Vivre la vie d'un Senior

jeudi 28 juin 2012

Les stéréotypes liés au vieillissement


Selon Jean-Luc  Hétu, auteur du livre Psychologie du vieillissement, « Pour beaucoup de gens, toute référence à l'âge dans la présentation d'un individu véhicule un stéréotype, que cette référence soit positive, neutre ou négative...

... Mais, quelle que soit la marge de manoeuvre qu'on se laisse en matière de référence d'âge, la question de fond des stéréotypes demeure posée. Il est indéniable, en effet, que dans beaucoup de cas, la mention de l'âge, même faite avec une bonne intention, contribue à ancrer la croyance que sauf l'« exception », le reste des personnes âgées sont affligées de tous les maux...

 
Stéréotypes dans la population québécoise en 1984

Lyse Frenette, psychologue et Raymond Champagne du Laboratoire de Gérontologie de l'Université du Québec à Trois-Rivières ont recherché la présence de stéréotypes chez 458 sujets interviewés au hasard dans des centres d'achat des villes de Québec, Lévis et Trois-Rivières.

Ces deux chercheurs avaient défini un stéréotype comme « une perception répétée et reproduite sans variation », et ils ont dressé une liste de 18 énoncés présentant de tels stéréotypes.

Les auteurs ont dénoté la présence de 10 stéréotypes dominants sur les 18 présentés aux participants, soit par ordre décroissant :

  • Les personnes âgées accordent beaucoup d'importance à la religion;
  • Elles sont plus insécures ;
  • Elles vivent de leurs souvenirs ;
  • Elles sont plus sensibles que les autres ;
  • Elles s'attendent à ce que leurs enfants s'occupent d'elles :
  • Elles répètent souvent les mêmes choses ;
  • Elles prennent beaucoup de médicaments ;
  • Elles ont une santé fragile ; 
  • Elles ont peur de l'avenir ;
  • Elles parlent beaucoup.
Il serait intéressant de comparer ces résultats avec les perceptions que l'on a aujourd'hui des stéréotypes concernant les personnes âgées. La société québécoise a évolué depuis le début des années 80 et les personnes âgées de 2012 aussi.

Québec, une société « agéiste » ?

Les gérontologues emploient le terme « agéisme » pour désigner l'existence de stéréotypes négatifs ou de préjugés à l'endroit des personnes âgées. Parallèlement au racisme ou au sexisme, l'agéisme implique une discrimination réelle ou potentielle sur la base d'une variable non-pertinente. Par exemple, la tendance à conclure qu'une personne donnée est moins intelligente ou moins fiable du seul fait qu'elle est une femme, un noir ou une personne âgée. C'est l'existence de stéréotypes, c'est-à-dire d'images toute faites sur certaines catégories de personnes, qui faussent la perception que l'on a de ces personnes.

Malgré tout, certaines études tendraient à démontrer qu'une bonne partie du problème des personnes âgées est situé dans la tête des plus jeunes et que les personnes âgées se tirent d'affaire beaucoup mieux que les plus jeunes sont portés à le penser. C'est une question très intéressante à creuser dans notre cadre sociétal actuel où il y a un vieillissement accéléré de la population québécoise.

L'avancée en âge serait plus ou moins inconsciemment associée à des « anti-valeurs », par la majorité des adultes, à savoir la perte de la vigueur et de la beauté, de la vivacité intellectuelle, des contacts sociaux, de l'autonomie, et ultimement de la vie elle-même. Et ce sont ces appréhensions à peine conscientes qui affleureraient dans les perceptions distordues des personnes âgées par les plus jeunes.

Les intervenants et les stéréotypes

De nombreuses recherches démontrent que les stéréotypes à l'endroit des personnes âgées seraient aussi fréquents chez les intervenants des services sociaux et des services de santé que dans l'ensemble de la population.

Se sentant perçue comme quelqu'un de malade, impuissant, pessimiste et inquiet, la personne âgée en viendrait alors plus ou moins consciemment à adopter ce rôle de victime impuissante, de manière à obtenir l'attention et les soins qu'elle en attend.

Au-delà des objectifs officiels ou de restauration de l'autonomie des personnes âgées, l'impact des interventions serait alors le contraire de l'effet recherché. On aurait donc ici une autre illustration saisissante de l'effet dévastateur des stéréotypes.

