https://www.qub.ca/article/la-force-tranquille-des-personnes-agees-1779756101
Le désistement récent de Joe Biden à 81 ans montre sans équivoque l’immense potentiel de certaines personnes âgées dans notre société. En fait, très peu d’entre nous seront en mesure d’accomplir toutes les tâches inhérentes à un poste de si haut niveau comme celui de diriger les États-Unis. Or, pour cette raison, M. Biden se démarque nettement du reste de la population.
Malheureusement, les compétences du président Biden ne constituent pas la norme de ce que les gens de 80 ans peuvent atteindre. La réalité montre en effet que plusieurs personnes voient leurs fonctions cognitives et physiques décliner après 75 ans.
Des pertes de mémoire, des problèmes de langage (aphasie) et des troubles de coordination motrice (ataxie) sont en effet monnaie courante. En fait, même si l’espérance de vie au Québec se situe autour de 85 ans, l’espérance de vie en santé, quant à elle, s’établit autour de 65 ans.
Âgisme
Ce déclin des capacités motrices et cognitives est normal. Toutefois, l’âgisme qui en découle contribue souvent à ce que ce déclin s’accélère. En effet, nous avons tous tendance à juger négativement les limites des personnes âgées, car elles témoignent d’un affaiblissement qui mène inévitablement à une certaine inefficacité à produire.
En somme, dans notre société riche et matérialisée, notre valeur identitaire prend généralement son essor dans notre force de production. Je suis ce que je produis, ce que je possède. Or, la personne âgée est rapidement jugée déficitaire sur cet axe de rentabilité matérielle.
Nous oublions souvent que la valeur d’un individu ne peut être réduite à ce qu’il produit ou possède. Bien au contraire. Nous savons aujourd’hui que la personnalité des individus a beaucoup plus d’impact sur leur bien-être que la valeur de leur compte de banque. Les traits de personnalité sont importants, car ce sont eux qui conditionnent le plus la façon dont nous réagissons aux stress de la vie. Et s’il y a des gains majeurs qui s’observent en vieillissant, ce sont bien ces changements dans l’attitude et la façon de composer avec les stress de la vie.
Avantages du vieillissement
En général, nous observons qu'après 60 ans, la personne âgée a tendance à avoir plus confiance en elle. Elle connaît mieux ses forces et limites, ce qui la prédispose à faire face à l’adversité avec plus de quiétude. De plus, elle est beaucoup plus conciliante et cordiale dans ses interactions que les plus jeunes. Elle ne cherchera pas la confrontation et saura choisir ses batailles.
Finalement, elle montre davantage de stabilité émotive et moins de pensées névrosées. Par exemple, elle ne ressentira pas subitement un état de colère sans en avoir le contrôle et aura tendance à juger la réalité avec plus de parcimonie (moins de biais de perception). Cette dernière compétence l’amène souvent à ne pas dramatiser ou à ne pas «catasthophiser» ses échecs ou ses pertes.
Bref, il est vrai que la personne âgée montre des déclins importants sur le plan physique et cognitif, mais ces pertes sont souvent compensées par des gains psychologiques liés à sa personnalité. Sa connaissance de soi, sa confiance, ses capacités de conciliation et sa stabilité émotive devraient faire l’envie de plusieurs jeunes adultes.
Frankie Bernèche, Ph. D.
Professeur de Psychologie
Auteur du livre À qui ai-je affaire?
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