ni aucun plaisir, ce qui ne rend pas la mort attrayante.
7)   L’émergence au jour le jour de mes besoins fondamentaux me fournit l’information qui, soumise à la pensée critique, me permet de rendre chaque journée significative, avec plus ou moins de satisfaction. Horace me guide : Carpe diem, profite du jour présent.
8)   Le besoin que j’ai de me sentir bien physiquement légitime le temps que je consacre à ma santé et au plaisir des sens.
9)   Mon besoin de sécurité matérielle légitime l’énergie que je mets à m’assurer d’un budget équilibré pour bien vivre selon mes moyens.
10)         Mon besoin d’estime légitime le temps que je mets à créer et à maintenir un réseau affectif qui m’assure un équilibre entre des moments de solitude et des moments de compagnonnage.
11)         Mon besoin de réussite légitime le temps que je mets à entreprendre et à réaliser des projets réalistes, parfois seul et parfois en partenariat avec d’autres.
12)         Mon besoin de sens légitime le temps que je mets à m’informer, à me cultiver, à réfléchir, à questionner, à échanger, à lire, à m’exprimer, etc.
13)         Je suis conscient d’une solitude absolue, un prix que je paie volontiers pour la possibilité de dire « je » et pour l’autonomie personnelle qui en résulte.
14)         Je confirme à autrui le droit qu’il a d’être ce qu’il est, même lorsque j’aimerais bien qu’il soit autrement. Solidarité oblige.
15)         Je considère que l’amour est gratuit et imprévisible. Rien ne m’oblige à aimer mon semblable, mes sentiments ne pouvant être contraints par aucun commandement ni aucune loi. Respect absolu, amour sélectif.
16)         Aimant bien vivre en harmonie avec mon environnement physique et social, je m’efforce de résoudre les conflits de toutes sortes, les considérant comme inévitables, mais bénéfiques dans la mesure où ils conduisent à plus de solidarité. 
17)         Ne voyant dans la souffrance et la frustration aucune valeur spirituelle, je fais tout pour les éviter ou les résoudre lorsqu’elles s’imposent.
18)         Dans l’adversité, j’attaque ou je fuis selon ce qui me semble le plus approprié, sans égard aux normes culturelles à cet égard.
19)         Le remord qui m’incite à comprendre et à corriger les mauvais choix que j’ai faits (ou ceux que je n’ai pas faits) est plus efficace dans mon cheminement par essais et erreurs que la culpabilité engendrée par des normes rigides extérieures qui se dissipe par une absolution automatique.
20)         À tout moment et surtout en période de doute, je m’exerce à m’abandonner à plus grand que moi, ce que facilite la fascination que suscitent en moi la complexité et la beauté de la nature dont je suis le produit.

RD

[1]Dans le vocabulaire traditionnel, on oppose immanence et transcendance ou monisme et dualisme. Mais la créativité humaine est telle, chez les philosophes en particulier, qu’aucun vocable ne permet de bien saisir les oppositions. Dans le débat immanence/transcendance, on s’efforcera de voir « la transcendance dans l’immanence » (Luc Ferry, 1996, L’homme-Dieu ou le Sens de la vie. Paris : Grasset, p. 49). Pour ce qui est de l’autre opposition, monisme et dualisme, on parlera d’un dualisme revisité pour échapper à l’opposition traditionnelle entre le corps et l’esprit [Guenancia, P. (2012), Le fantôme de Descartes. De l’utilité de l’histoire de la philosophie, in Esprit, mars-avril].
[2]Pour ceux qui douteraient de la vraisemblancede l’image, le Scientific American (janvier 2016, p. 13 à 16) fait état de recherches de la NASA, au coût de 40 millions de dollars américains par année, pour identifier tous les astéroïdes qui menacent la Terre, pendant qu’on met au point des stratégies pour modifier éventuellement leur trajectoire.
[3]Mills, D. (2006), Atheist Universe, Berkeley : Ulysses Press, p. 32.
[4]Lecomte, J. (2007), Donner un sens à sa vie, Paris : Odile Jacob.
[5]Maslow, A. H. (2004), L’accomplissement de soi, de la motivation à la plénitude, Paris : Eyrolles.
[6]St-Arnaud, Y. (2013), Comprendre et gérer sa motivation, Montréal : Québec-livres.
[7]Ricœur, Paul (1995), La critique et la conviction, Paris : Calmann-Lévy, p. 239.
[8]Shermer, M. (2015), The Moral Arc, New York : Henry Holt and Company. Pour un résumé en français, voir le document en appoint du chapitre 7 : « La courbe de la moralité ».
[9]Giroux J. et St-Arnaud, Y., op. cit., chap. 8.
[10]Citée dans Schwarz, J.(2011), Le Monde des Religions, septembre-octobre, no49, p. 31-32.