Le vieillissement s'accompagne inévitablement de différentes pertes. Il ne s'agit donc pas de se cacher la réalité pour peindre de la vieillesse une image dorée qui serait aussi déformée que celle qu'évoquent beaucoup de stéréotypes. Dans le fond, il s'agit de nuancer nos jugements de valeur lorsqu'il est question de jauger les personnes âgées.

RD

lundi 25 juin 2012

La psychologie du vieillissement

Différents auteurs ont écrit des bouquins sur la gérontologie, c'est-à-dire la science ou l'art du vieillissement. Je voudrais maintenant mettre l'accent sur les leçons de vie, au quotidien, que l'on pourrait en tirer. En fait, mon approche est la suivante : mettre la main sur divers volumes intéressants, qui sont récents ou qui peuvent avoir été publiés il y a déjà quelques années et mettre en évidence des notions éclairantes sur le vieillissement, des leçons de vie, des recettes visant la santé physique et mentale,...

Je commence donc par ce premier bouquin publié en 1988 par les Éditions du Méridien, auteur : Jean-Luc Hétu et portant le titre suivant : « Psychologie du vieillissement ».

(Pour les fins du copyright, les idées tirées de l'auteur sont reprises sans modification ni altération, en vue d'informer une clientèle de Seniors, une forme de bénévolat auquel ce blog est dédié.)

. CONCEPTS DE BASE

Parler de vieillissement, c'est désormais parler de gérontologie.


Q. La gérontologie est-elle une science ou un art?

R. Il apparaît que la gérontologie, telle qu'elle est pratiquée au sein de l'Association québécoise de gérontologie, est à la fois une science et un art. Le gérontologue s'intéresse à la physiologie, à la psychologie et à la sociologie du vieillissement et il peut parfois consacrer à ces sciences la majeure partie de ses intérêts. Il se trouve alors plus près du pôle scientifique.

Mais, le gérontologue s'intéresse aussi à l'amélioration de la qualité de vie des personnes concrètes dans un milieu donné ou de l'ensemble des citoyens âgés sur un territoire donné. Il se trouvera alors plus proche du pôle intervention, qui est le pôle de l'art, ou encore, le pôle de la science dit « appliquée ».

Q. Qu'est-ce que sous-entend le concept de vieillissement?

R. En tant que science, la gérontologie étudie le phénomène du vieillissement. Notons, en passant la différence entre le concept de vieillesse, qui représente la dernière grande période de la vie, et le concept de vieillissement, qui représente un changement dans l'organisme physique et psychologique du sujet  ainsi que dans ses façons d'interagir avec son environnement social. La vieillesse est un état alors que le vieillissement et un processus.

  • Avec une approche humaniste du vieillissement, on sera porté à aborder celui-ci sous l'angle des acquisitions : vieillir, ce sera continuer à découvrir et à apprendre, progresser dans l'unification de soi et dans l'intériorisation, en arriver à mieux prendre la mesure des choses, devenir capable d'une plus grande compassion pour autrui, etc.
  • Dans une approche biologique ou socio-biologique du vieillissement, par ailleurs, on sera porté à voir celui-ci sous l'angle des pertes : vieillir sera un processus de « détérioration de l'organisme (,,,) tel qu'avec le temps, cet organisme deviendra de plus en plus incapable de faire face aux demandes de son environnement, ce qui augmentera d'autant la probabilité de la mort. » (Handler, 1060, p. 200).
  • Faire de la gérontologie, ce sera alors s'intéresser aux changements (acquisitions, pertes ou les deux) reliés au processus du vieillissement.
Birren et Renner (1980, p.4) proposent ainsi de définir le vieillissement comme : « les changements réguliers qui se produisent dans des organismes génétiquement représentatifs vivant dans des milieux représentatifs, à mesure que ces organismes avancent en âge ».

Enfin, on utiliser l'âge chronologique comme point de référence des changements observables dans les organismes.

LE CONCEPT DE PERSONNALITÉ

Du fait global, la gérontologie étudie les changements vécus par les individus à mesure que ceux-ci vieillissement. Or, c'est le concept de personnalité qui représente la stabilité, la continuité. C'est donc ce concept qui va nous permettre de mieux saisir la dynamique du vieillissement.

Ainsi, la personne qui a appris à dominer, par exemple, à séduire ou à s'effacer peut découvrir un jour qu'elle aurait un contact plus gratifiant avec les autres si elle leur permettait davantage d'être eux-mêmes si elles les respectait davantage ou si elle se faisait davantage confiance à elle-même. C'est dire que la personnalité d'un sujet peut évoluer avec le temps ou plus précisément au gré des expériences qu'il en vient à vivre.

À mesure que les gens vivent des expériences différentes, leur image d'eux-mêmes peut changer, leur perception peut évoluer, leurs besoins personnels peuvent se modifier, leurs attentes face à la vie peuvent devenir autres.

Ce qui nous amène à certaines questions fondamentales en gérontologie : le vieillissement affecte-t-il la personnalité? La personnalité influence-t-elle la façon de vieillir?

Les changements que la personne vieillissante subit dans son corps et dans ses relations peuvent se répercuter de différentes façons sur sa personnalité. Parallèlement, le milieu social réagit souvent différemment à l'endroit d'une personne âgée, et encore ici, ce traitement différent a de bonnes chances d'avoir un impact sur le sujet vieillissant. Le concept de personnalité sera donc un concept-clé à approfondir, en particulier avec la théorie de la continuité.

LE CONCEPT D'ÂGE

Le passage du temps ne marque pas tous les individus de la même façon, et ce passage du temps ne marque pas non plus un même individu uniformément au niveau de ses différents sous-systèmes : sensoriel, respiratoire, cardiaque, digestif, cognitif, affectif.

Zay (1981) distingue une douzaine de façons d'évaluer l'âge d'un individu, dont les principales sont les suivantes :

  • L'âge biologique : relatif à l'état d'usure de l'ensemble des organes du sujet;
  • L'âge chronologique : c'est l'indice le plus facile à manipuler parce qu'il correspond à l'âge du calendrier; c'est en même temps l'indice le plus trompeur parce qu'il ne nous apprend rien ni sur l'âge biologique du sujet, ni sur ses dispositions à l'endroit de ses différents rôles sociaux, par exemple;
  • L'âge fonctionnel : mesure la capacité du sujet d'assumer d'une façon autonome son maintien physique, son maintien psychologique et ses rôles sociaux (conjoint, citoyen, membre d'un groupe,...);
  • L'âge mental : indique le niveau de développement intellectuel du sujet, normalement à l'aide de test psychologiques; 
  • L'âge légal : correspond à l'âge chronologique assigné par différentes lois, soit pour changer le statut du sujet (par exemple, remplace son statu de travailleur par celui de retraité), soit pour le dispenser de certaines obligations, lui octroyer de nouveaux droits, ou encore lui créer de nouvelles obligations (ex. : nouvel examen de conduite automobile pour un conducteur atteignant 70 ans).
LE CONCEPT D'ADAPTATION

Parler d'adaptation, c'est parler de santé mentale, dans la mesure où l'on définit la santé mentale d'un sujet comme sa capacité d'établir des interactions harmonieuses et gratifiantes avec son environnement. Il y aurait différents facteurs à prendre en considération : des facteurs d'ordre physiologique, d'ordre cognitif, d'ordre philosophique ou spirituel.

Marie Jahoda (1958) résume comme suit les différentes caractéristiques de la santé mentale :
  1. Des attitudes positives à l'égard de soi;
  2. L'actualisation de son potentiel;
  3. L'intégration de la personnalité;
  4. L'autonomie du sujet;
  5. Une perception juste de la réalité;
  6. La maîtrise de son environnement.
 En regard de ces différents enjeux, le concept de négociation apparaît central dans la problématique de la santé mentale. L'individu qui a une image positive de lui-même et qui perçoit son environnement d'une façon réaliste est en mesure de négocier la satisfaction de ses besoins d'une façon acceptable à la fois pour lui et pour les autres. Dans ces perspectives, la qualité des interactions du sujet avec son environnement devient un indice privilégié de la santé mentale d'un sujet.  

L'enjeu de la santé mentale pour les personnes vieillissantes serait ainsi de profiter de leur expérience et de leurs habilités diverses pour continuer d'améliorer la qualité et la fécondité de leurs interactions avec leur environnement.

(À SUIVRE)

RD